François Mitterrand inaugure la Bibliothèque Nationale de France

30 mars 1995
01m 15s
Réf. 00294

Notice

Résumé :
Le 30 mars 1995, François Mitterrand inaugure le nouveau bâtiment de la Bibliothèque nationale de France en compagnie de l'architecte, Dominique Perrault, du candidat à la présidentielle, Lionel Jospin, du maire de Paris et candidat à la présidentielle Jacques Chirac.
Date de diffusion :
30 mars 1995
Source :
FR3 (Collection: 19/20 )

Éclairage

Au XIXe et au XXe siècle, la modernisation des techniques d'impression et la multiplication des supports (audio, vidéo) font exploser le nombre d'ouvrages à stocker. Par exemple, la Bibliothèque nationale reçoit 12 414 ouvrages en 1880 contre 45 000 en 1993. De plus, le développement de la recherche et l'explosion du nombre d'étudiants dans la seconde moitié du XXe siècle posent également d'important problème d'accueil du public dans les salles de lecture. 

Afin de répondre à ces multiples demandes, le 14 juillet 1988, François Mitterrand, annonce « la construction et l'aménagement de l'une ou de la plus grande et la plus moderne bibliothèque du monde... (qui) devra couvrir tous les champs de la connaissance, être à la disposition de tous, utiliser les technologies les plus modernes de transmission de données, pouvoir être consultée à distance et entrer en relation avec d'autres bibliothèques européennes » (Yves Mourousi pour TF1 le 14 juillet 1988). 

Le site retenu pour la construction de l'édifice est le quai de Tolbiac. Ce projet s'inscrit en parallèle du vaste projet "Paris Rive Gauche", un chantier de renouvellement urbain du sud du 13e l'arrondissement. Le projet retenu est celui de Dominique Perrault : quatre grandes tours d'angle en forme de livre ouvert forment un rectangle au centre duquel se trouve un jardin qui rappelle le calme d'un cloître d'abbaye médiévale. C'est ce dernier aspect qui a particulièrement séduit François Mitterrand. 

Lorsque le projet est confié à l'architecte, le cahier des charges du maître d'oeuvre n'est pas encore arrêté ! Plusieurs conceptions s'affrontent. La première solution étudiée est celle défendue par Emmanuel Le Roy Ladurie, administrateur général de la BN. Il souhaite créer un nouveau site à Paris qui prendrait la suite chronologique des collections de la BN. Cette solution a trois avantages : elle est peu coûteuse, elle permet de créer de nouveaux espaces de stockage et elle permet d'accueillir de nouveaux visiteurs. Mais, selon François Stasse, ancien directeur de la BNF (conférence "vieille dame, grande dame : la BNF" pour Canal Académie, 19 mai 2003), "Elle a un inconvénient : elle ne constitue pas un "grand projet" au sens où un monarque, fût-il républicain, l'entend". La seconde solution est celle proposée par Jacques Attali : il souhaite utiliser les nouvelles techniques informatiques afin de numériser les livres et les rendre accessibles à tous via des ordinateurs. Les livres originaux seraient alors stockés dans de banals silos. Un nouveau conflit naît alors dans ce premier conflit : "la bataille de la césure". Cette querelle est déclenchée par ceux qui refusent de séparer chronologiquement les collections sur deux sites distincts : le projet initial devait permettre de conserver les ouvrages avant 1945 sur le site Richelieu et le nouveau site Tolbiac devait accueillir les oeuvres publiées après 1945. Finalement, François Mitterrand arbitre en faveur d'une troisième solution, somptueuse, qui permet d'accueillir sur un site unique toutes les oeuvres. 

