La colère des paysans de Megève

30 août 2007
02m 19s
Réf. 00045

Notice

Résumé :

A Megève, les agriculteurs semblent penser que l'agriculture est condamnée dans les grands secteurs touristiques de montagne. La station très chic compte pourtant 68 exploitations. Mais, le futur Plan Local d'Urbanisme condamne leur profession, remet en cause l'entretien des espaces et la beauté des paysages. Le développement durable a été avancé comme argument, non recevable pour les agriculteurs qui voient uniquement le tourisme se développer.

Date de diffusion :
30 août 2007
Source :

Éclairage

Au cours de la procédure de révision du Plan Local d'Urbanisme (PLU) (1) de la commune de Megève, les agriculteurs locaux font entendre leur voix et alertent ainsi l'opinion publique sur le risque de disparition de leur profession dans les régions montagnardes très touristiques, et sur les conséquences environnementales qui en découlent. Le présentateur du journal des Alpes, François Dom, donne le ton avec cette interrogation « choc » : « L'agriculture est-elle condamnée dans les grands secteurs touristiques de nos montagnes ? ». Megève, station de ski emblématique du Pays Mont-Blanc, est aussi celle qui compte le plus d'éleveurs encore en activité ; d'où la mobilisation pour la défense des terres agricoles au moment où les élus doivent réfléchir en concertation avec la population, à l'occupation future et aux activités exercées sur le territoire communal. A l'origine du mouvement des agriculteurs de Megève, le passage de terres jusqu'ici classées en Zone Agricole (ZA), en Zone Agricole Protégée (ZAP) (2). Concrètement, ce nouveau classement restreint encore davantage les possibilités de constructions de bâtiments à usage agricole, qui sont déjà extrêmement restrictives en zone agricole classique. Cette modification est considérée, selon eux, comme une voie sans issue. Ils dénoncent le développement à outrance des aménagements touristiques (retenue colinéaire, résidences, chalets) au détriment des terres agricoles, mais aussi implicitement le fait qu'il est plus aisé d'un point de vue réglementaire de construire des aménagements touristiques que des installations agricoles. La vocation de la zone agricole protégée est de renforcer les règles de construction pour préserver son intérêt paysager. Il faut ainsi comprendre que l'agriculture peu rentable est mise de côté au profit du développement touristique. En effet, la construction d'hébergements touristiques « grignote » les surfaces utilisées par les éleveurs, tout en étant plus rentable économiquement en termes de production de richesse et d'emploi, que l'activité agropastorale. Cependant, le reportage n'illustre que peu cette problématique, car il ne présente pas les espaces pâturés par les vaches, ni même les installations agricoles. Le téléspectateur ne peut ainsi pas se rendre visuellement compte de l'ampleur de la question.

Leur situation est paradoxale, comme le souligne sans détour un jeune agriculteur qui vit en partie du tourisme puisqu'il est aussi moniteur de ski durant la saison hivernale. Tout l'enjeu est de maintenir un équilibre entre le développement touristique et l'agriculture ou plus précisément l'agro-pastoralisme, activité ancestrale en montagne. Celle-ci est en effet une activité indispensable à la conservation des paysages montagnards, notamment au maintien d'un paysage ouvert. Si les alpages ne sont pas pâturés, la forêt reprend ses droits, l'équilibre écologique change. En outre, les activités agricoles constituent un atout pour le tourisme, notamment estival, d'où la nécessité de trouver un juste équilibre.

Ce cas, dénoncé dans le reportage, peut être relié avec celui de Pascal Payot, dernier éleveur caprin de la vallée voisine de Chamonix, qui a été contraint de vendre son troupeau fin 2013. Outre les difficultés financières, l'accès aux alpages lui était rendu compliqué par la construction de bâtiments à usage d'habitation. Un mouvement citoyen est né pour soutenir et pour maintenir l'agro-pastoralisme dans la Vallée de Chamonix.

Aujourd'hui, Megève est la commune de Haute-Savoie qui perd le plus d'habitants. Faute de pouvoir se loger (le prix du mètre carré avoisine les 8000€), la population se réfugie dans les communes de la plaine du Mont-Blanc (Sallanches, Passy, notamment). L'économie touristique contribue à la surenchère des prix de l'immobilier (vente et locatif) et a pour conséquence l'exode des populations locales, qui partent se loger plus loin mais conservent leur emploi sur place. Megève serait-elle victime de son succès ?

(1) Document qui permet de planifier l'urbanisme à l'échelle d'une ou de plusieurs communes. Il prévoit et réglemente la destination des constructions, il s'impose à tous. Le PLU remplace l'ancien Plan d'Occupation des Sols (POS).

(2) Le PLU découpe le territoire communal en différentes zones où s'applique une réglementation précise et différente d'une zone à l'autre. La zone agricole protégée (ZAP) est plus contraignante pour les agriculteurs que la zone agricole (ZA), d'où leur mécontentement.

Pour aller plus loin :

- http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2014/01/06/8-018-euros-le-metre-carre

Lauranne Jacob

Transcription

François Dom
L’agriculture est-elle condamnée dans les grands secteurs touristiques de nos montagnes. A Megève, les agriculteurs semblent le penser. La station, très chic, compte pourtant 68 exploitations, et c’est même l’une des trois plus importantes communes agricoles de Haute-Savoie. Problème, le Plan Local d’Urbanisme est en pleine révision, une enquête publique est en cours et les agriculteurs, qui découvrent le projet, piquent une véritable colère. Le futur PLU condamne leur profession, remet en cause l’entretien des espaces, la beauté des paysages, et donc, l’identité mègevanne. Ingrid Pernet-Duparc et Jean-Pierre Vincendet.
Gabriel Blanchet
Le Plan Local d’Urbanisme nous parle de développement durable, donc, regardez, un développement, durable, d’un côté, un troupeau de vaches, de l’autre côté les grues, quoi ! Donc, le développement durable, pour l’agriculture ou pour les constructions ?
Ingrid Pernet-Duparc
Et le ton est donné. A Megève, il va falloir choisir son camp. Les agriculteurs, eux, défendent leurs terres et s’inquiètent quant à la survie de leur exploitation. Car dans le nouveau Plan Local d’Urbanisme, le PLU, actuellement soumis à enquête publique, les zones agricoles deviennent des zones protégées, AP sur ce plan. Jusque là, rien d’inquiétant, me direz-vous, sauf que pour les agriculteurs mègevans, ce classement est une voie sans issue.
Jean-Maurice Socquet
Du développement à outrance pour le tourisme et nous, par contre, on nous empêche de nous développer quoi ! C’est vraiment l’impression qu’on a.
Ingrid Pernet-Duparc
Et loin d’être un terrain d’entente, il fait l’objet d’un projet d’aménagement, une retenue collinaire pour améliorer l’enneigement de culture. Certains agriculteurs parlent de développement excessif du domaine skiable. Ils vivent pourtant tous du tourisme, en sont conscients, mais voient aujourd’hui ses limites.
Gabriel Blanchet
Il ne faut pas cracher dans la soupe, je suis moniteur de ski l’hiver, mais je suis avant tout…. Mon activité principale, c’est agriculteur, et agriculteur sur la commune, quoi ! Donc, on entend, on travaille tous du tourisme, mais après, développer modérément quoi !
Ingrid Pernet-Duparc
Trouver le juste équilibre entre un développement touristique raisonné et un développement agricole amélioré, c’est la requête des agriculteurs. Mais ce n’est pas la seule, car ce PLU fait beaucoup parler de lui, le cahier des doléances prend des allures de courriers des citoyens mécontents, à à peine 7 mois des élections municipales.