Congrès d’Epinay

13 juin 1971
03m 57s
Réf. 00088

Notice

Résumé :
Extrait de différentes déclarations des personnalités politiques de gauche au congrès de l'unité des socialistes à Epinay-sur-Seine. Après Pierre Mauroy pour qui "la gauche a besoin du parti communiste", François Mitterrand évoque un socialisme de rupture avec l’ordre établi dans le cadre d’un parti socialiste uni et solidaire, avant que Guy Mollet ne prenne la parole.
Date de diffusion :
13 juin 1971
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )

Éclairage

Le congrès réuni à Epinay-sur-Seine du 11 au 13 juin 1971 constitue un moment clé dans l’histoire de la gauche française. Il marque l’aboutissement du processus d’unification des forces socialistes mené depuis le milieu des années 1960 avec la FGDS (voir ce document). Il est le résultat de longues tractations qui occupaient les socialistes, particulièrement depuis la crise consécutive à l’année 1968 (voir ce document).

Ce congrès, qui unit définitivement la Convention des institutions républicaines (CIR) de François Mitterrand et l’ancienne SFIO devenue lors des congrès d’Issy-les-Moulineaux en 1969 le nouveau parti socialiste (voir ce document), constitue le point de départ d’une nouvelle dynamique pour les socialistes. Leurs divisions constituaient jusqu’alors un frein au rassemblement plus large de la gauche.

Epinay est également le symbole de la force tactique de François Mitterrand qui s’impose face au puissant appareil de l’ancienne SFIO. Il prend officiellement la tête de cette organisation quelques jours après le congrès, s’affirmant face à Alain Savary, candidat soutenu par Guy Mollet et qui a remplacé ce dernier à la tête du parti en 1969. Ce coup d’éclat est permis grâce à des ralliements habilement négociés : celui de Pierre Mauroy, qui apporte à François Mitterrand l’appui de la puissante fédération SFIO du Nord, et de Gaston Defferre, le maire de Marseille plus centriste, à la tête de la fédération des Bouches-du-Rhône, mais aussi de celui du CÉRÈS, des militants regroupés autour de Jean-Pierre Chevènement constituant l’aile gauche du parti.

Le dimanche 13 juin au matin a lieu la principale série de discours qui est au coeur de cet extrait. Elle intervient avant le vote en faveur du texte d’orientation présenté par François Mitterrand qui constitue la victoire sur Savary et Mollet, dont le discours apparaît terne après celui de Mitterrand.

François Mitterrand prend position en faveur d’un parti ouvert, respectueux des différentes sensibilités idéologiques. Son discours cherche à être le plus rassembleur possible, notamment envers l’aile gauche favorable à l’alliance programmatique et aux accords électoraux avec les communistes. Mitterrand définit ici le socialisme comme une « rupture » avec « l’ordre » et la « société capitaliste » dans une perspective révolutionnaire et marxiste.

Les discussions des socialistes réunis à Epinay concernent ainsi l’union de la gauche et en particulier les rapports avec le Parti communiste français (PCF), comme l’illustre également le discours de Pierre Mauroy. Les discussions avec le PCF aboutissent au programme commun de 1972 dans la perspective des élections législatives de 1973.
Arthur Delaporte

Transcription

Pierre Mauroy
Le pays repousse la révolution dans le désordre et la confusion. Ce qu’il souhaite, en tout les cas la Gauche, c’est la seule révolution qu’il admette, c’est la révolution dans la clarté et dans la sécurité, c’est-à-dire sans la violence. Camarades, l’essentiel de notre position peut s’exprimer ainsi, la Gauche a besoin du concours du Parti Communiste. Et après évolution de la participation du Parti Communiste pour battre la Droite et la réaction, et pour pouvoir avoir en France un gouvernement de Gauche. Ça c’est le premier point, le premier élément. Mais de la même façon, camarades, une Gauche dominée par le Parti Communiste, n’a aucune chance d’accéder au pouvoir, une Gauche dominée par le Parti Communiste serait le plus beau cadeau que nous pourrions faire à l’UNR.
(Bruit)
Pierre Mauroy
Tels sont…
(Bruit)
François Mitterrand
Celui qui n’accepte pas la rupture, la méthode, ça passe ensuite. Celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi, politique, cela va de soi, c’est secondaire, avec la société capitaliste, celui-là je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti Socialiste.
(Bruit)
François Mitterrand
Il s’agit de savoir si le Parti Socialiste est un parti prêt à recevoir quotidiennement la leçon. Et lorsqu’on ne s’entend pas, lorsqu’une divergence est reconnue, est-il nécessaire que nous soyons toujours en posture d’accusé ? Voilà pourquoi comme d’autres l'ont demandé…
(Bruit)
François Mitterrand
Voilà pourquoi, voilà pourquoi, chers camarades, le débat doit être public et nos raisons doivent être répercutées dans les masses. Nous n’avons pas de complexe à nourrir, même si nous avons commis, moi le premier, des erreurs ou des fautes. Et je n’ai à accuser personne et je ne le fais jamais, contrairement à ce que l’on répète. Nous sommes solidaires tous et nous devrons le rester quitte à régler au sein du parti les tendances et les choix nécessaires. Nous, nous avons sacrifié, nous avons rompu avec un passé qui nous était cher. Je n’en tire pas argument près de vous, simplement, je devais cela à ceux qui, avec moi, ont, depuis quelques années, cherché à vous retrouver.
(Bruit)
Guy Mollet
Ce qu’il faut dire, et la formulation alors, quand on est d’accord sur l’idée, on la trouvera toujours. Ce qui doit exister, ce à quoi nous tenons, ce à quoi nous subordonnons notre accord définitif, c’est qu’il doit y avoir toujours possibilité de désaveu par les citoyens démocratiquement consultés si le gouvernement avait cessé de mériter le soutien populaire, parce qu’il n’aurait pas été fidèle à ses actions.
(Bruit)