Visite en Andorre et déclaration sur le découpage électoral

26 septembre 1986
01m 35s
Réf. 00246

Notice

Résumé :
Le président de la République, au cours d'une visite officielle en Andorre, n'a pas caché son étonnement de voir le texte sur le découpage électoral déposé devant le conseil des ministres. Il déclare : "Pas la peine de se perdre dans ces querelles, je n'ai pas de raisons de m'engager dans des débats de procédures".
Date de diffusion :
26 septembre 1986
Source :
Antenne 2 (Collection: JT 20H )
Personnalité(s) :

Éclairage

À l’issue des élections législatives de 1986, la France connaît une situation institutionnelle inédite sous la Ve République : la « cohabitation » d’un Président de la République socialiste, François Mitterrand, et d’un Premier ministre de droite, Jacques Chirac. En septembre 1986, le contexte politique est particulièrement difficile : depuis décembre 1985, la France a été touchée par plusieurs vagues d’attentats. Entre le 8 et le 17 septembre, cinq bombes ont explosé à Paris, faisant de nombreuses victimes. Ces attentats ont été revendiqués, comme ceux de février et mars 1986, par le « Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient », mouvement terroriste qui réclamait la libération de trois terroristes détenus en France.

La relative unité nationale qui s’était alors faite est rompue dès le 22 septembre par les premières critiques issues de la majorité et de l’opposition sur la gestion de cette crise. Cette déclaration de François Mitterrand s’inscrit dans ce retour à un temps politique plus normal, rythmé par les oppositions partisanes et par le bras de fer entre l’Élysée et Matignon. Il joue ici pleinement la carte de la distance et de la hauteur de vue présidentielles, en exprimant son mépris pour la réforme électorale portée par le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, qualifiée de « secondaire » par rapport aux intérêts du pays.

Cette posture de « monarque républicain », est ici d’autant plus efficace qu’il s’exprime dans la principauté d’Andorre dont il est, en tant que président français, le Coprince avec l’évêque espagnol d’Urgell. Au cours de cette visite, il prononce aussi une allocution sur la renégociation des relations entre Andorre et la Communauté européenne à laquelle l’Espagne vient d’adhérer.

Lors des dernières élections législatives, la gauche avait fait adopter le mode de scrutin proportionnel. Ce dernier permet, comme espéré, d’atténuer la défaite de la gauche. Victorieuse, la droite promet alors de revenir sur de nombreuses réformes socialistes, dont celle du scrutin. Or le retour au scrutin majoritaire impliquait un redécoupage des circonscriptions législatives, projet évidemment très sensible, puisque susceptible et suspect de favoriser tel ou tel candidat et parti. En juillet 1986, le Président avait déjà refusé de signer les ordonnances du gouvernement relatives à la privatisation des entreprises nationalisées par les socialistes, obligeant ce projet à passer par la voie parlementaire ordinaire. François Mitterrand active sur ce dossier les mêmes mécanismes de blocage. Ainsi, en dépit de cette déclaration sur sa volonté de « ne pas s’engager dans des débats de procédure », il annonce le 2 octobre son refus de signer les ordonnances de la réforme électorale. Jacques Chirac obtiendra finalement l’adoption de ce découpage le 24 octobre par voie parlementaire. Ce découpage restera en vigueur jusqu’en 2012.
Judith Bonnin

Transcription

Bernard Rapp
Le Chef de l’État français est, par tradition, coprince de la Principauté d’Andorre. Le coprince, François Mitterrand, était donc aujourd’hui pour quelques heures dans la principauté dont il partage la responsabilité avec l’évêque d’Urgell. Le mot d’ordre de l’intervention présidentielle, la place d’Andorre dans la Communauté Européenne avec, bien sûr, les attentats récents qui étaient quand même en arrière-fond. Et puis, il y a aussi une petite phrase de Monsieur Mitterrand sur le redécoupage électoral et sur l’ordonnance qui est soumise à sa signature.
François Mitterrand
Et j’ai regretté que ce texte ait été déposé devant le Conseil des Ministres, je l’ai exprimé. Je l’ai regretté parce que dans la période que nous vivons, où vraiment, on doit considérer que l’unité des Français est nécessaire pour résister moralement, physiquement au terrorisme. Pas la peine de se perdre dans des querelles qui, par rapport à celle-là, sont secondaires. Bon, très bien, le Gouvernement a estimé que c’était pour lui une nécessité, je n’ai aucune raison de m’engager dans des débats de procédures, mais cela étant, en même temps, il nous reste à trancher ce problème, à user de la faculté que j’ai, en effet, d’apprécier l’utilité, le bien-fondé de cette ordonnance.
Présentateur
Et puis, cette précision de Monsieur Mitterrand qui a fait savoir qu’il n’attendrait pas les calendes grecques pour faire connaître sa décision de signer ou non l’ordonnance sur le découpage électoral dont il était à l’instant question.