Soutien à l'Angleterre dans la guerre des Malouines

06 juin 1982
03m 27s
Réf. 00215

Notice

Résumé :
Comme le rappelle François Mitterrand au début de la conférence de presse du 6 juin 1982, la France n’a jamais reconnu les affirmations de souveraineté sur l’archipel des Malouines, que celles-ci viennent de la Grande-Bretagne ou de l’Argentine. Pourtant, alors qu’un conflit oppose les deux pays depuis le mois d’avril 1982 - depuis que l’Argentine a lancé une opération armée pour reprendre ses « droits » sur l’archipel - le Président prend position en faveur de l’Angleterre.
Date de diffusion :
06 juin 1982
Source :
FR3 (Collection: Soir 3 )
Personnalité(s) :

Éclairage

Commencée le 2 avril 1982, la guerre des Malouines est un conflit qui oppose l’Argentine à la Grande-Bretagne dans l’archipel doublement appelé « Falklands-Malouines » et situé dans l’Atlantique sud. Formant un territoire britannique d’outre-mer, dont la colonisation anglaise s’est faite à partir des années 1830 après en avoir chassé les colons argentins, ces îles sont l’objet de tensions permanentes qui culminent entre le mois d’avril et le mois de juin 1982.

Au moment où François Mitterrand prend la parole pour s’exprimer sur cette crise, le 6 juin 1982, le contexte est particulier : le chef de l’Etat se trouve en effet au sommet du G7, ou « sommet de Versailles », qui réunit depuis le 4 juin les sept dirigeants des pays reconnus comme les plus grandes puissances mondiales. La situation aux Malouines est d’ailleurs évoquée lors de ce sommet, en présence du Premier ministre britannique Margaret Thatcher qui participe aux discussions. Lors de la conférence de presse qu’il donne à l’issue de ces deux jours de réunion, le Président de la République en profite pour clarifier la position de la France face à cette crise sud-atlantique : bien que la France n’ait jamais pris parti pour la souveraineté de l’Argentine ou pour celle de la Grande-Bretagne sur cet archipel, Mitterrand affirme tout son soutien aux Britanniques puisqu’ils ont subi une agression armée des Argentins.

Cependant, le sens des propos de Mitterrand ne se réduit pas à une simple déclaration officielle de solidarité pour rassurer l’allié anglais sur ses intentions. En évoquant les clauses de la résolution 502 de l’ONU, prise le 3 avril 1982 et exigeant des gouvernements argentins et britanniques qu’ils trouvent rapidement une solution diplomatique à leur différend, François Mitterrand montre qu’il est lui aussi plus favorable aux sorties de crise pacifiques qu’aux opérations militaires sur le terrain. Pourtant, François Mitterrand place cette fois tout son espoir dans le succès de l’assaut britannique en cours, puisqu’il apparaît comme condition préalable au cessez-le-feu qui mettra un terme à « l’engrenage » des tensions aux Malouines.

Dans cette conférence de presse, au moment où la voix du pays et celle de son Président se mêlent, on peut déceler l’énonciation d’une logique propre à François Mitterrand en matière de politique étrangère : dans le règlement des conflits internationaux, au-delà des logiques d’alliances et de solidarité, c’est avant tout le maintien ou le rétablissement de la paix que la France tient à défendre.
Alice de Lyrot

Transcription

Présentateur
Francine Buchi, je parlais tout à l’heure des Malouines. Alors il semble, là aussi, que l’offensive soit engagée.
Francine Buchi
Effectivement, on pense que l’assaut final a peut-être commencé aux Malouines. En début de soirée ; nous avons appris que le paquebot Queen Elisabeth avait débarqué des soldats pour renforcer les troupes britanniques déjà en place. D’autre part, l’envoyé spécial de la chaîne de télévision britannique indépendante ITN rapporte qu’une opération d’une audace extraordinaire est en cours dans la zone de Port Stanley et que si cette opération réussit, eh bien, la fin de la guerre sera beaucoup plus proche. Port Stanley serait déjà isolé du reste des Malouines. Le conflit des Malouines a effectivement été abordé au Sommet de Versailles et voici en quels termes François Mitterrand en a parlé dans la conférence de presse qu’il a tenue en tant que Chef de l’État français.
François Mitterrand
Il n’y a pas eu de texte adopté sur l’affaire des Falkland Malouines. Je dis Falkland Malouines parce que si je dis Malouines vous traduirez Falkland. Et si vous dites Falkland d’autres traduiront Malouines, mais il s’agit de la même chose. Donc, je ne vais pas faire de discours inutile à ce sujet. Ce qui est vrai, c’est que l’Argentine a préféré régler par la force un vieux débat qui l’opposait à la Grande-Bretagne. Ce qui est vrai, c’est que nombre de pays n’ont jamais reconnu le droit ni des uns ni des autres, le droit de souveraineté, défini le droit de souveraineté aux Falkland Malouines. La France est de ces pays-là. Troisièmement, quoique il y a eu débat, mais en tout cas, nous n’avons jamais reconnu le droit de souveraineté par exemple de la Grande-Bretagne et pourtant nous sommes aux côtés de la Grande-Bretagne, pourquoi ? Parce qu’il a été agressé et parce qu’il est notre ami et notre allié. Et qu’à partir du moment où l’agression a eu lieu, s’est engagé un engrenage d’événements dont nous ne sommes pas maîtres, nous. Nous avons soutenu dès l’abord la résolution 502 des Nations-Unies, nous nous en tenons là et nous avons, d’autre part, adopté au sein de la Communauté Européenne un embargo sur les échanges commerciaux avec l’Argentine qui nous paraissait la conséquence normale de notre condamnation de la violence.
(Silence)
François Mitterrand
Sur les événements qui se sont produits depuis lors et notamment sur l’avance britannique sur le sol des Falkland ou Malouines, cela fait partie de l’événement sur lequel la France n’a pas d’action sinon indirectement par le fait qu’elle participe à cet embargo, c’est vrai. Simplement, nous considérons que ce que l’on pourrait appeler un événement nouveau dans ce jeu de la fatalité serait constitué par le fait que la Grande-Bretagne aurait récupéré le sol qui lui était contesté. À partir de là, une nouvelle phase commencera, ce n’est pas un principe que j’émet, c’est une évidence politique ; à partir de là commencera une nouvelle phase qui, je l’espère, se terminera dans le délai le plus bref par un cessez-le-feu ou un armistice, appelez-le comme vous le voudrez. Et la France sera naturellement du côté de ceux qui plaideront ce dossier-là.