Interview de François Mitterrand à Château-Chinon

25 janvier 1972
03m 45s
Réf. 00209

Notice

Résumé :
Interview de François Mitterrand, président du Conseil général de la Nièvre, sur l'économie et le désenclavement nécessaire de cette région.
Date de diffusion :
25 janvier 1972
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Éclairage

Député (1946-1958 et depuis 1962) et sénateur (1959-1962) de la Nièvre, François Mitterrand est président du Conseil général de ce département de la région Bourgogne depuis 1964. Candidat à la présidence de la République en 1965, il est aussi, au plan national, premier secrétaire du parti socialiste depuis le Congrès d'Épinay en 1971.

Interrogé par la rédaction locale de FR3 en janvier 1972, François Mitterrand expose, en sa qualité de président du Conseil général de la Nièvre, les projets de développement de son département. L'ambition nationale de François Mitterrand comme du PS n'étant jamais loin, on peut également lire dans ses réponses ce que seraient les priorités d'action d'un gouvernement socialiste.

François Mitterrand commence en effet par rappeler la nécessité, pour un département enclavé comme la Nièvre, dont les relations avec les autres départements bourguignons sont limitées, de développer les infrastructures routières permettant d'arrimer le département à l'axe Paris-Lyon via l'autoroute A6, ouverte en 1960 mais dont le tracé sur cet axe n'a été finalisé qu'en 1971. Puis, il en vient rapidement à des problématiques qui, comme il le rappelle à la fin de l'interview, sont aussi des problèmes nationaux. En premier lieu apparaît ainsi l'emploi et la nécessité d'oeuvrer à l'installation d'industries sur le sol nivernais, alors même que l'agriculture doit être modernisée pour profiter au mieux des perspectives offertes par le Marché commun européen. Enfin, pour permettre à la jeunesse de rester sur ses terres et aux anciens de ne pas être déracinés, François Mitterrand rappelle la nécessité de disposer de formations diplômantes et qualifiantes pour permettre aux jeunes de s'employer sur le territoire, ainsi que de disposer de services de santé performants pour maintenir les personnes âgées au plus proche de leur domicile.

Renouveau industriel, Europe, éducation, formation professionnelle et santé, autant de priorités départementales qui seront aussi des axes forts du programme du PS de François Mitterrand pour les échéances futures.
Vincent Duchaussoy

Transcription

Journaliste
Président, quels sont les grands problèmes économiques et sociaux dans la Nièvre à l’heure actuelle ?
François Mitterrand
Vous savez, c’est difficile à résumer en quelques minutes. Je suis donc obligé de répondre en termes un peu schématiques et je risque de faire des oublis. Mais puisqu’il s’agit de l’essentiel, je dirais d’abord que la Nièvre, dans la région Bourgogne, se sent un peu extérieure à la vie économique et humaine de cette région. Il est donc très important pour elle d’abord de pouvoir construire une infrastructure, ses communications. Communications avec l’Autoroute du Sud, soit vers Paris et Dijon, en rattrapant le Nord, si je puis dire, par Avallon, par Auxerre ; ou bien alors tout à fait vers le Sud, vers Lyon à partir de Nevers et de Decize. Et puis, il faut des transversales pour pouvoir traverser le Morvan. Tant que cela ne sera pas fait, la vie économique de la Nièvre passera par la vallée de la Loire, ce qui est bien mais n’est pas suffisant. Évidemment, comme partout ailleurs, le problème de l’emploi est dominant et donc la capacité pour notre département de recevoir des industries. On s’est inquiété, il y a peu de temps, sur le sort de la zone industrielle de Nevers. Je crois que nous avons obtenu aujourd’hui des garanties et la certitude que nous pourrons continuer de développer dans cette région des implantations nécessaires. De la même façon, dans un certain nombre de chefs-lieux de cantons, il faut pouvoir installer des usines et donc obtenir des avantages égaux à ceux des zones industrielles. À partir de là, nous serons assurés que notre jeunesse restera sur place et que nous aurons une main d’oeuvre qualifiée, je l’espère, ce pourquoi, il faut aussi développer toutes les méthodes d’éducation et naturellement tout un système de collèges d’enseignement technique et de formation professionnelle. La Nièvre est un département agricole et un département forestier, agricole, d’élevage surtout. Le problème de notre élevage est bien connu, c’est un grand élevage, il est connu d’ailleurs à travers le monde entier mais il faut en perfectionner tous les systèmes, les marchés, les structures même, la formation des jeunes agriculteurs, leur information, les débouchés dans le cadre du marché commun. Là-dessus, c’est évidemment au niveau de Paris, au niveau de Bruxelles qu’il faut parvenir à des solutions qui ne dépendent pas des Nivernais. Encore peuvent-ils eux-mêmes donner des idées et participer à la tâche commune. Les forêts, un espoir, on a vécu depuis très longtemps sur l’implantation de résineux afin de pouvoir fabriquer du papier. Aujourd’hui, la forêt feuillue, le chêne, le hêtre, etc. , peuvent servir au développement industriel, car il va s’installer une usine près de Decize qui fera de la pâte à papier à partir de ce type d’arbre. Alors, la forêt du Morvan peut connaître de nouveau de beaux jours. Puis le tourisme, le tourisme a à l’heure actuelle un développement très réel. La solidarité des quatre départements de la région Bourgogne se fait indiscutablement sentir et on équipe le Morvan, pas autant qu’il faudrait, mais beaucoup mieux qu’on ne pouvait le prévoir. Voilà les grands problèmes, il y a pour les vieux qui sont de plus en plus isolés la nécessité de développer un système de santé et, comment dirais-je, d’aide, d’une manière moderne qui ne les arrache pas trop à leur village natal. C’est difficile, il faut y parvenir et ainsi de suite. Nos problèmes sont ceux de toutes les régions de France et j’espère cependant que votre émission permettra de faire sentir le caractère particulier de la Nièvre.