François Mitterrand se prononce contre la peine de mort

16 mars 1981
01m 50s
Réf. 00030

Notice

Résumé :
Bien que les sondages d'opinion indiquent que les Français sont majoritairement favorables à la peine de mort, François Mitterrand, candidat à la présidence de la République, se déclare en conscience contre la peine de mort.
Date de diffusion :
16 mars 1981
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Éclairage

Le 16 mars 1981, François Mitterrand participe à l'émission politique Cartes sur table présentée par Alain Duhamel et Jean-Pierre Elkabbach sur Antenne 2. C'est la première grande émission publique de François Mitterrand depuis qu'il a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle de 1981. Au cours de cette émission, il présente les raisons de sa candidature et détaille quelques unes des « 110 propositions pour la France », le programme du Parti Socialiste. 

A la toute fin de l'émission, Mitterrand revient sur l'une des propositions socialistes : l'abolition de la peine de mort. Dans ce combat, François Mitterrand expose sa conviction personnelle et rappelle que de nombreuses autorités morales se sont positionnées contre la peine de mort. Ainsi, en octobre 1977, l'ONG Amnesty International obtient le prix de Nobel de la Paix pour son oeuvre en faveur des droits de l'homme et notamment son combat pour une abolition universelle de la peine de mort. De même, en janvier 1978, l'Eglise catholique française se rallie aux idées des abolitionnistes. Les églises réformées et juives soutiennent également l'abolition. François Mitterrand se présente ainsi comme un homme de consensus capable d'écouter et de rassembler les différentes communautés religieuses françaises. 

Ce moment télévisuel est l'un des temps forts de la campagne de François Mitterrand qui se présente comme un homme de conviction et cela, en dépit de l'opinion des Français, dont la majorité serait en faveur de la peine de mort selon les sondages de l'époque. Enfin, après avoir répondu aux deux journalistes, François Mitterrand se tourne vers la caméra et s'adresse aux Français les yeux dans les yeux en leur demandant une majorité de suffrage. Cette intervention montre l'habileté de François Mitterrand à utiliser la télévision. 

Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République. Maurice Faure devient alors Garde des Sceaux. Mais après seulement un mois, il démissionne. Mitterrand le remplace alors par un avocat, Robert Badinter, le héraut de l'abolition de la peine de mort. Le 18 septembre 1981, la peine de mort en France est abolie.
Félix Paties

Transcription

Alain Duhamel
Monsieur Mitterrand, ça fait une heure vingt que nous sommes ensemble, nous avons donc chacun une dernière question à vous poser. La mienne, c’est celle-ci : il y a actuellement cinq condamnés à mort dans des cellules. Je voudrais savoir; si vous étiez élu président de la République, si vous les gracieriez ?
François Mitterrand
Pas plus sur cette question que sur les autres, je ne cacherai ma pensée. Et je n’ai pas du tout l’intention de mener ce combat à la face du pays, en faisant semblant d’être ce que je ne suis pas. Dans ma conscience profonde, qui rejoint celle des églises, l’église catholique, les églises réformées, la religion juive, la totalité des grandes associations humanitaires, internationales, et nationales, dans ma conscience, dans le for de ma conscience, je suis contre la peine de mort. Et, je n’ai pas besoin de lire les sondages, qui disent le contraire. Une opinion majoritaire est pour la peine de mort. Eh bien moi, je suis candidat à la Présidence de la République, et je demande une majorité de suffrages aux Français, mais je ne la demande pas dans le secret de ma pensée. Je dis ce que je pense, ce à quoi j’adhère, ce à quoi je crois, ce à quoi se rattachent mes adhésions spirituelles, ma croyance, mon souci de la civilisation. Je ne suis pas favorable à la peine de mort.
Alain Duhamel
Donc, vous les gracieriez.
François Mitterrand
Je ferai ce que j’aurai à faire dans le cadre d’une loi que j’estime excessive, c’est-à-dire régalienne, un pouvoir excessif donné à un seul homme, disposer de la vie d’un autre, mais ma disposition est celle d’un homme qui ne ferait pas procéder à des exécutions capitales.
(Bruit)