Développement du village de Jarzy par l'artisanat

21 octobre 1991
02m 08s
Réf. 00073

Notice

Résumé :

A Jarsy (200 habitants) dans les Bauges, le maire a choisi de développer son village par l'artisanat. La commune apporte son soutien à différents artisans : une poterie, une pépinière de plantes alpestres, une chocolaterie, etc. Le village possède aussi un gîte tenu par sa femme et sa fille.

Date de diffusion :
21 octobre 1991
Source :
FR3 (Collection: JT FR3 Alpes )
Personnalité(s) :

Éclairage

Octobre 1991 : la Savoie s'apprête à célébrer les XVIe Jeux olympiques d'hiver. Ils doivent initier un nouvel essor dans un territoire savoyard qui subit une double crise économique et touristique en raison de la raréfaction récente de « l'or blanc ». Ce n'est pourtant pas sur la Savoie olympique que ce reportage choisit de s'attarder. Il entend au contraire jeter un coup de projecteur sur « une autre Savoie oubliée, peu aidée par les pouvoirs publics ». Ces quelques mots rappellent opportunément les polémiques autour du coût des Jeux pour l'État et les collectivités locales savoyardes. Ils sonnent aussi comme un reproche à l'adresse des pouvoirs publics : ils favoriseraient une Savoie, celle des « grandes » stations de Tarentaise, au détriment d'une autre. Il s'agit pour le journaliste de Lans-en-Vercors, Patrice Morel, de montrer que les « petits » sont sans doute plus dynamiques que les grands. Il installe ses caméras à Jarsy, un petit village des Bauges, qu'il situe judicieusement entre deux capitales régionales, « Chambéry et Annecy ». Les premiers plans du reportage privilégient à dessein une vision traditionnelle du village « de montagne » : à la vue des toits très pentus du village, succède celle de l'imposante et austère Dent de Pleuven et s'achève sur le plan fixe d'un champ puis d'une ferme pour suggérer l'empreinte encore fortement agricole du territoire. Il fut effectivement au XIXe siècle très peuplé, en raison d'une importante activité agricole, de l'artisanat du clou et du bois et d'une forte émigration temporaire (1). Si le journaliste déplore sans surprise que l'agriculture soit « en perte de vitesse » – discours qui n'est pas très nouveau –, le salut de la petite commune des Bauges pour une fois, ne passe pas uniquement par le tourisme. Il passe par l'individu – aiguillonné par les élus locaux – et la petite entreprise. À l'heure du « small is beautiful ! » (2), dans une décennie 1990 libérale, le petit patron, si longtemps méprisé, devient le symbole de l'innovation et du dynamisme pour peu qu'il opte pour un « créneau » de marché rémunérateur et pour la « qualité » pour affronter la concurrence mondiale. Cet éloge du petit entrepreneur savoyard qui retrouve d'une certaine façon le dynamisme de ses ancêtres est l'objet de la seconde partie du reportage. Elle célèbre au long d'images qui nous montrent essentiellement ces petits patrons en pleine action, cet esprit d'initiative de gens désireux de « revenir à la nature » – retour présenté comme une nouveauté alors même que les années 1970 étaient déjà la décennie du néo-ruralisme – voire même de « rentrer au pays » comme ces Savoyards, qui lassés du trafic parisien sont revenus à Jarsy. Et l'objectif est un objectif de long terme – contrairement, laisse supposer le reportage, à celui des Jeux olympiques. Il s'agit de repeupler un village qui comme d'autres communes de Savoie s'est trop longtemps désertifié depuis les années 1960. Les résultats seraient ainsi tangibles : « la population s'accroît, des jeunes ménages s'installent, la natalité remonte ». Le reportage se clôt sur une référence à la Savoie catholique – « aide-toi, le ciel t'aidera », occasion encore de célébrer les spécificités du territoire. Il semble bien aujourd'hui que la population se soit stabilisée : Jarsy compte 281 habitants en 2012.

(1) Jean-Paul Guérin, « Emploi et tourisme dans le Massif des Bauges », Revue de géographie alpine, 1973, Tome 61, n°4. pp. 561-564.

(2) Claire Zalc, « Les petits patrons en France au 20e siècle ou les atouts du flou », Vingtième Siècle, 2012/2, n°114, p.53-66

Isabelle Gaillard

Transcription

Patrice Morel
A l’écart de la Savoie Olympique, une autre Savoie oubliée, peu aidée par les pouvoirs publics, les Bauges. Dans ce massif situé entre Chambéry et Annecy, l’agriculture, comme partout en montagne, est en perte de vitesse. Alors, les habitants ont décidé de prendre leur destin en main. C’est le cas à Jarsy, village d’à peine 200 âmes, il y en avait 1200, il y a un siècle. Ici, des artisans ont voulu s’installer et la mairie a soutenu cet effort. Le symbole en est cet atelier de maquettes, créé par le maire lui-même. Et malgré l’isolement, le succès s’explique par le dynamisme de la région Rhône-Alpes. On peut travailler à la campagne, à condition de le faire sur des créneaux précis, dans la qualité.
Guy Jay
Il y a une demande de la part des citadins, effectivement de, d’un certain retour à la nature. Je crois qu’il faut savoir les accueillir, savoir favoriser ces nouvelles implantations. Non pas des implantations importantes, telles qu’on peut les trouver dans les zones d’activités autour de nos, nos grandes villes ; mais au contraire, des micros-activités qui peuvent s’implanter très facilement dans des régions comme ici.
Patrice Morel
Gérard Lorrain est tourangeau, il était accompagnateur en montagne et possédait aussi une solide formation de cuisinier. En 89, il s’installe à Jarsy et crée une petite chocolaterie. Délicieux, ça marche du feu de Dieu. Pendant l’été, il complète ses ventes en organisant des démonstrations dans les centres de vacances ou auprès des groupes du troisième âge. Anne-Marie et Yvan Issert, eux ont quitté Paris. Ras-le-bol du trafic, ils sont revenus dans leur pays de naissance, à Jarsy. Leur créneau, c’est la veste de montagne, et là aussi, ça tourne bien car leurs produits sont fiables et répondent à une vraie demande. Il faut ajouter à cela une poterie, une pépinière de plantes alpestres, une entreprise spécialisée dans les travaux acrobatiques, une poissonnerie en gros, une scierie et enfin ce gite d’étape, l’Albatros, tenu par la femme et la fille de monsieur le maire, car ici, à Jarsy, l’élu local est le premier à montrer la voie. Résultat concret d’une telle politique, la population s’accroît, des jeunes ménages s’installent, la natalité remonte. Aide-toi, le ciel t’aidera, dans les Bauges, on connaît la formule et on l’applique.