François Mitterrand s'exprime sur "l'Unité populaire" chilienne menée par Salvador Allende

17 novembre 1971
01m 30s
Réf. 00005

Notice

Résumé :
Entretien avec François Mitterrand à propos du Chili : "Il y a une riche expérience à tirer dans le programme commun des différents partis politiques".
Date de diffusion :
17 novembre 1971
Source :
ORTF (Collection: JT nuit )

Éclairage

En juin 1971, François Mitterrand prend la tête du Parti socialiste refondé et annonce sa stratégie d’union de la gauche autour d’un programme commun. Or depuis le 4 novembre 1970, le Chili est présidé par Salvador Allende et son gouvernement d’« Unité populaire », vaste coalition de gauche comprenant notamment les partis socialiste, communiste et radical. Cette expérience d’une coalition de gauche respectueuse des libertés publiques, passe alors pour un précurseur, voire pour un vrai modèle pour la gauche française et nombreux sont les journalistes français à souligner la proximité politique des gauche des deux pays et à comparer François Mitterrand à Salvador Allende.

Ne pouvant rester indifférents à leur « cousinage politique », c’est ainsi qu'à l’invitation officielle du gouvernement chilien et de son président, François Mitterrand effectue du 10 au 17 novembre son premier grand voyage à l’étranger. Il prend alors la tête d’une délégation composée de Gaston Defferre, président du groupe parlementaire socialiste à l’Assemblée nationale, et de Claude Estier, Secrétaire national à la presse et à l’information.

C’est au cours de ce voyage qu’a été réalisée cette interview, probablement à Santiago du Chili, et c’est très logiquement que le journaliste interroge François Mitterrand sur sa perception de l’expérience chilienne. Soulignant la force de la stratégie d’union de la gauche chilienne et de son socialisme démocratique et légaliste, François Mitterrand reste malgré tout soucieux de distinguer la situation géopolitique et socio-économique des deux pays, évitant de parler de « modèle » chilien.

Lors de ce voyage, les socialistes français ont également rencontré Fidel Castro, chef de l’Etat Cubain et autre figure symbolique de la gauche latino-américaine. Ils ont enfin visité plusieurs lieux emblématiques de l’économie chilienne, comme le port de Valparaiso et la région agricole de Temuco.

Après le voyage, les difficultés croissantes qu’affronte le gouvernement Allende amènent le PS français à prendre ses distances. Mais après le putsch militaire du 11 septembre 1973 et le suicide de Salvador Allende, ce dernier devient un « héros » pour la gauche socialiste et ce voyage participe de la mythologie chilienne que diffuse le Parti socialiste français.
Judith Bonnin

Transcription

Journaliste
Je suppose que cette expérience chilienne, celle d’un gouvernement de coalition de gauche, vous intéresse particulièrement.
François Mitterrand
On est très frappé quand on arrive au Chili par les similitudes de situations, de comportements, des relations des partis politiques entre eux. Beaucoup de partis, donc une infinité de nuances, les mêmes dénominations, les mêmes alliances. Je dirais même qu’au Chili, il y a encore, je crois, une plus grande richesse de la gamme. Mais, cependant au Chili, ils sont arrivés autour d’un pacte d’unité populaire, à dessiner un programme d’action. Et ça fait maintenant un an que ce programme d’action est exécuté par le gouvernement, issu de l’élection du Président Salvador Allende. Alors, pour un socialiste français, surtout pour le responsable du Parti socialiste, il y a une riche expérience à tirer. D’abord, comment est-ce que socialiste et communiste, pour ne parler que de cela, en sont arrivés au programme commun ? Ensuite, dans la pratique, comment au-delà de leurs discussions inévitables, parviennent-ils à maintenir une discipline d’action, sans que l’un déborde sur l’autre ? Enfin, et c'est, je dirais presque le principal, comment parviennent-ils à maintenir les libertés publiques ? Car je crois que personne ne discute de cela. Les libertés publiques sont très scrupuleusement respectées dans le Chili moderne de l’expérience de gauche.