Le projet a également connu une édification mouvementée. La presse de l'époque révèle de nombreux dysfonctionnements et des promesses techniques non tenues par l'architecte et les ingénieurs du chantier. Le stockage des livres dans de grandes tours de verre a donné naissance à de vives querelles concernant la conservation de ces ouvrages menacés ici par la lumière, la chaleur et l'humidité. Après avoir promis un verre isolant révolutionnaire, l'architecte se ravise et dote les bâtiments d'une importante usine de climatisation (130 unités de traitement d'air, 188 armoires de climatisation) et des milliers de volets en bois sont installés à l'intérieur des tours. L'architecte a décidé de maintenir l'usage du verre afin de préserver la promesse de ce bâtiment, à savoir rendre le savoir transparent et accessible à tous. Par ailleurs, les circulations dans les différents espaces de ce nouveau site sont extrêmement complexes (188 magasins, 450 zones incendies, limitation du nombre de porte pour l'accès du public) voire périlleuses sur l'esplanade en cas d'humidité (le bois d'ipé devient extrêmement glissant). 

Enfin, le coût du projet est également un sujet de querelle : 8 milliards de francs soit 1,2 milliards d'euros actuels. C'est le plus onéreux des grands travaux initiés par François Mitterrand. De nombreux acteurs du monde universitaire se plaignent de ce choix : en effet, cette décision a été prise au détriment de la rénovation et de la modernisation de toutes les bibliothèques universitaires de France. Selon François Stasse (ibid), il s'agit d'un "choix centralisateur, jacobin, parisien, qui n'était pas, à mes yeux, le plus conforme à l'intérêt général". De plus, le coût de fonctionnement de la nouvelle BnF est triplé par rapport à l'ancienne. 

Il faut presque dix ans pour que ce nouveau site devienne pleinement opérationnel (signalétique, accès, informatique). La bibliothèque propose 1900 places pour les chercheurs en rez-de-jardin (soit le triple de Richelieu). 1650 places sont également attribués pour des visiteurs de tous types en haut-de-jardin. L'idée initiale de réunir chercheurs et amateurs initiés en une même bibliothèque n'a pas vu complètement le jour. Enfin, le rassemblement en un lieu unique de tous les ouvrages et périodiques permet un confort de travail incomparable aux lecteurs. 

Le 30 mars 1995, François Mitterrand inaugure le nouveau bâtiment de la Bibliothèque nationale de France en compagnie de l'architecte, Dominique Perrault, du candidat à la présidentielle, Lionel Jospin, du maire de Paris et candidat à la présidentielle Jacques Chirac. Après son décès le 8 janvier 1996, le site Tolbiac de la Bibliothèque nationale de France est renommée "Bibliothèque nationale de France - site François Mitterrand".
Félix Paties

Transcription

Présentateur
C’est dans deux ans que la Bibliothèque Nationale de France s’installera dans ses tout nouveaux locaux, une construction futuriste inaugurée aujourd’hui à Paris par le Président de la République. Un monument exemplaire, selon François Mitterrand, le dernier grand chantier de ses deux septennats. L’inauguration aujourd’hui a, bien entendu, servi de tribune politique, Claire Sébastien.
Claire Sébastien
Quai de Tolbiac, impossible de la manquer. La Bibliothèque Nationale de France élève ses quatre tours de verre en L encadrant un espace vide évoquant un livre à demi-ouvert, voilà pour le symbole. La TGB, Très Grande Bibliothèque, ainsi surnommée, a été construite au rythme TGV pour permettre au Président de l’inaugurer à quelques semaines de la fin de son mandat. Calendrier politique oblige, sur les marches de ce nouveau temple culturel, il y avait du beau monde, un Président et deux prétendants. Jacques Chirac est venu avec ses lieutenants, Alain Juppé, Philippe Seguin, Président de l’Assemblée Nationale, Jacques Toubon, Ministre de la Culture. Plus isolé mais présent dans l’entourage présidentiel, Lionel Jospin, aux côtés de Jack Lang. Seul, le Premier ministre et candidat Edouard Balladur, ne pouvait être là pour cause d’agenda, apprenait-on à Matignon. Construit en moins de 10 ans, c’est le plus monumental et le plus cher des grands travaux présidentiels, mais le public devra attendre le printemps 97 pour entrer à son tour dans le sanctuaire.