L'Afrat : association d'aide à la reconversion des montagnards

18 avril 1969
09m 38s
Réf. 00090

Notice

Résumé :

Reportage sur l'Afrat, Association pour la Formation des Ruraux aux Activités du Tourisme, qui propose aux ruraux des formations leur permettant de se reconvertir dans les métiers du tourisme. Celles-ci leur permettent de pouvoir conjuguer une double activité : agriculture et tourisme.

Type de média :
Date de diffusion :
18 avril 1969
Source :

Éclairage

Comme son titre « Pour sauver le montagnard » le suggère, ce reportage présente le rôle d'un organisme, l'AFRAT (Association pour la Formation des Ruraux aux métiers du Tourisme), dans la reconversion des ruraux à la fin des années 60. Quelques cinq ans après sa création (1965) le journaliste pointe le rôle original de cette association créée par des agriculteurs du Vercors. Ces derniers, plus encore que les agriculteurs de plaine, connaissent des difficultés dans un secteur qui s'est profondément transformé depuis la Seconde Guerre mondiale mais que la PAC (Politique Agricole Commune), notamment en montagne, contribue à fragiliser. Il n'est pas indifférent que ce soit des ruraux de montagne qui aient eu cette initiative, habitués qu'ils sont à s'adapter, et qui ont su profiter des opportunités offertes par un tourisme de masse que les JO récents ont intensifiées.

D'ailleurs, la première image rappelle par la pancarte surmontée des anneaux olympiques que l'on se situe à Autrans, « la capitale du ski de fond » et un des sites majeurs des JO qui se sont déroulés l'hiver précédent. Les bâtiments filmés en arrière-plan et de manière allusive rappellent que le village s'est doté d'immeubles collectifs marqués par l'architecture des années 60, pour l'accueil d'un tourisme social (OCCAJ). D'autres constructions plus anciennes, maisons individuelles des années cinquante, attestent des précédentes modernisations liées à la reconstruction post Seconde Guerre, alors que les maisons traditionnelles (sur la première image) sont peu visibles et que les installations agricoles ont disparu de l'écran.

Comme le secteur agricole, ces agriculteurs (le terme de paysan est banni dans les années 60) doivent se reconvertir. Ces nouvelles activités sont évoquées dans ce sujet, au travers de quelques expériences figurées par des stagiaires et l'interview des responsables de la structure, notamment Jean Faure, président de l'association et futur sénateur. L'accent est mis sur la formation, un des points forts de l'AFRAT et qui le reste aujourd'hui. Cette formation s'inscrit dans la tradition des maisons familiales rurales, en phase avec les nouveaux diplômes des filières agricoles alors en plein renouvellement. Particularité sans doute liée à l'expérience de sociétés de montagne, les métiers proposés sont toujours doubles : accueil-secrétariat/ cuisine et gestion/ ski et BTP, entérinant une poly-activité classique qui ne date pas de l'implantation de cette structure, comme semble pourtant le laisser penser le journaliste et la personne interviewée. Certains commentaires du journaliste sont d'ailleurs en décalage avec les images. Ainsi un des agriculteurs présenté comme un des responsables de l'AFRAT, venu se reconvertir après « un coup du sort », pose en costume devant le box d'une écurie d'où émerge la tête de son cheval, très présent dans la scène, des images peu conformes à celle traditionnellement donnée du paysan montagnard. Les autres exemples attestent de ces reconversions réussies comme le moniteur de ski qui entraîne ses élèves sur des pistes peu damées (signe de l'époque) ou la monitrice ouvrant un centre d'accueil pour enfants. Les images illustrent ces activités (jeunes pratiquant l'équitation, jeunes jouant sur le terrain du centre de vacances ou encore vacanciers devant les immeubles de tourisme) pendant qu'en voix off la personne interviewée explique son parcours. L'une d'elles est questionnée de manière très directe par le journaliste, allant jusqu'à la mettre en difficulté. Le reportage fait la promotion de l'organisme en donnant les renseignements pour s'inscrire et les modalités de participation (« être rural »), tout en montrant la réussite des stagiaires et en atténuant les difficultés (elles se lisent dans les non réponses). La musique très allègre qui accompagne le reportage ou l'importance de la jeunesse filmée en arrière plan des témoins majeurs conforte cette impression de dynamisme qui préside au reportage. Les tenues vestimentaires de ces ruraux (costume de ville) sont significatives de la nouvelle image qu'ils veulent donner de leur vie, inscrite dans la modernité.

