Parcours thématique

Dire la modernité

Anne-Marie Granet-Abisset

Introduction

Dans les années 60, nommées les « Trente Glorieuses » avec l'optimisme qui accompagne cette période de croissance diffuse et d'enrichissement relatif des classes moyennes, le « progrès » dans ses déclinaisons techniques, scientifiques, sociales et économiques semble inexorable ainsi que la norme de lecture orientée du temps. Cette conception de l'histoire évoluant vers plus de progrès, vers davantage de bonheur, associée à la modernisation des sociétés et des territoires, n'est pas nouvelle. Elle trouve ses racines dans le XVIIIe siècle des Lumières. D'une certaine manière, elle est contemporaine de l'émergence du tourisme comme nouveau mode de vie autant que comme activité économique [1]. Au cours du XIXe siècle, en s'affirmant et en se diffusant, le tourisme accompagne en effet l'émergence de la bourgeoisie et de la société industrialisée et technicienne, autant que la mise en place d'un État démocratique.

[1] Voir le parcours Histoire du tourisme .

Des images, témoins et traces des transformations

La photographie, innovation technique (1826) utilisant des procédés scientifiques, est contemporaine du développement de ce premier tourisme moderne, comme un siècle plus tard, à partir des années 1950, l'image animée portée par la télévision le sera pour le tourisme de masse. Trace et mémoire des catégories sociales qui pratiquent ces activités nouvelles, cette production atteste également des transformations par le tourisme des territoires de montagne. Ceux-ci, considérés comme le lieu du retard, peuplés de populations dont la seule issue semble être les migrations vers les villes et les plaines, ne sont essentiellement décrits que par ceux qui viennent en faire leur « terrain de jeu [2]». Au-delà de l'usage à leur profit de ces territoires, ces touristes, encore peu nombreux numériquement, considèrent cette activité comme un moyen de faire entrer la montagne dans la modernité, c'est-à-dire dans ce qu'ils entendent comme la norme.

Le Cachat's Majestic

Le Cachat's Majestic

Affiches de l'hôtel Majestic de Chamonix version été et hiver. Ces deux affiches proviennent du fonds iconographique du Musée dauphinois.

1920
-

Ce sera encore davantage le cas lorsque le tourisme devient à partir des années 1960 un secteur majeur et un produit de masse. Le tourisme suscite en effet des transformations économiques, sociales et techniques profondes des hautes vallées, des mutations considérées comme bénéfiques et obligatoires. C'est bien ainsi que géographes [3], économistes, politistes et aménageurs conçoivent cette lecture du temps et de ces espaces. Le discours commun inscrit le retard et le décalage des pays de montagne comme inhérents à ces territoires ; un discours de la longue durée, transmis tant par les écrits (récits de voyageurs, rapports administratifs, etc.) que par les images (gravures, photographies, films et reportages etc.) qui façonne de manière décisive les représentations collectives [4]. S'inscrivant dans cette lignée, devenant un relais dans une diffusion bien plus ample que les photos de l'entre soi, les affiches ou les guides destinés à une clientèle spécialisée, la radio et surtout la télévision en plein essor, reprennent à l'envi ce discours pointant une montagne restée à la traîne face à une autre, entrée dans le monde urbanisé du tourisme.

Nouveau support, emblème des innovations techniques et culturelles, la télévision participe à la large diffusion de cette conception et de ce qui ressort souvent comme un jugement de valeur. Les premiers effets de la crise de 1973 ne remettent pas en question une norme encore largement partagée [5]. Cette conception des choses est d'autant plus acceptée que l'élévation globale du niveau de vie généralise à une très large partie de la société des modes de vie et de pensée autrefois réservés aux élites sociales et culturelles. La société de consommation et la culture de masse triomphantes accompagnent le développement d'un tourisme estival et hivernal dans ses nouvelles formes : c'est la période de l'application du « Plan Neige » et de son équivalent, « la mission Littoral », version adaptée du « terrain de jeu ». Auparavant sporadiques et ciblant quelques hauts lieux réservés à un tourisme élitaire (Chamonix, Megève, Morzine, La Clusaz, Saint-Gervais, Serre-Chevalier, Villard de Lans ou L'Alpe d'Huez, ... ou le Revard, version hivernale d'Aix les Bains, pour ne citer que quelques unes des stations de cette génération), les aménagements transforment en profondeur et de manière élargie la physionomie et les paysages d'altitude en même temps qu'ils suscitent l'arrivée des touristes, ces migrants saisonniers d'un nouveau genre. On assiste à l'inversion des mouvements migratoires qui concernaient jusqu'alors les départs des populations agricoles et rurales. Mutations des activités aussi, puisqu'en s'imposant le tourisme relègue l'agropastoralisme traditionnel au rang de complément d'une pluriactivité que l'on découvre et dont on célèbre la nouveauté. Ces transformations majeures renvoient les anciens métiers au passé et classent les sociétés traditionnelles et leurs modes de vie dans le camp de l'archaïsme.

