Les spectateurs du Tour de France à l'Alpe d'Huez

21 juillet 2004
02m 46s
Réf. 00028

Notice

Résumé :

Les supporters du Tour de France se sont rendus à l'Alpe d'Huez afin de suivre l'étape de contre la montre de 15 km. Entre 800 000 et 1 million de personnes sont attendues, venant de différents pays. Certaines sont déjà installées depuis plusieurs jours sur les bords de la route afin d'être aux premières loges de cette étape, dont la montée est mythique.

Date de diffusion :
21 juillet 2004
Source :

Éclairage

Les coureurs cyclistes et la caravane publicitaire ne sont pas les seuls à animer le Tour de France. La foule constitue son propre spectacle, elle se presse au bord des routes, transformant l'épreuve en une immense fête populaire. Avec le parti pris de centrer l'attention sur les comportements des spectateurs, le reportage présenté le 21 juillet lors du journal de 13 heures sur France 2 ne filme ni les coureurs ni la caravane mais insiste sur la dimension spectatorielle et supporteriste de la célèbre montée vers l'Alpe d'Huez au cours du 91e Tour de France qui s'est déroulé du 3 au 25 juillet 2004.

Le Tour de France est considéré comme l'épreuve cycliste la plus prestigieuse au monde. Au palmarès des étapes mythiques, la montée de l'Alpe d'Huez remporte le classement. Bien qu'elle ne soit pas la plus difficile, plusieurs aspects mettent en lumière sa renommée dans l'imaginaire collectif. Elle bénéficie depuis 1976 de passages réguliers qui ont permis de bâtir la notoriété internationale de la station où la course arrive chaque année entre 1976 et 1992 à l'exception de 1980 et 1985. Dans cette période, la légende de l'ascension s'est construite avec les multiples victoires hollandaises (1). Elle est aussi très prisée des milliers de cyclotouristes effectuant le parcours chaque année.

Le reportage est diffusé le jour de l'ascension en contre-la-montre individuel entre Bourg d'Oisans et l'Alpe d'Huez où se concentrent traditionnellement le plus de monde et qui promet d'être particulièrement spectaculaire ; la presse annonce un million de personnes, record de fréquentation inégalé en 2013 (2). En 2004, l'étape est une phase clé. C'est un moment décisif dans l'évolution du classement général de la course. La sagesse populaire reconnaît que le vainqueur à l'Alpe d'Huez est souvent le vainqueur du Tour. Ensuite un contre-la-montre en montagne est un fait rare dans l'histoire du Tour, l'ont précédé le Mont Ventoux et Chamrousse. Enfin le record de Marco Pantani détenu depuis 1995 en 36'40'' n'a pas été égalé alors que Lance Armstrong domine le Tour depuis 5 ans et vient de ravir le maillot jaune dans l'étape précédente. Tous les regards se tournent vers l'Alpe d'Huez et vers l'Américain. Sera-t-il en mesure de battre le record du champion italien et de remporter une 6e édition, ce qu'aucun avant lui n'a réussi ? Le suspens transforme la course en enjeu majeur et captive le public. Cette ferveur est entretenue par la presse qui sponsorise autant qu'elle couvre l'événement se gardant bien d'évoquer le sujet embarrassant du dopage. Réalisé avant le départ des coureurs, le reportage commence de nuit avec le bombage de la route aux limites de la légalité ; il dresse un portrait des spectateurs et de l'atmosphère qui règne parmi eux. Le Tour de France mais surtout l'attente de l'événement devient un projet de vacances. La manifestation crée chez les spectateurs une histoire commune et sert de vitrine au régionalisme et au chauvinisme. Les supporters du monde entier transposent leur territoire (publicité inscrite sur les véhicules ou sur les maillots, drapeaux régionalistes). Ils gravissent la pente durant la nuit afin de bénéficier d'un point d'observation privilégié et être les mieux placés pour voir les héros. Enfin, le reportage établit un parallèle entre la course et la religion et met en avant une « liturgie du Tour de France » . Cette rhétorique journalistique est au cœur même du processus de sacralisation et de construction du mythe du Tour au cours duquel les cyclistes deviennent des surhommes, les spectateurs des fidèles disposés à croire. L'Alpe d'Huez est devenue un lieu de pèlerinage où le dieu vélo est adulé.