L'AFRAT, qui a reçu le soutien de la CCI ou des organismes de tourisme, est un bon exemple de la manière dont les habitants ont su adapter leur formation, leurs activités et saisir les opportunités pour construire une économique leur permettant de continuer à vivre dans des territoires devenus décalés et peu rentables dans une société urbanisée. Depuis, toujours située à Autrans, cette institution a élargi ses compétences en devenant un organisme à vocation nationale et internationale de formation pour l'espace rural, proposant toute la diversité des métiers inhérents au tourisme. Ceux liés à la montagne (créateur de chambres d'hôtes, gardien de refuge, accompagnateur de moyenne montagne, berger, ...) y figurent en bonne place.

Pour aller plus loin :

- Bulletin de la fédération française d'économie montagnarde (1964). Grenoble : imprimerie Allier, n° 13, 754p.

- Crises et mutations des agricultures de montagne (2003). Presses Universitaires de Clermont-Ferrand (Blaise Pascal) : publications du CERAMAC, n° 20.

- Simon Anthony (2002) La pluriactivité de l'agriculture dans les montagnes françaises, un territoire, des hommes, une pratique. Presses Universitaires de Clermont-Ferrand (Blaise Pascal) : publications du CERAMAC, n° 19.

Anne-Marie Granet-Abisset

Transcription

(Musique)
Journaliste
Autrans, capitale française du ski de fond. On ne pouvait mieux choisir, sur ce magnifique plateau du Vercors. Mais aujourd’hui, ce n’est ni de compétition ni de ski que nous parlerons, mais d’une initiative due à une poignée d’hommes. Une initiative au service, justement, des hommes.
(Musique)
Journaliste
Monsieur Jean Faure vous êtes président de l’AFRAT, encore un sigle barbare, mais qu’est-ce exactement cette association ?
Jean Faure
L’AFRAT, c’est-à-dire l’Association pour la Formation des Ruraux aux Activités du Tourisme, est née en 1965 de la nécessité pour les agriculteurs de montagne de trouver une activité complémentaire. Dans certaines régions assez difficiles au point de vue rentabilité dans les exploitations de montagne, le tourisme a pu amener cette complémentarité. Et nous avons fondé une association en coopération avec les organisations professionnelles agricoles, avec une chambre de commerce, celle de Grenoble, avec Peuples et Cultures et un certain nombre d’organisations de tourisme populaire dont Village Vacances Familles et l’OCCAJ.
Journaliste
Des chevaux, tout un chacun s’imaginera trouver là une organisation régimentaire. Non, nous avons choisi un exemple, celui de Monsieur Theuveny, agriculteur marqué par un coup du sort, qui, courageusement, reprit le dessus et fit une reconversion.
(Musique)
Journaliste
Monsieur Theuveny, vous êtes directeur de l’AFRAT, je suis jeune rural, je veux rentrer à l’AFRAT, quelles conditions dois-je remplir ?
Christian Theuveny
Bien comme vous le dites, il faut d’abord, la première chose c’est être rural. C’est-à-dire, être fils ou fille d’agriculteurs ou agriculteur soi-même, ou bien encore, être fils ou fille d’artisans ou être artisan, artisan rural. Deuxième condition, avoir 18 ans au minimum, 50 ans au maximum. Troisième condition, être dans une région euh, à vocation touristique et vouloir se reconvertir partiellement ou complètement dans une activité touristique.
Journaliste
Et on doit s’adresser où, exactement ?
Christian Theuveny
Alors, on s’adresse au centre AFRAT, A F R A T, ce sont les initiales, le sigle, et à Autrans, adresse Autrans 38, c’est-à-dire numéro de l’Isère.
Journaliste
Les conditions financières ?