 Le plan neige pour l'aménagement de la montagne

Le plan neige pour l'aménagement de la montagne

Reportage sur la mise en place du plan neige visant à construire des équipements et logements adaptés aux besoins des touristes. Le plan prévoyait la construction de 150 000 lits en montagne entre 1971 et 1975. 23 stations nouvelles et 20 stations anciennes en ont bénéficié. Les promoteurs immobiliers sont indispensables pour l'aménagement des stations nouvelles. Aucun ne reconnaît le problème architectural que posent les immeubles de montagne qui s'insèrent mal dans le paysage.

29 déc 1977
03m 32s
 Des russes aux Sept Laux

Des russes aux Sept Laux

1 client sur 2 dans les stations françaises de sports d'hiver est étranger. Les derniers en date sont les Russes, avec notamment l'arrivée de la classe moyenne russe dans les stations françaises. L'aéroport de Grenoble-Saint Geoirs a connu une croissance de 40% des passagers en un an. La clientèle russe représente 20% du trafic. La station familiale des Sept Laux a accueilli en janvier 2005 environ 220 clients russes pour des séjours allant de 10 à 15 jours.

18 jan 2005
06m 17s

[2] Selon l'expression de l'un des leurs Leslie Stephen, The Playground of Europe (1871)

[3] Notamment les géographes de l'école de géographie alpine dans la lignée de Raoul Blanchard, dont une de ses disciples en géographie humaine, G. Veyret. Voir article « Problèmes humains » dans Les hommes et les Alpes, Recherches géographiques, n° spécial de la Revue de Géographie Alpine, mai 1975, pp. 181-189, reprise d'un article de 1953

[4] Anne-Marie Granet -Abisset, « "Retard et enfermement". Erudits et historiens face aux sociétés alpines, XIXe-XXe siècles », dans A.-M. Granet-Abisset, J.-N. Pelen (dir.), Le temps bricolé. Les représentations du progrès (XIXe-XXe siècles) Le Monde alpin et rhodanien, n°1-3, 2001, pp. 55-76.

[5] Il faut attendre la fin des années 90 pour voir se multiplier les ouvrages critiquant et mettant en doute l'idée de progrès, entre autres, Alain Touraine, Critique de la modernité, Paris, Fayard, 1992 ; P.-A. Taguieff, L'effacement de l'avenir, Paris, Galilée, 2000.

Une lecture binaire des territoires

Les reportages sont majoritairement construits sur le modèle opposant ceux qui participent au mouvement général et ceux qui restent à l'écart, aussi bien les hommes et femmes que les territoires. On se plaît jusqu'aux années 80 et même encore très récemment à opposer aux acteurs du tourisme les tenants de la vie traditionnelle. Vestiges des siècles passés et d'une vie traditionnelle considérée comme immuable, ces derniers sont progressivement marginalisés. Ils sont le plus souvent incarnés par des personnes âgées. Leurs vêtements, leur habitat, leurs paroles et plus largement leur mode de vie, parfois stigmatisés (le crétin des Alpes n'est jamais très loin dans la représentation et dans les connotations présentes dans certains reportages) signent leur appartenance à un monde en voie de disparition ou de mise à l'écart.

 Le village de Villard Reculas

Le village de Villard Reculas

Le reportage présente le village de Villard Reculas qui connaît de nombreuses difficultés en cas d'importantes chutes de neige ou de tempêtes : les routes sont fermées, les téléskis de la station voisine ne fonctionnent plus, et les habitants se retrouvent isolés dans le village. Le ravitaillement est fait par les CRS de haute montagne. A la fin du 19ème siècle, le village comptait plus de 200 habitants, alors qu'en 1971, il n'en comptait que 17. Commerces et écoles sont désertés.

06 avr 1971
07m 43s
 Les femmes à la montagne

Les femmes à la montagne

Reportage sur le quotidien des femmes en montagne. Dans les Alpes, les hommes travaillent aux champs ou à la ville. Les femmes, quant à elle, gèrent l'habitation, les enfants et réalisent les travaux quotidiens de la ferme. Souvent sans moyen de locomotion, il est difficile pour elle de descendre dans la vallée, et elles se sentent parfois isolées. C'est pourquoi celles-ci s'entraident pour les tâches du quotidien comme emmener les enfants à l'école par exemple.

