Avalanches, les surfeurs mis en cause

04 janvier 1995
02m 14s
Réf. 00032

Notice

Résumé :

Reportage sur l'impact du surf sur les autres usagers de la montagne. Avec une progression des accidents sur les pistes, les snowboarders sont pointés du doigt par les responsables de pistes notamment. Les surfeurs remettent en question "l'éducation" des jeunes et des citadins face aux dangers de la montagne et soulignent que seulement 5% de snowboarders sont impliqués dans les accidents et avalanches.

Date de diffusion :
04 janvier 1995
Source :

Éclairage

À l'aube des années 2000, la diversification des pratiques sportives et de loisirs devient une nécessité ainsi qu'une nouvelle tendance dans les stations de sports d'hiver. Des conflits d'usage et des problèmes d'accès aux sites, qui sont aussi les fruits de positionnements différents quant à l'approche de la montagne, apparaissent. À ce propos, la responsabilité des usagers liée aux accidents et aux déclenchements d'avalanches est évoquée dans ce reportage de l'édition régionale de France 3 de 1995. C'est la série d'accidents ayant provoqué six morts par avalanche qui est l'occasion pour la télévision d'attirer l'attention du public en pleine saison hivernale. Les surfeurs, parce qu'ils ne respectent pas forcément les pistes balisées et pratiquent volontiers le hors-piste sont en premier lieu pointés du doigt et accusés, notamment par les services des pistes des stations. L'image des nouveaux sports de glisse, dits « sports californiens » , est-elle synonyme de comportements irresponsables ? La recherche du « fun », de sensations fortes, dans « les vertiges de l'intime » est-elle à l'origine de cette méprise ? Ce reportage propose d'autres réponses. Les propos de deux leaders du surf alpin plaident en faveur de cette nouvelle glisse. D'une part, Eric Rey précise qu'une seule victime sur six est un surfeur. S'appuyant sur les statistiques, il souligne que le nombre d'accidents imputés aux surfeurs est minime rapporté au nombre total de pratiquants (5%). D'autre part, Laurent Besse déplace la problématique et montre que les accidents sont plus globalement dus à l'inexpérience des jeunes citadins et à leur méconnaissance du milieu montagnard et de la neige. La compétence et la technicité des surfeurs professionnels interviewés sont utilisées comme caution pour défendre ce nouveau sport alors que slalom et hors-piste ne répondent pas aux mêmes attentes. Ici, les champions filmés avant la coupe du monde de Chamrousse, à l'entraînement dans un tracé sur piste fermée, reflètent une image en opposition avec le type de pratique incriminé. Ce choix du journaliste de s'adresser à l'élite du surf alpin entre en contradiction avec la mise en cause généralement attribuée aux surfeurs dans les accidents et le déclenchement des avalanches.

Christian Reverbel, responsable du domaine skiable de l'Alpe d'Huez (comprenant les pistes de Vaujany, secteur sur lequel prend place le documentaire), insiste sur la place importante que les snowboarders occupent dans la clientèle. D'après le SEATM (3) (Service d'Études et d'Aménagement Touristique la Montagne), ceux-ci représentent 5,9% de l'ensemble des pratiquants des domaines skiables en 1995.

Il semblerait donc que ce sport « nouveau » suscite une représentation erronée, voire une opposition du grand public, relayée par certains professionnels.

La liberté qu'on associe au surf alpin laisse entrevoir un avenir prometteur, détrônant même le ski alpin, ce dont le reportage fait écho. Cependant, dans les décennies suivantes, contrairement à ce qui pouvait être envisagé en 1995, le surf alpin, s'appuyant sur le virage slalom issu du ski a été destitué à son tour par des disciplines non basées sur la performance du virage mais sur la réalisation de figures acrobatiques, qu'il s'agisse du free-style ou du half-pipe.

(3) Le développement des nouvelles glisses a amené le SEATM (devenu Atout France en 2010 puis Délégation Montagne) à mettre en place à partir de 1994 un dispositif de suivi de ces activités dans la fréquentation des domaines skiables.

Bibliographie :

- Pociello Christian (1981) La force, l'énergie, la grâce et les réflexes. In : Pociello (dir.), Sports et Sociétés. Paris : Vigot, p.199.

- Vigarello Georges (1982) Les vertiges de l'intime. In : Le corps... entre illusions et savoirs. Revue Esprit.

Dorothée Fournier

Transcription

Francis Orny
Après les accidents de ce week-end dans les Alpes, les surfeurs sont montrés du doigt, notamment par les responsables des pistes qui les accusent de faire n’importent quoi, de provoquer notamment des collisions, mais également des avalanches. Le surf est-il dangereux ? Nous sommes allés chercher quelques éléments de réponse aujourd’hui à Vaujany où des surfeurs, justement, préparent la Coupe du Monde qui se déroulera ce week-end à Chamrousse.
Christian Deville
Face aux attaques, les surfeurs restent plutôt philosophes et sereins. Notamment les surfeurs dits alpins, dont l’élite prépare activement la prochaine épreuve de Coupe du Monde le week-end prochain. Ils ont presque l’habitude d’être mis en cause, l’hiver dernier, on les accusait déjà de provoquer, sur les pistes cette fois-ci, des collisions mortelles. Alors aujourd’hui, ils remarquent, non sans malice, que sur les six morts de ce week-end par avalanche, un seul était un surfeur.
Eric Rey
Les enquêtes ont été faites, que ce soit au niveau des accidents ou des avalanches, le taux de snowboarders impliqués représente 5 % de la masse totale des gens qui pratiquent les sports de neige. Donc, il faut bien remettre les choses là où elles sont, c’est-à-dire à leur place, et arrêter d’incriminer un sport qui se développe et qui dérange parce qu’il suscite l’engouement des jeunes.
Laurent Besse
Je ne pense pas que c’est face au snowboard qu’il faut lutter, mais plus aux jeunes, arriver à leur apprendre la montagne et la neige, parce que c’est quand même un milieu complètement différent. Il est évident qu’en venant de la ville, on ne peut pas savoir comment se transforme une plaque avant, pourquoi à tel ou tel endroit, ça peut être dangereux et où est-ce qu’il faut éviter de passer.
Christian Deville
Propos sages, et repris d’ailleurs par beaucoup de professionnels aujourd’hui, car aussitôt montée, la polémique est déjà en train de retomber.
Christian Reverbel
Je ne vois pas pourquoi on accuserait plus les surfs que les bi-skieurs, que les gens qui font de la luge, que quoi que ce soit. Je dirais qu’à partir du moment où on sort d’une piste balisée, on prend un certain nombre de risques. Ou on est capable de les calculer, de les appréhender à ce moment-là, ben ma foi, on en mesure l’importance, ou on n’est pas capable, et on s’attache les services de professionnels, ou alors, on prend conseil auprès des services de piste. Je crois qu’il ne faut pas s’acharner comme ça bêtement sur les surfeurs.
Christian Deville
D’autant plus qu’ils sont de plus en plus nombreux à être séduits par cet engin de glisse. Certains prédisent même que le surf supplantera le ski dans les années 2000 et à voir ces images, ils n’ont peut-être pas tort.