Confrontation avec Jean-Pierre Chevènement à l’issue de la Convention sur l’autogestion

24 juin 1975
02m 37s
Réf. 00202

Notice

Résumé :
Dans une déclaration François Mitterrand réaffirme sa légitimité à la direction du Parti Socialiste et appelle les "éléments brillants" du parti à faire route commune.
Date de diffusion :
24 juin 1975
Source :
Antenne 2 (Collection: JT 20H )

Éclairage

Cette passe d’arme médiatique entre François Mitterrand et Jean-Pierre Chevènement révèle les relations tendues depuis le début de l’année 1975 entre le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) et le principal responsable du CERES.

Depuis le congrès de Pau, en janvier-février 1975, le Centre d'études, de recherches et d'éducation socialiste (CERES), tendance du PS fondée par Jean-Pierre Chevènement en 1966 ne participe plus à la direction du parti. Il s'y trouvait pourtant depuis le congrès fondateur d’Epinay en 1971, où l’apport des voix du CÉRÈS avait permis la victoire finale de Mitterrand (voir Congrès d’Epinay).

Les tensions entre le tenant d’une ligne de rassemblement des socialistes et le leader de l’aile gauche étaient déjà manifestes lors des précédents congrès - à Bagnolet par exemple (voir ce document) - mais le congrès de Pau a marqué une rupture : avec 25,4% des suffrages en faveur de son texte contre 68% pour celui de Mitterrand, le CÉRÈS constitue donc désormais une minorité puissante du parti.

Lors d’une Convention consacrée à l’autogestion les 21 et 22 juin 1973, Jean-Pierre Chevènement a, pour la première fois, attaqué directement François Mitterrand et sa méthode de direction du parti. Ce dernier, jusqu’alors au-dessus de la mêlée des socialistes, s’est résolu à répondre à la critique. D’un côté François Mitterrand rappelle, de façon assez paternaliste, qu’il dispose de la majorité absolue dans le Parti. Il entend ainsi recadrer « l’élément brillant » qu’est le jeune et ambitieux énarque. De l’autre Jean-Pierre Chevènement, militant pour le renouvellement et critique à l’égard des « anciens ministres » comme François Mitterrand, rappelle qu’il joue un rôle d’aiguillon utile pour le PS, facteur de vitalité.

Les relations tumultueuses entre François Mitterrand et Jean-Pierre Chevènement n’en sont qu’à leurs prémices : ce dernier démissionnera plusieurs fois de ses postes ministériels lorsqu’il sera en désaccord avec la politique mitterrandienne. L’entendre ici s’indigner en disant qu’il ne quittera jamais le PS prend d’autant plus de relief quand on sait qu’il le fera malgré tout en 1993.
Arthur Delaporte

Transcription

François Mitterrand
J’ai bien l’intention de mener le Parti Socialiste jusqu’à la victoire. Si l’on devait être empêché d’administrer, de diriger et de gouverner un État ou un parti ou une association quelconque avec 70% de suffrages, alors, il n’y aurait plus de solution à rien. Nous disposons donc et je dispose donc du moyen, sans inquiétude aucune, de mener ma tâche à bien. Ce que je souhaite simplement, c’est qu’il y ait le moins de laissés pour compte possible sur le bord du chemin tandis que le Parti Socialiste poursuit sa route vers le gouvernement de la France. Moi, c’est ce que je souhaite. Je souhaite qu’on ne s’égare pas. Je souhaite que des éléments remarquables, brillants, utiles et militants ne se trompent pas de route de façon à ce qu’on les retrouve vraiment avec nous le jour voulu. Bref, pendant que je m’occupe, puisque j’en ai reçu mandat du Parti Socialiste, je voudrais bien que d’autres socialistes ne s’occupent pas que de leurs propres affaires, c’est tout.
Journaliste
Monsieur Chevènement, est-ce que vous vous reconnaissez dans le portrait tracé par Monsieur Mitterrand tout à l’heure parmi les éléments brillants que le Parti Socialiste ne voudrait pas laisser sur sa route à condition qu’ils ne s’occupent pas que de leurs propres affaires et qu’ils fassent du fractionnisme ?
Jean-Pierre Chevènement
Bon écoutez, le problème, ce n’est pas de, de rester au bord de la route. Le problème, c’est d’être sur la route et même un petit peu en avance. Et c’est ce que nous essayons de faire au Parti Socialiste parce qu’il faut quand même le tirer, le Parti Socialiste.
Journaliste
Est-ce que vous voulez quitter ou casser le Parti Socialiste ?
Jean-Pierre Chevènement
Mais pas du tout, alors, nous ne quitterons jamais le Parti Socialiste. Nous y sommes depuis très longtemps, j’y suis depuis dix ans. Nous étions presque des bambins que nous étions déjà au Parti Socialiste, alors, nous quitterions le Parti Socialiste alors que nous l’avons puissamment transformé ? Jamais de la vie, nous ne ferons jamais scission. Il faut bien qu’on comprenne cela, et nous demandons, au contraire, à tous les gens qui s’interrogent d’adhérer au Parti Socialiste. Il faut que le parti se renforce, qu’il devienne de plus en plus vivant et je crois que nous sommes, d’une certaine manière, pas nous seuls, mais la jeunesse c'est la vie du Parti Socialiste. Mais simplement, ce que nous voulons, c’est d’être considérés comme les autres, comme des militants à part entière même si nous ne sommes pas anciens ministres ou présidents de conseils régionaux.