Parcours thématique

« Montagne dangereuse/Montagne qui soigne »

Michaël Attali

Introduction

Espace d'expressions multiples, la montagne est caractérisée par une série de représentations qui aiguisent son attractivité. Parmi elles, celles liées aux pouvoirs de la nature sous toutes ses formes demeurent une constante au moins depuis le XIXe siècle. La nature est d'abord mue par une force qui en fait sa beauté tout autant que son danger. La notion de risque est ainsi omniprésente avec le sentiment que l'on peut se doter d'outils pour le réduire sans jamais toutefois le supprimer.

La nature est également associée à une pureté quasi mystique. Elle permet de purifier les individus et est source de bienfaits multiples. En ce sens, les territoires de montagne sont investis d'enjeux pluriels.

La montagne dangereuse

Risques et menaces

Depuis très longtemps perçue comme un milieu hostile, la montagne reste appréhendée comme un territoire dangereux, concentrant l'ensemble des aléas physiques (avalanches, inondations, laves torrentielles, éboulements, sans oublier les classiques coups de vent et les tempêtes) qui prennent là des dimensions accentuées et contre lesquels prévention et protection ne peuvent être totales. Elle est à ce titre un espace à part avec ses caractéristiques, ses dangers, ses contraintes qui nécessitent l'adoption de comportements adaptés pour tous ceux qui évoluent dans ces espaces. Ses habitants ont ainsi appris à connaître ces risques pour tenter de les maitriser par l'intermédiaire de pratiques spécifiques touchant leurs habitats, leurs déplacements, leurs attitudes ou leurs loisirs. L'issue fatale de nombreux accidents est là pour rappeler que le risque se mesure à l'aune des conséquences souvent catastrophiques pour ceux qui osent s'y confronter ou le créer.

Plusieurs dangers guettent les habitants et plus encore les vacanciers qui parfois les occultent ou les méconnaissent. Le risque demeure présent quelles que soient les saisons et son imprévisibilité doit accroître les précautions. Si les pertes humaines marquent les esprits, les conséquences économiques des accidents constituent désormais un élément essentiel des mesures de prévention. Face aux éléments naturels, rien ne résiste et l'homme ne peut que constater les dégâts. Une forme de fatalité domine qui attise la fascination et le mystère attachés à ces territoires. La montagne reste un espace qui n'est pas domestiqué et à ce titre les aménagements comme les pratiques doivent être envisagés avec circonspection.

 Glissement de terrain au plateau d'Assy

Glissement de terrain au plateau d'Assy

Le plateau d'Assy vient de subir un glissement de terrain particulièrement meurtrier. 70 victimes sont à déplorer, notamment dans le sanatorium du Roc des Fiz. 350 sauveteurs ont œuvré pour trouver d'autres blessés. De son lit d'hôpital, une salariée du sanatorium raconte l'accident et son sauvetage.

16 avr 1970
04m 39s
 La catastrophe du Grand Bornand : un mois après

La catastrophe du Grand Bornand : un mois après

Reportage sur la catastrophe du Grand Bornand qui a eu lieu le 14 juillet 1987. Un camping est emporté par un torrent en crue. L'enquête administrative a conclu à une imprudence mais n'a pas retenu de responsabilités. Il est difficile pour les habitants d'oublier cette tragédie qui a fait 23 morts. Les dégâts sont estimés à 16 millions de francs dans la station. Un mois après les touristes ont déserté la ville.

14 aoû 1987
02m 39s

Démesure et incertitude

L'avalanche constitue à ce titre un condensé des dangers caractéristiques de la montagne. Imprévisibilité, ampleur, catastrophe sont autant d'éléments qu'il est nécessaire de rappeler pour prendre la mesure d'un milieu instable. Là encore, son déclenchement conduit à souligner la puissance d'une nature qu'il est nécessaire d'appréhender de manière rationnelle sans toutefois pouvoir envisager une sécurité infaillible. L'approche technologique permet de comprendre le processus par lequel une avalanche peut se déclencher et les possibilités d'anticipation à condition d'y être préparé. Une part d'incertitude demeure toutefois devant amener les touristes à prendre des précautions.

 Les risques d'avalanche dans les Alpes

Les risques d'avalanche dans les Alpes

Plusieurs avalanches ont déjà eu lieu ce début de vacances de février, faisant 13 victimes. Le risque est quant à lui toujours élevé dans la région Rhône-Alpes et les spécialistes mettent en garde les vacanciers : le manteau neigeux est très instable, il faut rester vigilent car le seul passage d'un skieur peut déclencher une avalanche.

18 fév 1991
01m 47s
Après l'avalanche du Val d'Isère

Après l'avalanche du Val d'Isère

Reportage sur la station de Val d'Isère fermée depuis trois jours suite à une avalanche meurtrière. Les seules personnes présentes sont les sauveteurs qui continuent à déblayer le centre de l'UCPA, où 39 résidents ont trouvé la mort, des risques de nouvelles avalanches n'étant pas écartés.

