François Mitterrand

Éclairage

Du 9 au 12 juin 1979 doivent se tenir les premières élections du Parlement européen au suffrage universel direct. Dans cette perspective, l'Union des partis socialistes et sociaux-démocrates de la Communauté Économique Européenne (UPSCE, ancêtre du Parti socialiste européen) décide en janvier de mener une campagne commune. L’UPSCE est alors présidée depuis 1978 par Robert Pontillon, qui fut longtemps le Secrétaire international du PS français.

Ainsi, si des divergences existent entre eux, le PS étant effectivement contre une extension du pouvoir du Parlement européen au contraire du SPD allemand, tous ces partis adoptent un « appel aux électeurs des États membres de la Communauté », document présentant des points d'accord sur des grands thèmes, et qui est voué à être complété par les programmes nationaux. Les positions françaises pèsent dans l'élaboration de ce texte qui affirme entre autres que « l'économie de marché ne conduit pas spontanément à la justice sociale ». Dans cette interview, François Mitterrand insiste sur l’identité et l’histoire communes de ces partis.

Les socialistes organisent alors à travers toute l’Europe des manifestations communes. François Mitterrand se rend par exemple en mars 1979 à Ludwigshafen (RFA) pour une conférence de l’UPSCE sur le thème « Humanisme européen - Démocratie culturelle ». Le 26 avril 1979 il se rend cette fois-ci à Luxembourg pour cette manifestation sur « les institutions de l’Europe et leurs pouvoirs ».

Cette élection est pour les socialistes et socio-démocrates un succès puisqu'avec 113 sièges ils constituent le groupe parlementaire européen le plus important, présidé par le belge Ernst Glinne.

Judith Bonnin

Transcription

Patrick Poivre d'Arvor

Précisément les candidats socialistes des neuf pays du marché commun s’étaient donné rendez-vous aujourd’hui, au Luxembourg. Ils étaient environ 200, parmi les plus remarqués : François Mitterrand et Willy Brandt. C’est un reportage de Bernard Pradinaud.

Journaliste

C’était l’essentiel de la journée, les institutions de l’Europe et leur pouvoir. Le Parlement Européen à partir de juin prochain devra t-il avoir plus de pouvoir ? Doit-on aménager le Traité de Rome, ou pas ? Les socialistes européens ont essayé de rapprocher leurs points de vue, car il y a des différences entre eux. Pour schématiser, les Allemands par exemple, ont moins peur de ce pouvoir européen que les Français, ou les Anglais. Socialiste, oui, européen, oui, mais pas de la même façon.

Bien entendu il y a des différences. Ces différences tiennent au fait que ces socialistes vivent dans des pays différents, ont une histoire différente, ont pour devoir de défendre les intérêts de leur pays. Et d’autre part, l’évolution de l’Europe à travers les siècles a façonné, ici et là, des tempéraments différents, des approches idéologiques différentes. Donc, c’est presque une vérité de La Palice, que de constater que les partis socialistes et socio-démocrates de l’Europe des neuf, ne sont pas identiques. Seulement, il faut remarquer quelque chose de plus important que cela. Ils ont la même origine. Leurs racines plongent dans la même histoire, et cette histoire, c’est celle des travailleurs, ce que l'on appelait le prolétariat, né au XIXe siècle avec l’avènement de la société industrielle. Classe sociale immense, nombreuse, écrasée, dominée, exploitée et qui a dû, par les luttes, conquérir peu à peu ses droits. Elle ne les a d’ailleurs pas encore acquis autant qu’il le faudrait. De telle sorte que les partis socialistes et socio-démocrates ayant cette origine commune, qui est d’abord la lutte contre toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme, et d’abord toutes les formes d’exploitation économique, c'est dire qu’il y a entre nous des liens puissants, une communauté et une identité.