Les difficultés des stations de sports d'hiver du Queyras

14 avril 1993
02m 43s
Réf. 00068

Notice

Résumé :

Le manque de neige a des conséquences dans les Alpes du Sud, dans le Queyras. En 1992, la préfecture conseillait de fermer 90% du domaine skiable d'Aiguilles. La décision a été refusée par la commune qui a pris en charge les remontées mécaniques et a fait appel aux bénévoles comme perchman ou pour la surveillance du canon à neige. Le conseil général des Hautes Alpes a commandé un audit pour faire l'état des lieux des petites stations et connaître leur viabilité, leur rentabilité.

Date de diffusion :
14 avril 1993
Source :
FR3 (Collection: Atr2 )

Éclairage

Après avoir connu une phase de développement enthousiaste et soutenue par les acteurs publics, les stations de sports d'hiver se trouvent, au début de la décennie 1990, confrontées à un manque d'enneigement, ce qui posa pour la première fois la question de la viabilité de leur modèle. Ainsi, certaines stations implantées sur des sites non optimum pour la pratique du ski doivent parfois faire face, comme cela est soulevé dans ce reportage sur les stations village du Queyras diffusé sur France 3 au printemps 1993, à d'importantes difficultés questionnant leur avenir.

Le faible niveau d'enneigement des stations au cours de 3 saisons (hivers 88-89, 89-90 et 90-91) a précipité les collectivités locales concernées dans une situation financière délicate. Face à ce constat alarmant, la question de l'avenir des sites les plus vulnérables est soulevée et les rapports institutionnels se multiplient. Les rapports Lorit et Pascal de 1991 et 1993(1) ont ainsi permis de mettre en lumière les difficultés des stations à l'échelle nationale et de porter les premières préconisations de démantèlement. A l'échelle du département des Hautes-Alpes, un audit de la préfecture questionne à son tour l'avenir du domaine skiable d'Aiguilles (Queyras), ceci alors que les plans successifs de la caméra s'arrêtant sur des télésièges fermés et des parkings vides, transmettent l'image d'une station déjà à l'arrêt. Cependant, si la rentabilité trop faible et quelque peu aléatoire de la station est pointée du doigt, l'opposition locale à une fermeture de la station est manifeste.

C'est dans ce contexte de tension entre démantèlement et pérennisation/fiabilisation de l'activité que la commune d'Aiguilles a trouvé sa solution. Comme le présente Antoine Marchetti, adjoint au maire, c'est par une reprise de l'activité en régie et un appel au bénévolat que la commune compte s'en sortir. Le maintien de ces stations est en effet souvent vital pour ces territoires de montagne menacés au début du siècle par l'exode rural et où les sources d'emploi demeurent limitées. Ainsi, dans ce contexte où aménagement du territoire et rentabilité de structures entrepreneuriales s'entremêlent, la question de l'avenir des « petites » stations se pose avec vigueur. Dès les années 1990, la diversification des stations, et avec elle la fin de la mono-activité de ski alpin, est proposée. Cependant, si d'après le Président du Conseil Général Marcel Lesbros « il ne faut pas faire d'acharnement thérapeutique sur ces stations là, [mais] il faut voir comment on peut les reconvertir », la question du poids économique d'autres activités telles que le ski nordique n'employant que deux moniteurs interroge. C'est en effet l'activité de ski alpin qui génère l'essentiel des ressources économiques, activité ici valorisée par les images du reportage montrant des pratiquants en action, et malgré une incohérence entre les commentaires faisant état des stations d'Aiguilles et de Ceillac, et les images montrant d'autres communes de la vallée.

Finalement, les interrogations soulevées dans les années 1990 perdurent, avec les questions actuelles de pérennité du modèle économique structuré autour du tout-ski et de diversification des activités touristiques. Et aujourd'hui encore, les acteurs des territoires sur lesquels sont implantées les stations posent la question avancée il y a 20 ans par le journaliste : dans des territoires bien souvent isolés où la station et les services connexes demeurent les principaux employeurs en étant produit d'appel des clientèles et des capitaux, quelle doit être l'exigence de rentabilité ?

(1) Commandés respectivement par le Ministre de l'Intérieur et le Ministre de l'Équipement, des Transports et du Tourisme après la succession d'hivers sans neige, ces rapports avaient pour objectif d'identifier l'origine des difficultés rencontrées par les stations. Ainsi furent tout particulièrement mises en avant les limites des collectivités locales dans la gestion de ces stations.

Coralie Achin

Transcription

Georges Mattera
Suite maintenant du bilan des stations de ski des Alpes du Sud. En début de semaine, vous vous en souvenez, nous avions évoqué la bonne saison de Vars. Malheureusement, toutes les stations ne sont pas logées à la même enseigne. Principale cause, le manque de neige qui provoque une stagnation du chiffre d’affaires et qui pose aussi le problème de la viabilité des sites de basse altitude. A Aiguilles, dans le Queyras, le reportage d’Henri Seurin.
Henri Seurin
Les habitants du Queyras auront passé cette saison d’hiver avec une véritable épée de Damoclès sur leur tête. L’an dernier, un audit, commandé par la préfecture, conseillait la fermeture de près de 90% du domaine de la station d’Aiguilles, ainsi que le démontage de deux téléskis et un télésiège dans les stations voisines. Motif, rentabilité insuffisante. Une décision refusée en bloc par la commune, qui a, cet hiver, pris en charge les remontées, en a réduit le personnel et fait appel au bénévolat.
Antoine Marchetti
Tout le monde a compensé donc ce manque de personnel, en aidant, en faisant le perchman, en aidant également à enneiger les pistes de montée, là où les engins ne pouvaient pas aller ; et également, à procéder à l’enneigement artificiel, surveillance des canons la nuit.
Henri Seurin
En fait, le problème de survie des petites stations ne se limite pas à la seule vallée du Queyras. A l’heure des bilans, d’autres stations du département sont dans le rouge, et le conseil général a, là aussi, commandé un audit qui devrait, d’ici cet été, faire l’état des lieux.
Marcel Lesbros
On va nous dire exactement, à la suite de cet audit, quelles sont les stations qui sont viables, et celles qui ne le sont pas. Il y en a quelques unes qui sont difficilement viables, il ne faut pas faire de l’acharnement thérapeutique sur ces stations-là, il faut voir comment on peut les reconvertir, comment on peut les aider.
Henri Seurin
La véritable question que l’on peut se poser est de savoir si oui ou non, certaines petites stations peuvent aujourd’hui se passer du ski alpin en se tournant entièrement vers d’autres activités dites de remplacement. Cela paraît difficile lorsque l’on sait que par exemple, à Ceillac, dans le Queyras, premier site de ski de fond des Hautes-Alpes, le ski de fond mobilise seulement un à deux moniteurs durant toute la saison. Les autres, vivant du ski alpin, qui représente aujourd’hui pour la vallée, environ 200 emplois.
Célestin Fournier
On a quand même une période où, disons, toute la population, une partie de la population s’expatriait vers la ville, et aujourd’hui vers la ville faire quoi ? Pas grand chose malheureusement, donc on a tout à fait intérêt à maintenir cet outil de travail, et qui s’appelle la remontée mécanique, et qui s’appelle le ski alpin, pour continuer à faire vivre effectivement nos vallées.
Henri Seurin
Il y a donc une deuxième question qui mérite d’être posée, faut-il demander aux régies des remontées mécaniques des petites communes d’être nécessairement rentables ; alors qu’aujourd’hui, elles sont encore dans bien des cas, le seul et unique moyen de maintenir des emplois au pays.