12 fév 1970
04m 42s

Responsabilité et prévention

Enfin, si la montagne est dangereuse, c'est avant tout dû aux comportements d'adeptes peu préparés à se confronter à un environnement dont il est nécessaire de respecter les règles. La montagne étant devenue un terrain de jeu hivernal et estival pour des individus issus d'horizons divers et de territoires éloignés, deux postures sont adoptées. La première se situe dans une logique de prévention en vue d'éduquer des pratiquants considérés souvent comme des utilisateurs de la montagne sans connaissance du milieu et de ses exigences. L'objectif est de responsabiliser les touristes face aux dangers pour les rendre autonomes et capables de faire des choix de pratiques guidés par la prudence. La seconde vise à mettre en valeur les structures d'assistance compétentes et attentives à la diversité des publics. Si elles sont présentes pour secourir les personnes en difficulté, elles ne peuvent se substituer à un civisme qui ne doit pas amener les individus à s'exposer à des risques inconsidérés.

 Les risques des sports nouveaux dans les Alpes

Les risques des sports nouveaux dans les Alpes

Reportage sur les risques liés à la pratique des nouveaux sports en montagne comme le parapente, l'alpinisme ou le canyoning. Le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM) doit souvent intervenir en milieu hostile et dans certains cas, faire face à de fausses alertes.

01 juil 1996
02m 27s

La montagne sanitaire

Purification naturelle

La pureté est attachée aux espaces de montagne. Ses paysages immaculés où la nature est omniprésente et surtout son air ont depuis au moins le XVIIIe siècle été la source de nombreux programmes et initiatives conduisant à améliorer la santé de celles et de ceux souffrant d'affections diverses. Ce mouvement s'est accéléré avec l'accroissement de l'urbanisation qui a obligé les autorités à lutter contre les grands fléaux tels que la tuberculose ou l'alcoolisme. Pour certains physiologistes de la fin du XIXe siècle, il suffit d'immerger les individus concernés pendant plusieurs semaines pour s'assurer d'une amélioration de la santé. C'est ainsi que les représentations ont associé à la montagne une vertu magique en matière sanitaire. Les années 1920-1930 voient se multiplier des centres d'accueil tels que les préventoriums et sanatoriums pour accueillir les tuberculeux sur des périodes assez longues en considérant que leur affection disparaîtrait après une exposition à l'air pur des montagnes. S'adressant essentiellement aux urbains, cette possibilité fait néanmoins émerger un paradoxe. En effet, alors même que les montagnards sont souvent considérés atteints de tares sanitaires (par exemple le crétinise alpin dû à un manque supposé d'iode), les territoires qu'ils occupent deviennent des lieux de villégiature dédiés à l'amélioration de la santé.

Lutter contre les vulnérabilités

Concernant à la fois les enfants et les adultes, ce mouvement sanitaire attaché à la montagne s'est toutefois progressivement recentré sur les premiers. En effet, à partir des années 1930 et le développement des classes de santé puis des classes de neige et de nature durant les années 1950-1960, les populations scolarisées constituent les publics privilégiés. La fonction curative de la montagne (contribuant à soigner des maladies) est de plus en plus complétée par une fonction prophylactique (anticiper les maladies) destinée à des publics appréhendés comme étant vulnérables. Si la nécessité de profiter des bienfaits de la nature est maintenue, la montagne est également considérée comme un espace favorisant l'activité physique génératrice de bonne santé. Moins que le sport, c'est davantage le mouvement qui est promu susceptible d'activer les grandes fonctions de l'organisme.

 Les classes de neige

Les classes de neige

L'école communale de Vanves, en région parisienne, dans les Hauts de Seine, part un mois en classe de neige, à La Feclaz. Le matin, les élèves suivent les cours et l'après-midi, ils pratiquent le ski. Cette expérience a été menée dans l'école depuis plus d'un an, afin de savoir si cette organisation pouvait être mise en place dans d'autres établissements scolaires.

05 mar 1953
01m 08s

Une solution aux maux urbains ?

La plupart du temps présentés en contrechamp des conditions de vie urbaine, les territoires de montagne constituent des lieux d'évasion contribuant également à la santé morale. Un système de valeurs opposées se construit alors autour d'une perception vertueuse de la montagne face aux méfaits de la vie urbaine : la vie collective face à l'individualisme, le respect face la violence, la pureté face aux miasmes, la luminosité face à la grisaille, la propreté face à la saleté, etc. La montagne représente ainsi une forme d'eldorado contemporain pour les observateurs qui l'assimilent aux bienfaits réels ou perçus qu'elle permet. S'il paraît improbable de promouvoir une migration durable, il faut exhorter la population à prendre le chemin des sommets pour retirer des bénéfices profitables au plus grand nombre.

