Réaction de François Mitterrand après les municipales

20 mars 1977
03m 44s
Réf. 00028

Notice

Résumé :
Le 20 mars 1977, au soir du second tour d’élections municipales triomphales pour l’union de la gauche, François Mitterrand, premier secrétaire du PS, ne cache pas sa légitime satisfaction et dresse les perspectives, éminemment favorables, qui se dessinent pour une gauche en progrès constant depuis cinq ans, alors que les divisions de ses adversaires apparaissent toujours plus grandes.
Type de média :
Date de diffusion :
20 mars 1977
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Éclairage

Depuis la signature du programme commun entre PS, PCF et MRG en 1972, la gauche progresse. En mai 1974, François Mitterrand, premier secrétaire du PS et maître d’œuvre de la stratégie d’union, frôle la victoire à l’élection présidentielle. Deux ans plus tard, lors des cantonales, la gauche remporte une large victoire. Les municipales des 13 et 20 mars 1977 sont, elles, triomphales. Tout particulièrement pour le PS qui s’empare de Brest, Montpellier, Nantes, Rennes ou encore, avec Charles Hernu, Villeurbanne. Au total, la gauche, presque partout unie, fût-ce au prix de laborieuses négociations, est désormais à la tête de 159 des 221 villes de plus de 30 000 habitants. Incontestablement, elle se révèle majoritaire.

S’il intervient, comme toujours, depuis Château-Chinon, François Mitterrand déroge le 20 mars à l’une de ses habitudes puisqu’il prend la parole tôt dans la soirée, acceptant de commenter les résultats avant de posséder des chiffres définitifs. Mais le succès socialiste ne fait plus de doute et il semble d’autant plus porteur d’avenir que la droite est divisée après la victoire à Paris de Jacques Chirac contre Michel d’Ornano, proche du président Valéry Giscard d’Estaing. La pleine satisfaction de François Mitterrand transparaît, quand bien même il refuse de se dire heureux à titre personnel, et il se fait volontiers lyrique lorsqu’il évoque le « printemps » du PS. Il est cependant d’abord tourné vers les législatives de mars 1978 qu’il peut aborder avec confiance. Mais il lui faut dissiper les dernières inquiétudes entourant la formation d’un gouvernement où les communistes disposeraient de portefeuilles importants. Aussi présente-t-il la gauche comme une force, évidemment, mais « tranquille » (déjà, l’épithète qualifiait sa « résolution » lors de la campagne présidentielle de 1974).

Las, la trajectoire portant François Mitterrand au pouvoir va s’avérer plus tortueuse que ces municipales ne l’annonçaient. En septembre 1977, le programme commun est rompu et la gauche échoue lors des législatives. Bientôt, dans son propre parti, nombre de voix viennent remettre en cause la stratégie du leader socialiste. Pourtant, après ces épreuves, celui-ci est élu, le 10 mai 1981, président de la République. Par la grâce d’une communication habile, la « force tranquille », désormais associée au seul François Mitterrand, passe alors à la postérité.
Antoine Rensonnet

Transcription

François Mitterrand
Simplement, l’évolution depuis 1974 et l’élection présidentielle, 49,5 % dans la métropole, et la poussée qui n’a pas cessé, élections partielles, législatives, élections cantonales de 1976, encore des élections législatives partielles en 1976, puis les élections municipales du premier et du deuxième tour montrent que la Gauche est franchement et nettement majoritaire dans le pays. Est-ce que cela peut se transformer lors des élections législatives de l’année prochaine, cela me paraît désormais très possible, très vraisemblable et je laisse les Français juger des arguments que je leur propose ce soir. Je pense que nous devons, en tout cas, nous à Gauche, nous apprêter à remplir cette responsabilité. Et puis, voyez-vous, je crois que le combat de la Gauche s’identifie à certaines perspectives plus justes, plus fraternelles, qu’on sent bien qu’à travers une victoire de la Gauche, les Français se sentiraient mieux ensemble, qu’il y aurait en somme une chance d’espérance. Qu’on sortirait un peu de cette période extrêmement triste que nous venons de connaître, dans laquelle on a vu des responsables du Gouvernement et le Président de la République, incapables de dominer leurs propres problèmes, incapables de dominer leurs propres divisions. Bref, une situation morale fâcheuse. Alors voilà, les Français ont besoin de changer cela, et je pense que la Gauche est prête.
Journaliste
Une dernière question, Monsieur Mitterrand une question peut-être plus personnelle. D’habitude, les soirs d’élection, vous êtes, disons, assez réservé, vous attendez 10, 11 heures pour parler. Certes, vous avez cédé aux pressions de la télévision pour parler assez tôt, car vous prenez tout à l’heure la route pour Paris, mais vous parlez beaucoup tout de même ce soir. Alors justement, est-ce que…
François Mitterrand
Vous trouvez vraiment ? Alors, vous allez m’en faire la reproche alors !
Journaliste
Non, ce n’est pas un reproche. Je voulais tout de même vous demander si ce soir, vous étiez particulièrement un homme heureux ?
François Mitterrand
Écoutez, je suis à Château-Chinon, je ne me suis donc pas dérangé, ce n’est pas du tout que je néglige, du tout, vos studios à Paris, d'où l'on peut, en effet, parler aux Français plus aisément. Et je dis bonne chance à ceux de mes amis qui vont affronter la contradiction sur les différentes antennes, bien entendu. Mais moi, je suis resté à Château-Chinon, c’est dans mes habitudes, je suis parmi mes amis du Morvan. Et si je vous parle peut-être plus longtemps, je vous prie de m’en excuser, c’est parce que vous…
Journaliste
Ce n’est pas un reproche…
François Mitterrand
C’est parce que vous m’interrogez. Alors, et j’en profite pour parler aux Français qui nous écoutent et pour leur dire que, il ne s’agit pas de savoir si je suis heureux. Je leur dirais simplement que j’éprouve une sorte de force tranquille en moi-même, qui est exactement l’expression de ce que représente aujourd’hui la Gauche en France. C’est-à-dire la force montante, la force majoritaire. Les socialistes ont réussi à faire d’eux-mêmes le premier parti français, à faire, je crois, le parti de l’avenir, et peut-être maintenant le parti du présent. Ils ont su insérer cette action dans le cadre d’une Union de la Gauche aujourd’hui renforcée, je n’ai pas lieu d’être mécontent, c’est vrai.
Journaliste
C’est le printemps de la Gauche ?
François Mitterrand
Aujourd'hui, premier jour du printemps, j’ai lu l’autre jour, j’ai vu une affiche très intéressante. Je crois que c’était à Villeurbanne, c’est mon ami Charles Hernu. Un artisan local avait composé cette affiche en écrivant, le printemps. Et nous avons remarqué que les deux dernières lettres de ce mot représentaient P S. Il suffisait d’ajouter une rose, un poing et nous nous trouvions, en effet, au début d’une nouvelle saison.
Journaliste
Christian Bernadac, peut-être une question à Monsieur Mitterrand venant de votre part ou un résultat ?
Christian Bernadac
Nous avons beaucoup de résultats mais je voudrais dire à Monsieur François Mitterrand que notre studio est ouvert maintenant. Je sais qu’il rentre à Paris tout de suite après cette intervention. Alors, s’il le veut bien, notre studio est ouvert et nous pouvons l’attendre jusqu’à une heure du matin.
François Mitterrand
J’ai des, ne m’attendez pas, c’est plus sage. Je me trouve très bien à Château-Chinon et j’ai un peu envie d’y rester.
Christian Bernadac
Bon !