La formation du deuxième gouvernement Rocard

29 juin 1988
01m 42s
Réf. 00221

Notice

Résumé :
Après la victoire socialiste aux législatives des 5 et 12 juin 1988, François Mitterrand confirme Michel Rocard à Matignon. Celui-ci forme un second gouvernement qui se réunit pour la première fois en Conseil des ministres le 29 juin. Sa composition répond à la volonté d’ouverture exprimée par le chef de l’Etat puisqu’il comprend plusieurs personnalités centristes ou sans affiliation partisane.
Date de diffusion :
29 juin 1988
Source :
FR3 (Collection: Soir 3 )

Éclairage

Aisément réélu président de la République le 8 mai 1988, François Mitterrand nomme Michel Rocard à Matignon et procède rapidement à la dissolution de l’Assemblée nationale. Après les législatives des 5 et 12 juin, marquées par une courte victoire socialiste, le Premier ministre, conformément à la tradition, remet sa démission et est confirmé dans ses fonctions. Se réunissant pour la première fois en conseil le 29 juin, le second gouvernement Rocard sacrifie alors aux rites médiatiques des photographies autour de la table puis sur le perron de l’Elysée.

Sur le fond, sa composition traduit une amplification du double mouvement d’ouverture déjà sensible dans celle du précédent. En effet, si les socialistes restent les plus nombreux, sur les cinquante membres – un record –, treize sont sans appartenance politique et six, dont Jean-Pierre Soisson, déjà ministre durant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, issus de la droite centriste. Ce gouvernement reflèterait donc la « France unie » vantée par François Mitterrand durant sa campagne présidentielle ainsi que la volonté de son Premier ministre de rechercher le compromis et de diversifier la classe politique.

Il ne faut toutefois pas s’y tromper. Ce gouvernement ne dispose pas d’une majorité à la chambre puisque l’union de la gauche, malgré le maintien d’un accord de désistement entre socialistes et communistes aux législatives, n’existe plus et que les centristes, s’ils sont divisés (à l’Assemblée, un groupe nommé Union du centre se constitue en dehors de celui de l’UDF), ne le soutiennent pas. Aussi ne s’appuie-t-il, in fine, que sur les seuls socialistes et radicaux de gauche (275 des 577 sièges) et échoue, en ne s’assurant le ralliement que de quelques personnalités, à dépasser la bipolarisation politique.

Michel Rocard, qui jouit longtemps d’une forte popularité, va certes pouvoir gouverner et rencontrer d’indéniables succès – dont le règlement du sanglant conflit néo-calédonien – mais il devra souvent recourir aux armes les plus brutales du parlementarisme rationalisé (vingt-huit utilisations de l’article 49, alinéa 3 durant son passage à Matignon) pour dompter un Parlement rétif. Et cette situation de fragilité institutionnelle ne sera pas sans accentuer les difficultés du PS dans une fin de législature aux allures de chemin de croix qui s’achève, en mars 1993, par une défaite historique.
Antoine Rensonnet

Transcription

Présentatrice
L’emploi du temps était lourd aujourd’hui pour Michel Rocard puisque tôt ce matin, les 31 ministres du nouveau Gouvernement ont tenu leur premier Conseil à l’Elysée. À l’ordre du jour, essentiellement, l’administration directe de la Nouvelle-Calédonie. Le projet de loi a été adopté et une augmentation de 1% du SMIC, Michel Vial.
Michel Vial
C’est un Gouvernement plutôt original qui s’est réuni ce matin à l’Elysée pendant près d’une heure et demie. Une sorte de cocktail vraiment inédit à la fois dense et contrasté entre des socialistes purs, voire durs, mais ils ne sont que 26 sur 49 ; et un plateau aussi surprenant que brillant de personnalités représentatives d’une double ouverture. L’ouverture au centre avec Jean-Pierre Soisson, Jean-Marie Rausch ou Théo Braun, et l’ouverture à la société civile, chère à Michel Rocard avec Léon Schwartzenberg et Alain Decaux, entre autres. Tour de table solennel dans une ambiance qui intimide toujours les nouveaux venus, puis portrait de groupe sur le perron du parc dans une atmosphère un peu plus décontractée, quoique encore compassée. Mais le premier Conseil des Ministres du second Gouvernement Rocard ne s’est pas contenté d’être uniquement formel. D’abord, parce qu’il inaugurait dans la pratique et d’une manière spectaculaire l’expérience nouvelle de l’ouverture.
Jean-Pierre Soisson
Si monsieur Raymond Barre avait été élu, il aurait fait l’ouverture. Il y aurait eu des ministres socialistes dans le gouvernement. Monsieur François Mitterrand a été élu, il fait l’ouverture et il est normal que des ministres centristes apparaissent dans ce gouvernement.
Michel Vial
Ensuite, parce qu’il a décidé une augmentation de 20% du SMIC et qu’il a présenté un projet de loi relatif à l’administration de la Nouvelle-Calédonie en attendant le nouveau statut du territoire ; un comité consultatif de huit membres représentant les principales familles politiques de l’archipel assistera le Haut Commissaire de la République, tandis que trois provinces se substitueront aux régions actuelles avec des compétences plus larges en matière de développement économique et social.