Déclaration après le premier tour des cantonales

07 mars 1976
02m 14s
Réf. 00137

Notice

Résumé :
Au soir du premier tour des élections cantonales des 7 et 14 mars 1976, marqué par une forte participation électorale (plus de 65 %) et une importante progression du Parti socialiste, François Mitterrand livre ses premières réactions sur le scrutin.
Date de diffusion :
07 mars 1976
Personnalité(s) :

Éclairage

Depuis 1972 et la signature du programme commun de gouvernement entre socialistes, communistes et radicaux de gauche, la gauche progresse. En mai 1974, François Mitterrand, premier secrétaire du PS et maître d’œuvre de la stratégie d’union, a même frôlé l’élection à la présidence de la République (49,2 % au second tour face à Valéry Giscard d’Estaing).

Le 7 mars, le premier tour des élections cantonales accentue la tendance et la gauche se révèle majoritaire en suffrages. Plus encore, c’est l’importante poussée du Parti socialiste (26,6 % contre 22,8 % à son allié communiste, stable) qui constitue l’événement principal. Dressant un premier bilan, forcément partiel, du scrutin, François Mitterrand ne peut que la souligner et la donner à comparer au sensible recul des candidats soutenant l’action du président de la République. Il note encore, à juste titre, que les cantonales sont devenues des « élections politiques ».

Cette politisation des élections locales est un phénomène majeur qui marque les années 1970. Il est directement lié à la progression et la nationalisation de l’influence socialiste et à l’ardeur du débat politique à une époque où la gauche, crainte par certains et espérée par d’autres, semble proche de conquérir le pouvoir. Par la suite, les grandes tendances de la politique nationale ne vont plus cesser de s’exprimer lors des échéances locales, bientôt qualifiées d’intermédiaires puisqu’elles permettent d’abord de mesurer la popularité de l’exécutif.

Disert lorsqu’il s’agit de commenter le succès de son parti ou les déboires de la majorité, François Mitterrand se montre, en revanche, bien moins loquace quand il lui est demandé d’évoquer l’avenir des relations entre PS et PCF.

Or, la question est d’importance car la croissance socialiste, confirmée au second tour et amplifiée lors des municipales de mars 1977, si elle constitue une belle promesse pour la gauche, est également lourde de menace pour un PCF habitué, depuis la Libération, à représenter la plus grande force électorale de son camp. Aussi le programme commun est-il rompu en septembre 1977 et la gauche battue aux législatives de mars 1978. François Mitterrand doit alors attendre 1981, date à laquelle le PS prend un avantage définitif sur le PCF, pour enfin s’emparer du pouvoir.
Antoine Rensonnet

Transcription

Présentateur
Monsieur Mitterrand s’est exprimé à Château-Chinon, il y a environ une heure, nous l’avons enregistré, nous sommes maintenant en mesure de diffuser son premier commentaire.
François Mitterrand
Et il semble bien que d’une façon générale, on assiste d’abord à une réduction des abstentions, ce qui montre bien que les Français ont compris à quel point les élections cantonales étaient des élections importantes, et même, dirais-je, des élections politiques. Ensuite, j’entends dire partout et cela ne m’étonne pas, poussée socialiste. On l’observe dans mon département de la Nièvre, et à entendre les noms ici et là qui viennent à mes oreilles, et que je connais bien dans toute la France, oui, je crois qu’il y a une poussée socialiste. On en tirera des conclusions un peu plus tard. S’il y a échec pour ce que l’on appelle la majorité présidentielle, et échec dans des élections de ce type, alors cela révèle une, un mouvement. Et ce mouvement d’opinion doit normalement s’accentuer au cours des mois à venir. Voilà pour l’instant, c’est tout ce que je peux vous dire.
Journaliste
Est-ce que cette poussée socialiste peut modifier vos rapports avec, par exemple, vos partenaires de l’opposition, et dans quel sens ?
François Mitterrand
Une poussée socialiste modifiera d’abord nos relations avec la majorité, c’est-à-dire que cette majorité présidentielle, ayant tendance à devenir minorité, c’est le point principal de mes réflexions et de mes constatations. Ensuite, les relations entre socialistes, communistes et radicaux de Gauche sont fondées sur un contrat qui nous lie, et qui s’appelle le programme commun de gouvernement de la Gauche. Les choix du suffrage universel ne peuvent rien changer à cet accord de fond politique. Simplement, chacun suit sa voie sur ce plan, s’adresse aux Français et tente d’obtenir leur adhésion. Je crois que la meilleure règle en toute chose, c’est de respecter la loi démocratique.
Journaliste
En tout cas, maintenant, vous êtes satisfait déjà ?
François Mitterrand
Je me garde toujours des, des satisfactions, de la vanité des déclarations prématurées ; il me semble que le corps électoral français va dans le sens que désirent les socialistes.