Vœux 1984 de François Mitterrand

31 décembre 1983
06m 26s
Réf. 00264

Notice

Résumé :
International, économie, social, le président de la République dresse le bilan d'une année 1983 riche en événements et en tragédies et esquisse des perspectives pour l'année à venir.
Type de média :
Date de diffusion :
31 décembre 1983
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Éclairage

Les événements tragiques survenus en fin d'année 1983 conduisent le président de la République à accorder à l'actualité internationale une large part de son intervention télévisuelle traditionnelle du 31 décembre.

Le Liban d'abord, avec ce message particulier adressé aux familles des soldats morts dans l'attentat de Beyrouth du 23 octobre 1983, revendiqué par le Jihad islamique, qui coûta la vie à 58 parachutistes français qui participaient à une mission de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU. Le Tchad ensuite, où la France intervient dans le cadre de l'Opération Manta, dans le conflit dérivé de la guerre civile tchadienne de 1965-1972 et qui oppose le Tchad d'Hissène Habré à la Libye de Mouammar Kadhafi pour le contrôle de territoires frontaliers. Dans son allocution, le président se montre confiant quant à une issue rapide sur ces deux théâtres extérieurs et répète que l'intervention de la France est transitoire, avant une prise de relais par les institutions internationales concernées.

Le deuxième axe fort de l'intervention présidentielle est sans conteste la situation économique intérieure du pays, neuf mois après la dévaluation de mars 1983, assortie d'un nouveau plan de rigueur qui avait semblé sonner le glas des promesses de 1981. Au contraire, François Mitterrand prend soin d'inscrire la globalité de sa politique depuis mai 1981 dans un même effort de nécessaire redressement économique conjugué au progrès social. Il se félicite des résultats du commerce extérieur, faiblesse structurelle de l'économie française, pour 1983 et appelle à la poursuite du redressement industriel et de la lutte contre l'inflation. Une déclaration qui préfigure la création en 1984, dans le gouvernement de Laurent Fabius, d'un ministère du Redéploiement industriel et du Commerce extérieur confié à Édith Cresson.

Enfin, François Mitterrand déclare que 1984 sera l'année de l'Europe, ce qui prépare la présidence française du Conseil européen au premier semestre de la nouvelle année et témoigne de l'émergence du thème depuis le plan de rigueur de mars 1983 et la volonté réaffirmée alors de maintenir le Franc dans le Système monétaire européen.
Vincent Duchaussoy

Transcription

(Musique)
François Mitterrand
Mes chers compatriotes, à vous qui êtes réunis en famille et avec vos amis et à vous qui, ce soir, êtes seuls ou malades, j’adresse mes voeux de bonne année. Celle qui s’achève a été rude, cruelle même pour beaucoup. Ma pensée va vers les parents et les proches de nos soldats tombés au Liban. Vers ceux qui ont, comme eux, perdu un être cher, vers ceux qui souffrent d’une séparation, vers ceux qui connaissent le drame du chômage. À tous, je souhaite que l’an nouveau donne des raisons d’espérer. 1984, bien qu’à de nombreux signes, on voie notre pays sortir peu à peu de la crise, je ne promets rien d’autre à personne que la poursuite sans faiblesse de l’effort de redressement national où nous sommes engagés. Ce qui a été fait dans ce sens l’a été grâce à vous qui croyez en la France. C’est encore grâce à vous que nous venons de battre ces derniers mois le record absolu de nos ventes à l’étranger. Quel succès pour nos producteurs et nos exportateurs et quel exemple pour nous tous. Mais ne nous y trompons pas, nous avons devant nous deux obstacles majeurs. Le premier s’appelle l’inflation qu’il faut encore réduire et ce n’est pas facile, pour affronter victorieusement la concurrence. Le deuxième, c’est le vieillissement d’une partie de notre appareil industriel qu’il faut adapter au changement prodigieux et accéléré des techniques en formant femmes et hommes aux emplois qu’exigent ces techniques. Et comme l’État entend réaliser en 1985 le nécessaire allègement des impôts et des charges, c’est ainsi et pas autrement que nous relancerons l’activité économique, que nous créerons des emplois durables, que nous revaloriserons le pouvoir d’achat des salaires et que nous ferons de la France un grand pays moderne. À condition, évidemment, qu’une politique sociale de solidarité et de dialogue inspire et accompagne la politique économique, elles sont, pour moi, inséparables. À l’extérieur, la France est parfois combattue, mais toujours respectée. Au Liban où nous faisons notre devoir, c’est de nous que l’on attend de part et d’autre la sauvegarde des vies humaines. Sauvegarde rendue possible en plusieurs circonstances, départ des Palestiniens, échanges des prisonniers, aide à la population de Beyrouth par la présence de nos soldats auxquels j’adresse ici mes voeux. Au Tchad, c’est de nous que l’on attend les chances de la paix et de l’indépendance dans une Afrique rassurée. Il appartient maintenant et dans ces deux pays, aux nationaux eux-mêmes de s’entendre et aux instances internationales d’assurer le relais, alors mission remplie, nos soldats rentreront chez nous. Vous avez suivi cette année, souvent avec anxiété le débat sur les euromissiles, ces armes nucléaires installées en Europe et qui ne visent que l’Europe. J’ai, en votre nom, soutenu et je soutiendrai demain qu’il devait y avoir équilibre des forces et au plus bas niveau possible si l’on voulait servir la paix. Puissent les Russes et les Américains se décider à négocier utilement. Enfin, 1984 sera l’année de l’Europe, pour le meilleur ou pour le pire. Deux rendez-vous sont déjà pris. En juin, on élira les députés européens et la France présidera dès ce premier janvier aux destinées de la communauté. Première dans le monde sur le plan commercial, il manque à l’Europe une volonté politique, c’est-à-dire la conscience de ce qu’elle vaut, de ce qu’elle peut. La France qui est européenne ne veut pas rater cette chance. Mes chers compatriotes, voilà pour nous de grandes tâches sans oublier les autres. Plus de sécurité, des banlieues rénovées et plus d’enfants dans nos familles. En dépit de leurs divergences, je ne me lasserai jamais d’espérer ni de vouloir que les Français s’unissent quand il s’agit de l’essentiel. Bonne année à tous. Vive la République, vive la France.
(Musique)