Visite de travail à Washington

12 mars 1982
03m 10s
Réf. 00059

Notice

Résumé :
La visite de François Mitterrand à Washington a lieu à un moment où les relations franco-américaines vivent un moment de tension. Cela n’empêche que les deux pays restent des amis et des alliés, qui, au moment où des divergences surgissent se doivent de « faire valoir leurs points de vue dans un seul objet, celui de les rapprocher lorsqu’ils sont différents et de les affirmer lorsqu’ils sont similaires ».
Date de diffusion :
12 mars 1982
Source :

Éclairage

Le 12 mars 1983, François Mitterrand se rend à Washington pour une visite de travail de deux jours. Pendant les dix premiers mois de présidence socialiste, des divergences sont apparues dans les relations franco-américaines et la visite de mars se veut un moment de mise au point entre le Président français et Ronald Reagan.

Le premier sujet sensible concerne les différentes stratégies adoptées par les deux hommes pour sortir de la crise économique qui se prolonge depuis les années 1970. Face à l’inflation, l’Amérique reaganienne applique une politique de taux d’intérêt élevés pour freiner l’activité économique. Ce qui s’oppose au programme de la France socialiste, qui entend relancer l’économie par la consommation.

Deuxième point de divergence, la politique reaganienne en Amérique centrale. Ronald Reagan redoute l’infiltration de Moscou dans les mouvements de libération nationale qui surgissent au Salvador et au Nicaragua, ce qui l’amène à fournir un appui sous couvert à des forces fidèles à Washington, en dépit de leur caractère souvent dictatorial. Mitterrand, en revanche, estime que ces luttes de libération nationale ne sont que le résultat d’une opposition aux régimes autoritaires mis en place par les Etats-Unis : s’ils cherchent un soutien auprès de Moscou, c’est qu’ils n’espèrent pas obtenir quelque aide que ce soit du grand voisin américain. Ce qui revient à accuser les États-Unis, et non Moscou, des événements qui se produisent dans ces États.

Enfin, troisième dossier sensible, et de loin celui qui cause le plus de tensions, celui des relations Est-Ouest. Après la déclaration de l’état de guerre en Pologne en décembre 1981, Reagan entend souligner la gravité des faits qui ont lieu à l’Est par une rupture des relations économiques avec les pays au-delà du Mur. Cela se passe à un moment où plusieurs pays européens, dont la France, sont en train de négocier un contrat gazier avec Moscou : en vertu de la nouvelle situation, le Président américain demande à ses Alliés d’interrompre les tractations ; la France mitterrandienne est profondément outragée par cette requête. L’ « affaire du gazoduc » est même le dossier qui incite Mitterrand à se rendre à Washington dans les plus courts délais, afin de discuter personnellement avec le Président américain des divergences apparues dans leurs relations.
Ilaria Parisi

Transcription

Alain Cancès
Incontestablement un succès et même un succès plus grand qu’espéré et attendu de part et d’autre. Succès d’abord sur le plan humain, à leur quatrième rencontre, les Présidents Reagan et Mitterrand se sont bien trouvés, bien compris. Succès aussi sur le plan politique où un véritable dialogue est désormais engagé. Sur le plan humain, un signe, cette chaleur du Président Reagan au moment des discours.
Ronald Reagan
Nous avons eu un dialogue très inhabituel, d’ami à ami, ce que j’apprécie. Le Président Mitterrand et moi, avons eu une journée très fructueuse, dans le salon ovale ou au déjeuner, nous avons évoqué beaucoup de problèmes.
Alain Cancès
Sur le plan politique, une demi surprise à propos de l’Amérique Centrale dont de toute évidence, on a beaucoup parlé. La volonté cette fois de chercher plutôt ce qui pourrait rapprocher et permettre de travailler ensemble malgré les divergences qui subsistent, c’est certain. Peu de nouveau sur les problèmes économiques, les taux d’intérêt, on en reparlera à Paris au mois de juin au moment des sommets industrialisés. Mais là aussi, le ton est un peu différent de part et d’autre, on affirme la volonté de trouver un compromis, de s’entendre, de trouver une solution. Enfin, du côté de Monsieur Mitterrand, la réaffirmation très nette de l’importance de la force de l’Alliance atlantique face à l’URSS. Même si le Président français est un peu en retrait de Monsieur Reagan sur ce point, ce genre de réaffirmation ne peut que faire très plaisir aux Américains. L’essentiel reste pourtant sans doute le ton nouveau des relations franco-américaines, un dialogue entre alliés, entre amis pas toujours d’accord, mais convaincus qu’il faut se parler, s’expliquer, se faire comprendre et pourquoi pas, finir par se convaincre.
François Mitterrand
Ces relations sont faites d’amitié mais cela est une longue histoire, qui ne fait que continuer. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, de franchise, c’est-à-dire que des amis et des alliés sur la scène du monde ont pour mission de faire valoir leurs points de vue dans un seul objet : celui de les rapprocher lorsqu’ils sont différents, de les affirmer lorsqu’ils sont similaires, afin de donner une certaine direction aux peuples qui s’inquiètent. Je terminerai en disant que l’hospitalité que j’ai reçue m’a fourni l’occasion, une fois de plus, de ressentir la profondeur des liens qui nous unissent. Et j’ai bien l’intention, la prochaine fois, puisque ce sera dans mon pays, de continuer d’agir dans ce sens, parler, discuter, marquer méthodiquement les points sur lesquels on peut ensemble avancer et servir autant qu’il nous sera possible les intérêts de la paix du monde, merci. C’en est fini, je me retourne maintenant vers le Président des Etats-Unis d’Amérique en lui exprimant mes plus vifs remerciements.