Interview télévisée avant les législatives

02 mars 1986
02m 43s
Réf. 00152

Notice

Résumé :
Deux semaines avant les législatives du 16 mars, François Mitterrand est interviewé par Yves Mourousi lors de l’émission Ca nous intéresse… Monsieur le Président. Soutenant résolument la majorité socialiste sortante, il ne refuse toutefois pas l’hypothèse d’une cohabitation si la droite l’emporte, mais souhaite continuer à assumer ses pouvoirs dans tous les cas de figure.
Date de diffusion :
02 mars 1986
Source :
Antenne 2 (Collection: JT 20H )
Lieux :

Éclairage

Le 28 avril 1985, François Mitterrand occupe l’antenne de TF1, devant un parterre de célébrités, lors de l’émission-événement Ca nous intéresse… Monsieur le Président. Conçue pour lui (et son présentateur Yves Mourousi), elle doit améliorer l’image du président de la République, alors largement dégradée. Deux autres, qui adoptent le dispositif plus classique d’un simple entretien, vont suivre les 15 décembre 1985 et 2 mars 1986.

Lors de la dernière - dont des extraits, introduits par le journaliste Bernard Rapp, sont immédiatement repris par Antenne 2 - qui a lieu quatorze jours avant le scrutin, les législatives sont au cœur du propos présidentiel. Cependant, ayant dénoncé sans relâche chaque intervention électorale de l’un de ses prédécesseurs, François Mitterrand prend soin de parler avant que ne débute de la campagne officielle.

Mais cette habileté ne trompe guère et il se comporte bien en chef de la majorité élue en 1981, vantant son bilan et reprenant le mantra de la modernisation cher à son Premier ministre Laurent Fabius. Il n’en reste pas moins chef de l’Etat et, continuant là à délivrer par touches successives le même message depuis un an, indique qu’il compte pleinement le demeurer dans l’hypothèse, plus que probable, d’une victoire de la droite aux législatives, bien qu’il nommerait un Premier ministre issu de la nouvelle majorité. S’il y a cohabitation, il ne souhaite donc qu’une stricte application de la Constitution.

Or celle-ci ne précisant pas complètement les limites respectives des rôles du président et du Premier ministre, François Mitterrand évite de dévoiler ses exactes intentions mais souligne que sa latitude d’action pourrait être grande en l’absence de « majorité claire ». En effet, l’adoption d’un mode de scrutin proportionnel conjugué à la poussée du FN, situé à l’extrême droite, pourraient priver la droite RPR-UDF de majorité absolue. Finalement, avec 41,0 % des suffrages, elle ne l’obtient, le 16 mars, que pour un seul siège (soit 290 sur 577) alors que le PS recueille un bon résultat (31,4 %, 212 sièges) et que le FN continue sa progression (9,6 %, 35 sièges).

François Mitterrand nomme alors Jacques Chirac à Matignon et la première cohabitation commence. Pendant deux ans, les relations entre les deux hommes vont bien souvent se révéler « difficiles ».
Antoine Rensonnet

Transcription

Bernard Rapp
Madame, Monsieur bonsoir. L’information saillante de ce dimanche, c’est bien sûr l’intervention du chef de l’État il y a quelques instants sur TF1. Une intervention qui était la dernière, a indiqué Monsieur Mitterrand, je ne parlerai plus d’ici le 16 mars, a-t-il précisé. Il a justifié sa prestation d’aujourd’hui en rappelant qu’il soutenait la majorité sortante.
François Mitterrand
J’entends bien soutenir la majorité sortante.
Yves Mourousi
Oui.
François Mitterrand
Elle a bien travaillé, elle a redressé le pays, elle a été courageuse, elle a élargi le champ des libertés, elle a vraiment créé un réveil culturel formidable, elle a modernisé, ou commencé de le faire, elle a commencé une sérieuse formation des hommes, des femmes pour les métiers nouveaux.
Yves Mourousi
Oui.
François Mitterrand
Eh bien, moi, j’estime que c’est mon devoir que d’être auprès de cette majorité, pour dire : Ne soyez pas, Français, ne soyez pas injuste avec elle !
Bernard Rapp
Oui, deuxième thème évoqué par le chef de l’État qui vient tout juste de terminer son intervention ; deuxième thème donc, celui du lendemain de l’élection avec ce message : quel que soit le résultat du scrutin, j’assumerais mon mandat mais on ne m’imposera pas de conditions; Monsieur Mitterrand.
François Mitterrand
J’assume mes responsabilités et je les assumerai quelle que soit la majorité politique et quels que soient les événements. Bref, je remplis mon mandat ! Alors, à partir de là, qu’est-ce qu’on peut me reprocher, qu’est-ce qu’on peut me dire ? Je fais ce que je dois, mais je dois ajouter, quelle que soit la majorité, si c’est la majorité actuelle, bon, ce serait naturellement non pas facile, ce n’est pas facile de gouverner, mais il y aura harmonie. Si c’est une majorité de combat, et particulièrement de combat contre le président de la République, alors il y aura, naturellement, une sorte de désordre, une très grande difficulté ! Les Français qui veulent qu’il y ait une certaine concorde, qu’il y ait un certain accord, une certaine harmonie pour conduire les affaires de la France, nous aurons une période difficile et je compte bien et c’est normal, que soient respectées les compétences qui sont les miennes.
Bernard Rapp
Oui, puis un autre sujet abordé par Monsieur Mitterrand, le choix du Premier ministre au lendemain des élections, il sera issu de la nouvelle majorité, a-t-il expliqué, mais il faut que cette majorité soit claire.
François Mitterrand
Je crois que mon devoir, c’est de tenir compte de la volonté populaire. Si les électeurs ont désigné une majorité claire dont les contours seront précis, mon devoir est de chercher, de désigner comme Premier ministre une personnalité sortant de ce milieu.
Yves Mourousi
Oui, il devra tenir compte aussi, le président de la République, des conditions de certains pour, éventuellement, être à vos côtés.
François Mitterrand
Non, non, non ! Non, non, non !
Yves Mourousi
Comment non ?
François Mitterrand
On ne pose pas de conditions au président de la République !