Allocution après le résultat des élections législatives

17 mars 1986
03m 11s
Réf. 00120

Notice

Résumé :
A la suite des élections du 16 mars 1986, Mitterrand prend acte de la nouvelle majorité parlementaire qui vient de se définir par les urnes et déclare son intention de nommer un Premier ministre qui respecte ce verdict populaire.
Date de diffusion :
17 mars 1986
Source :

Éclairage

Au moment où démarre la campagne électorale pour les élections législatives de 1986, l’enthousiasme du 10 mai 1981 s’est désormais effacé.

Sur fond de crise économique, la gauche rencontre plus d’une difficulté à appliquer le programme sur lequel elle s’est engagée et cela laisse la voie ouverte à l’opposition pour s’imposer. Deux thèmes sont particulièrement pressants : celui de l’économie, qui ne parvient pas à la relance espérée, et celui du chômage, qui ne cesse d’augmenter. Deux points qui, parmi d’autres, avaient permis la victoire de la gauche mitterrandienne face à la droite giscardienne, et qui maintenant deviennent l’apanage de l’opposition guidée par Jacques Chirac, porteur d’un modèle économique de type libéral et qui s’inspire des politiques thatchériennes et reaganiennes. Autre sujet débattu, les questions sociales. La gauche n’a pas effacé les inégalités comme elle l’aurait souhaité par les reformes mises en œuvres depuis 1981 (décentralisation, nationalisations, semaine de travail à 39 heures etc.). En revanche, la droite peut miser sur un sentiment accru d’insécurité, que l’on relie facilement à une immigration peu contrôlée et à un regain d’actes terroristes.

Que ce soit à cause du désenchantement face aux promesses socialistes ou par l'attrait du programme de la droite, les élections législatives de mars donnent lieu à la première cohabitation de la Ve République, avec un président socialiste et une assemblée majoritairement à droite. Le Président, fidèle au respect du scrutin populaire, ne peut que désigner un Premier ministre issu des rangs de la nouvelle majorité. Jacques Chirac est l’élu de la droite, mais il revient à François Mitterrand d’accepter ce nom ou de choisir une autre personnalité qui puisse garantir la continuité de l’exercice du pouvoir. Ce nom n’est pas dévoilé immédiatement, mais tout le monde s'attend à entendre bientôt celui du maire de Paris.
Ilaria Parisi

Transcription

François Mitterrand
Mes chers compatriotes, vous avez élu dimanche une majorité nouvelle de députés à l’Assemblée Nationale. Cette majorité est faible numériquement mais elle existe. C’est donc dans ses rangs que j’appellerai demain la personnalité que j’aurai choisie pour former le Gouvernement, selon l’article 8 de la constitution. Monsieur Laurent Fabius m’a informé ce matin qu’il était prêt dès maintenant à cesser ses fonctions. J’ai pris acte de sa démarche et lui ai demandé de rester à son poste avec les autres membres du Gouvernement jusqu’à la nomination de son successeur, ainsi, restera assurée l’indispensable continuité des pouvoirs publics. Vous m’en avez donné mandat en 1981 et vous m’en avez fait par-là même un devoir, je m’y conformerai. Les circonstances exigent que tout soit en place d’ici peu. Je remercie la majorité sortante pour le travail qu’elle a accompli avec courage et détermination, elle laisse la France en bon état et peut être fière de son œuvre. Je forme des voeux pour que la majorité nouvelle réussisse dans l’action qu’elle est maintenant en mesure d’entreprendre selon les vues qui sont les siennes. Je mesure l’importance du changement qu’implique dans notre démocratie l’arrivée aux responsabilités d’une majorité politique dont les choix diffèrent sur des points essentiels de ceux du Président de la République. Il n’y a de réponse à cette question que dans le respect scrupuleux de nos institutions et dans la volonté commune de placer au-dessus de tout l’intérêt national. Quant à moi, dans la charge que vous m’avez confiée, et que j’exerce, je m’attacherai à défendre partout, à l’intérieur comme à l’extérieur, nos libertés et notre indépendance, notre engagement dans l’Europe, notre rang dans le monde. Mes chers compatriotes, ayons confiance. Au-delà des divergences bien naturelles qui s’expriment à chaque consultation électorale, ce qui nous rassemble est plus puissant encore, c’est l’amour de notre patrie. Vive la République, vive la France.