Christian Theuveny
Les conditions financières, du moment qu’on remplit les conditions que je vous ai données, le stagiaire obtient une bourse qui couvre non seulement les frais d’études mais les frais de gestion, de pension. Et de plus, le stagiaire a pour lui un petit salaire qui lui sert d’argent de poche.
Journaliste
Le programme maintenant, est-ce qu’il est établi suivant les stages, suivant les stagiaires ou bien, vous avez un objectif ?
Christian Theuveny
Eh bien, l’AFRAT ayant 4 ans d’existence maintenant, on a pu arriver à un programme qui, je crois, est maintenant assez au point. Cela, il dure, le stage, que je vous, comme vous l’avez…, après, je pense, dure six mois plus deux mois de stage pratique. Durant ces six mois, il y a d’abord un tronc commun touristique avec un enseignement général, plus un enseignement sur toutes les conditions euh, tous les équipements touristiques. Puis, il y a trois options. La première option, une option accueil, secrétariat langues, car il y a aussi de la langue allemande, l’apprentissage de la langue allemande. Puis, la deuxième option, c’est l’option cuisine, avec cuisine, plutôt gestion de cuisine, car on, notre but est surtout de former des gestionnaires. Et la troisième option, c’est le bâtiment euh, bâtiment ski.
(Musique)
Journaliste
Nous connaissons maintenant, en théorie, l’AFRAT. C’est beau la théorie, mais en pratique, qu’est-ce exactement, des mots ou des actions ? Jugez plutôt.
(Musique)
Journaliste
Monsieur Lorieux, vous êtes directeur pédagogique du centre FRAT. Nous sommes dans un studio, qu’a-t-il de particulier ?
Jean-Claude Lorieux
Ce studio nous est assez cher puisqu’il a été aménagé par les stagiaires du stage 1968-69, donc le dernier. Et ce sont des stagiaires qui n’avaient jamais pris une truelle, et voyez, ils ont fait des [égouts] au plafond, en passant par le parquet collé, peinture, les cloisons, et cetera.
Journaliste
Directeur pédagogique, cela veut dire plus qu’une option bâtiment, par exemple, quel est votre rôle exact ?
Jean-Claude Lorieux
Eh bien, option bâtiment, je l’ai encadrée après les vacances de Noël. Auparavant, avant les vacances de Noël, les stagiaires ont suivi un tronc commun d’études touristiques. Dans ce tronc commun, j’ai assuré les cours d’enseignement général, les rattrapages scolaires pour les stagiaires qui en avaient besoin, et aussi, fait de la répétition après des conférences faites par des conférenciers venant d’organisations touristiques ou hôtelières, et cetera.
Journaliste
Monsieur Durand, à l’AFRAT votre principal rôle est d’être informateur. Comment contactez-vous les stagiaires ?
Michel Durand
Eh bien, mon premier rôle est d’aller dans les départements pour répondre aux besoins d’information que les organisations professionnelles demandent. Et au cours de ces déplacements, je rencontre les stagiaires qui veulent venir à l’AFRAT ; pour voir si chez eux, ils ont des possibilités de tourisme afin de mettre un, un revenu complémentaire à l’exploitation. Et alors, je regarde si vraiment ils correspondent aux buts de l’AFRAT.
(Musique)
Journaliste
Monsieur Durand est, somme toute, le prospecteur. De la neige, des skieurs, des enfants, nous nous retrouvons à Autrans où le ski est roi. Le ski qui est peut-être le salut pour le rural de montagne. Un exemple vivant vous est offert.
(Musique)
Journaliste
Roland Blanc, vous avez suivi un stage de l’AFRAT, qu’est-ce qu’il vous a apporté ?
Roland Blanc