(1) Joop Zoetemelk, Hennie Kuiper, Peter Winnen, Steven Rooks, Gert-Jan Theunisse.

(2) Fait sans précédent dans l'histoire du Tour, en 2013, l'ascension de l'Alpe d'Huez a été effectuée deux fois dans la même journée. Pourtant, la fréquentation n'a pas égalé 2004.

Pour aller plus loin :

- Fournier Jack, Moreau Bruno (2006) Le Grand Pèlerinage. Libris-Glénat. 63p.

- Sansot Pierre (1989) Le Tour de France, une forme de liturgie nationale. In Cahiers internationaux de Sociologie.

- Philippe Kohly et Pierre Laget (2013) Les grands cols du Tour de France : L'Alpe d'Huez

Dorothée Fournier

Transcription

Daniel Bilalian
Madame, Monsieur, bonjour, l’actualité du jour nous offre un certain répit, alors, c’est l’occasion de partir sur la route du Tour de France cycliste. La grande boucle est un événement sportif, bien sûr, mais c’est aussi, chaque année, la plus grande fête populaire de France. C’est également un moyen de redécouvrir notre pays en dehors des autos. Aujourd’hui, une étape contre la montre, 15 kilomètres, l’arrivée est jugée à l’Alpe d’Huez, tout en haut. Vous serez plusieurs millions devant votre téléviseur à partir de 14 heures sur France2. Il y a déjà beaucoup de monde, et sur le parcours, vous voyez, les organisateurs attendent entre 800 000 et un million de personnes dont certaines d’ailleurs attendent depuis plusieurs jours. Nathanaël de Rincquensen, Sylvain Dauba.
(Musique)
Nathanaël (de) Rincquesen
Dès les premiers lacets, on peut les suivre à la trace. D’abord furtive, leur présence s’intensifie au fil de l’ascension. Les supporteurs sont là, tapis dans l’ombre, endormis en attendant le grand jour. Il est 4 heures du matin et au détour du troisième virage, quelques artistes germaniques laissent libre cours à leur inspiration.
Inconnu 1
On est venus car on aime rencontrer les gens et puis on compte passer une super semaine.
Nathanaël (de) Rincquesen
L’Alpe d’Huez est un lieu de pèlerinage, d’ailleurs au virage numéro 15, le dieu vélo est adulé comme il se doit. Ils sont Allemands, Anglais, Danois, ils sont là depuis cinq jours et n’auraient raté cette étape pour rien au monde.
Inconnu 2
C’est une vraie légende dans le monde du vélo. Pour moi, c’est énorme de voir en vrai cette ascension et de ressentir l’atmosphère ; oui, c’est ça le mot, l’atmosphère.
(Bruit)
Nathanaël (de) Rincquesen
La route prend l’allure d’un chemin de grande randonnée. 15 kilomètres de côte, une nuit d’ascension, ils se sont jurés d’aller au bout.
(Bruit)
Inconnu 3
C’est dur à vélo, mais là il fait meilleur. C’est bon, puis, il y a, il y a du monde, l’ambiance est sympa, et, allez, on y est presque là !
(Bruit)
Nathanaël (de) Rincquesen
Ce matin, près du sommet, les jambes étaient un peu lourdes et le réveil difficile, mais pour avoir une bonne place au soleil, il faillait bien dormir sur place.
Inconnu 4
On est venus repérer la, cet endroit hier soir. Donc, on s’est dit, c’était là qu’il faut qu’on aille, donc je me suis levé à 6 heures ce matin, puis à 6 heures et demie, j’étais là.
(Bruit)
Nathanaël (de) Rincquesen
Dans une ambiance parfois surréaliste, le public peaufine sa culture en attendant les coureurs. Question vélo, ils sont tous incollables et connaissent par coeur les 21 virages qui mènent à l’Alpe.
(Bruit)
Inconnu 5
Regarder toujours la télé c’est une chose, mais faire la montée, c’est autre chose hein !
(Musique)
Nathanaël (de) Rincquesen
Dans quelques minutes, cette route sera réservée exclusivement aux coureurs du Tour. Sur les bas-côtés, ils seront près d'un million à encourager leurs champions, l’Alpe d’Huez déchaîne les passions.
(Musique)