 Vacances à Megève pour les petits Parisiens

Vacances à Megève pour les petits Parisiens

Reportage sur les premières vacances de petits Parisiens après la guerre. La colonie de vacances suivie se rend à Megève, en Haute-Savoie. Les enfants profitent du soleil, du grand air, de la nature environnante et de la joie. François Billoux, le Ministre de la Santé Publique, rend visite aux petits vacanciers.

03 aoû 1945
01m 24s

La montagne bienfaitrice

De la médicalisation au bien-être

Dans la continuité des représentations sanitaires attachées à la montagne, le bien-être apparaît comme une déclinaison contemporaine. En effet, celui-ci associe un état d'esprit avec une recherche de santé conçue de manière globale. Si elle semble récente, il n'en demeure pas moins que depuis l'Antiquité, la quête du bien-être est une constante à laquelle la montagne va être associée au fil du temps. En raison des ressources qu'elle recèle, notamment hydrique, elle constitue un espace favorable à l'épanouissement. Plusieurs stations alpines vont ainsi être reconnues depuis le XIXe siècle tant pour la qualité des soins qu'elles offrent que pour les conditions de villégiature qu'elles mettent à disposition des curistes. Elles ne s'adressent toutefois qu'à des catégories aisées de la population qui ont la possibilité d'occuper leur temps avec des activités d'entretien de soi dans une ambiance feutrée. Comme certains lieux culturels en ville, les stations thermales deviennent des lieux de sociabilités de la grande bourgeoisie et de l'aristocratie. Les années 1950 constituent un tournant avec l'arrivée progressive de nouveaux publics dont les profils évoluent. Si la médicalisation n'est pas absente, elle ne suffit pas à attirer les foules. La montagne est liée aux bienfaits des eaux thermales qu'il est nécessaire d'associer à d'autres pratiques.

 Les cures thermales à Allevard

Les cures thermales à Allevard

Le reportage présente la station thermale d'Allevard, qui souhaiterait attirer des touristes aussi bien l'été que l'hiver, par l'intermédiaire des différents soins qu'elle propose, médicaux et de confort. Cela pourrait permettre d'attirer une nouvelle clientèle qui combinerait sports d'hiver et cure. Allevard est une des premières stations thermales en France dans le traitement des voies respiratoires. La station a connu une baisse de fréquentation de 7%.

27 jan 1978
02m 06s

Le pouvoir de l'eau

Au fil des années 1980, le plaisir et le bien-être prennent le pas sur d'autres considérations. Les stations thermales en territoires de montagne redeviennent attractives avec l'avènement d'une société de loisirs de masse qui met le bien-être au centre des préoccupations. Modelé par la référence à la jeunesse, le bien-être est assimilé au dynamisme et le corps devient un point d'ancrage de la référence à de nouvelles valeurs telles que la minceur, l'apparence ou l'esthétisation et intègre un style de vie jugé moderne. Des déclinaisons apparaissent comme la balnéothérapie et il n'est pas rare de constater qu'elles sont associées à des centres de loisirs où il est possible d'apprendre à nager, de se détendre voire de soigner certaines pathologies. Le bien-être conduit donc à diversifier les activités proposées ne pouvant se réduire au seul ski qui doit être associé à des offres alternatives. Si certains bienfaits peuvent être mesurés scientifiquement, il ne fait pas de doute que ceux liés aux plaisirs ressentis deviennent essentiels.

 Les thermes de Saint Gervais

Les thermes de Saint Gervais

Reportage à propos de la balnéothérapie avec l'exemple des thermes de Saint Gervais, qui reçoivent à la fois des patients pour des problèmes dermatologiques ou respiratoires et une clientèle pour la remise en forme. La balnéothérapie de bien-être sauve le médical qui a tendance à stagner et représente 50% du chiffre d'affaires des thermes de Saint Gervais. Des tours operators vendent des "packages" qui proposent à la fois randonnée, raquettes et balnéothérapie.

03 fév 2005
02m 24s

Conclusion

La montagne est un territoire pluriel investi pour des raisons variées et fortement lié à la symbolique de la nature. Attachée à des valeurs positives, son attractivité s'accroît davantage face à la dénonciation des conséquences de la vie urbaine. Elle s'avère d'autant plus forte que les modes de sécurisation s'affirment en vue de contrôler les risques soutenus par des discours s'accordant à valoriser un mode de vie en harmonie avec l'environnement. Bien que le danger soit très présent et les conséquences des accidents souvent dramatiques, la montagne est assimilée à un espace purificateur qui conduit à un développement économique intensif bien que déséquilibré à l'échelle du périmètre montagnard.