Euh, ce stage m’a apporté pas mal de satisfaction, surtout au point de vue monitorat de ski puisque j’ai réussi à passer mon examen, et aussi au point de vue connaissance dans le bâtiment. Au départ, je ne connaissais rien, nous avons construit un studio, enfin, vous l’avez peut-être vu.
Journaliste
Oui !
Roland Blanc
Et ça m’a appris pas mal de choses.
Journaliste
Sur le plan monitorat de ski, est-ce qu’ils vous ont aidé ?
Roland Blanc
Euh, oui, beaucoup, puisque comme il n’y avait pas beaucoup de neige à Autrans, nous faisions beaucoup de sorties, euh, dans des endroits où il y a beaucoup de neige et on s’est très bien entraînés puisque nous avions un moniteur avec nous deux heures par jour.
Journaliste
Je crois que vous êtes savoyard de la région de Maurienne ?
Roland Blanc
Oui !
Journaliste
Près de Saint Avre La Chambre, si vous retournez chez vous un jour, est-ce que vous pensez vous lancer dans le tourisme après ?
Roland Blanc
Euh, pour l’instant je n’ai pas tellement de, un but bien défini. Je voudrais euh, pendant quelques années, être moniteur de ski et ensuite, je ne sais pas, je verrai. Je ne peux pas dire vraiment ce que je ferai d’ici quelques années.
(Bruit)
Journaliste
Marie-Jo Jallifier, vous avez installé sur l’exploitation familiale une maison d’enfants. Est-ce que le stage que vous avez suivi à l’AFRAT vous a rendue service ?
Marie-Jo Jallifier
Oui, certainement, surtout au point de vue gestion et au point de vue secrétariat.
Journaliste
Et pour les enfants, est-ce que vous aviez déjà une formation ?
Marie-Jo Jallifier
Oui, j’étais déjà jardinière des neiges et puis cette année, par rapport à l’AFRAT, j’ai passé le diplôme d’éducateur scolaire de ski.
(Silence)
Journaliste
Chantal, lorsque vous êtes venue en premier stage de l’AFRAT, est-ce qu’il y avait des raisons bien précises qui vous y poussaient ?
Chantal Rajat
Euh non, je n’avais aucune raison précise, je ne savais pas quoi faire cette année-là, je suis allée à l’AFRAT.
Journaliste
Et lorsque vous l’avez fait ce stage, après trois semaines ou un mois, est-ce que ça vous a, vous avez l’impression que ça vous a apporté quelque chose ? Vous aviez quelque chose de positif ?
Chantal Rajat
Oui, ça m’a apporté quelque chose.
Journaliste
Vous avez eu des contacts, non ?
(Silence)
Journaliste
Vous aviez vu des gens ?
Chantal Rajat
Oui, j’ai vu des gens, j’ai, mais oui, je ne sais pas.
Journaliste
J’ai l’impression que c’est plutôt le travail que vous faites maintenant qui, en définitif, découle un peu de ce stage.
Chantal Rajat
Euh, oui, c’est maintenant que j’ai trouvé le but vraiment, ce que je voulais faire, enfin…
Journaliste
Mais qu’est-ce que vous faites exactement ?
Chantal Rajat
Je m’occupe des familles ici, dans les gîtes familiaux.
Journaliste
Vous les recevez.
Chantal Rajat
Je les reçois, je…
Journaliste
Vous les conseillez.
Chantal Rajat
Oui !
Journaliste
Et vous avez l’impression que c’est maintenant un but ?
Chantal Rajat
Oui !
Journaliste
Vous avez jugé ? Nous avons vu des cas positifs, l’AFRAT est maintenant une réalité. Les stagiaires réussissent, mais ces stagiaires ont-ils tous les atouts en main ?
Chantal Rajat
C’est une question un peu brutale, lorsque le stagiaire a fini, vous le laissez tomber ?
Michel Durand
Absolument pas euh, nous travaillons avec l’OCCAJ, VVF et Maisons Familiales, et nous avons entrepris une collaboration, je crois, qui va être fructueuse ; euh, puisque cette année euh, à l’heure actuelle, tous les stagiaires ont un stage pratique de deux mois et de l’emploi pour ceux qui ne vont pas s’établir immédiatement, ceci afin de compléter leur formation.