Débat radiophonique sur les différents moyens d'organiser l'Europe unie

20 décembre 1951
01m 31s
Réf. 00049

Notice

Résumé :
Le 20 décembre 1951, une semaine après la ratification par l'Assemblée nationale du traité instituant la CECA, Gaston Palewski, député RPF de la Seine, François Mitterrand, député UDSR de la Nièvre, Alfred Coste-Floret, député MRP de Haute Garonne, Pierre Cot, député progressiste du Rhône, et Daniel Mayer, député SFIO, débattent à la radio des modalités de la construction européenne. François Mitterrand y défend le plan Schuman.
Type de média :
Date de diffusion :
20 décembre 1951
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Éclairage

En mai 1950, le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, propose la mise en commun des ressources de charbon et d'acier de la France et de la République fédérale d'Allemagne (RFA). Il s'agit d'en terminer avec les conflits européens, après les ravages des deux guerres mondiales, en réconciliant la France et l'Allemagne autour d'un projet collectif. La mise en place du plan Schuman est le premier pas de la construction européenne avec l'objectif d'instaurer une paix durable sur le continent. Le 18 avril 1951, un traité instituant la Communauté Européenne de Charbon et de l'Acier (CECA), un marché unique dirigé par une Haute autorité, est signé par la RFA, l'Italie, la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. L'Europe étant scindée en deux blocs, entre l'Ouest et l'Est, en raison de la guerre froide, la CECA ne regroupe que des Etats occidentaux.

L'Assemblée nationale ratifie le traité le 13 décembre 1951. Une semaine plus tard, l'émission radiophonique La Tribune de Paris, animée par le journaliste Emile Dana, invite cinq députés à expliquer aux auditeurs leur point de vue sur la construction européenne. Le gaulliste Gaston Palewski et Pierre Cot, élu proche du PCF, s'opposent à Daniel Mayer de la SFIO, Alfred Coste-Floret du MRP et François Mitterrand, député UDSR.

Alors que Pierre Cot dénonce la construction d'une Europe uniquement composée d'Etats occidentaux, jugée hostile à l'Union Soviétique, Gaston Palewski estime que la politique européenne choisie pourrait conduire à un affaiblissement de la France. La discussion est vive. François Mitterrand y défend avec force le plan Schuman. Il déclare notamment : « L'Europe est pour nous une fin. [...] aujourd'hui, et par ce qui n'est pas de notre faute, toute une partie de l'Europe, qui est l'Europe comme nous, est soustraite aux possibilités d'accords internationales. Est-ce que cela signifie qu'en échange nous devions laisser la France seule sur son petit coin d'Occident, se séparant aussi et en plus des autres nations qui se trouvent près d'elle ? Voilà le problème. »
Victor Delaporte

Transcription

Emile Dana
Monsieur, Monsieur François Mitterrand demande la parole depuis quelques temps déjà, je m’excuse, je vous en prie.
François Mitterrand
C’est assez difficile, la passion s’est emparée des opposants.
Pierre Cot
Excusez-nous !
François Mitterrand
Je voulais dire simplement que qui peut le plus, peut le moins ! Et si nous regrettons, nous, infiniment qu’il y ait en effet cette coupure de l’Europe, nous pensons tout de même qu’il est préférable, dans un système international, de ne pas avoir la France seule, et que avec ce qu’il reste de l’Europe à l’ouest, il vaut mieux insérer la France dans ce système.
Pierre Cot
Alors, n’appelez pas ça l’Europe !
François Mitterrand
Pourquoi ne pas appeler ça l’Europe ?
Pierre Cot
Appelez ça l’occident !
Gaston Palewski
Nous appelons ça le début de l’Europe.
Pierre Cot
Appelez ça la défense du capitalisme, n’appelez pas ça l’Europe !
François Mitterrand
L’Europe, l’Europe est pour nous une fin et il n’y a pas de contradictoire,
Pierre Cot
Non, l’Europe est une donnée de l’histoire !
François Mitterrand
Et il n’y a pas une contradiction !
Gaston Palewski
Et de la géographie.
Pierre Cot
Et de la géographie !
Emile Dana
Bon, si vous voulez laisser parler Monsieur Mitterrand, s’il vous plaît messieurs. Monsieur Mitterrand, je vous en prie.
François Mitterrand
Je pense que le seul moyen de se faire entendre n’est pas forcément de crier, et c’est pourquoi j’attends.
Intervenant 1
Je vous signale que j’ai aussi quelque chose à dire !
François Mitterrand
C’est pourquoi j’attends la fin de cette discussion ! Mais ce que Monsieur Palewski nous rappelle, comme Monsieur Pierre Cot, que l’Europe est une donnée géographique, évidemment ! Ce que nous savons, c’est que aujourd’hui, et par ce qui n’est pas de notre faute, toute une partie de l’Europe qui est l’Europe comme nous est soustraite aux possibilités d’accord international. Est-ce que cela signifie qu’en échange, nous devions laisser la France seule sur son petit coin d’occident, se séparant aussi et en plus des autres Nations qui se trouvent près d’elle, voilà le problème.
Intervenant 2
Et pourquoi vous devez… ?