07 juin 1977
04m 16s

A l'opposé, les territoires et les populations qui ont su s'adapter pour entrer dans le monde modernisé des stations et des modes de vie urbanisés, générant les activités induites par le tourisme (hôtellerie et restauration, acteurs des activités sportives, promoteurs, architectes, etc) sont présentés comme les éléments dynamiques. La transformation des paysages en est une des manifestations les plus visibles, que la caméra sait saisir en même temps qu'elle fait la promotion de ces territoires-là.

 Le tourisme d'affaire à Annecy

Le tourisme d'affaire à Annecy

Avant la saison touristique, Annecy accueille une clientèle d'affaire, majoritairement étrangère, qui vient travailler et se détendre dans la ville au lac. Ce tourisme d'affaire fait le bonheur des hôteliers qui évitent les creux d'avant-saison. En plus de ces séjours professionnels, les hôteliers peuvent maintenir leurs taux de réservations notamment grâce aux week-end prolongés, de plus en plus fréquents.

25 mai 2005
02m 46s

De fait, ils s'inscrivent vraiment dans une longue tradition qui fait du tourisme non seulement l'avenir de ces territoires mais aussi le point de séparation entre modernité et archaïsme. En 1932, une citation extraite de la revue du CAF traduit déjà cette idée : « Combien de régions alpestres aujourd'hui comblées de bienfaits du tourisme seraient restées misérables n'eussent-elles été découvertes par les alpinistes » [6]. Mais la tradition est encore plus ancienne, si l'on en croit Bourrit (1785), un des premiers touristes-voyageurs à Chamonix : « Sa population y était, il y a vingt années, d'environ deux mille personnes : aujourd'hui elle va à trois mille, non que le pays ait changé de climat, mais parce que l'industrie, source de population, y a augmenté. (...). L'argent que les étrangers y laissent chaque année et la réparation des chemins qu'ils y ont occasionnée ont opéré en partie ces transformations [...] des petites maisons peu commodes ont été remplacées par d'autres plus spacieuses, plus aérées et par conséquent plus saines. Ces soins se sont étendus sur les personnes, l'on est mieux nourri et mieux vêtu.» [7]

Cette modernisation facilement repérable et filmable est d'abord technique. Fer de lance de ces transformations, le transport par câble identifie les stations touristiques et depuis 1945 les stations hivernales. Les remontées mécaniques et surtout les téléphériques et autres moyens de transport spécifiques sont la vitrine des technologies des entreprises, portées par les ingénieurs et les concepteurs de ces matériels. Les prouesses techniques donnent lieu à de nombreux reportages. Tous insistent sur la performance, puis plus récemment sur le gigantisme associé à la vitesse et la sécurité. Dès les débuts, ce mode de transport est associé au tourisme et en singularise les territoires. Il en va de l'emblématique téléphérique de l'Aiguille du midi au plus récent Vanoise Express sur la commune de Peisey Nancroix (reliant les Arcs à La Plagne) en passant par le téléphérique sur les pentes de la Bastille à Grenoble, sans négliger les funiculaires et autres trains à crémaillères.

 L'inauguration du plus haut téléphérique du monde

L'inauguration du plus haut téléphérique du monde

Le reportage est consacré à l'ouverture du téléphérique du Mont Blanc, le plus haut du monde (3840 m), qui relie Chamonix, les Plans des Aiguilles et l'Aiguille du Midi. Maurice Herzog, et Louis Lachenal, vainqueurs de l'Annapurna, l'ont inauguré.

01 juil 1955
55s
 L'ouverture du funiculaire des Deux Alpes

L'ouverture du funiculaire des Deux Alpes

Le reportage présente le funiculaire du tunnel des Deux Alpes, entré en service en août 1989. Il permet de relier le sommet de la Loze, où le ski se pratique hiver comme été. La capacité horaire est 1500 passagers mais elle peut monter jusqu'à 3000. Le sujet donne différentes informations techniques et économiques liées à la mise en place de ce funiculaire.

02 aoû 1989
02m 48s

Ces innovations ne se limitent pas au transport, même si l'on sait aussi montrer les exploits techniques pour ouvrir les routes et surtout les sécuriser, synonyme du désenclavement modernisateur. Elles concernent aussi bien le matériel pour les activités sportives - qui vont vers toujours plus de performances -, que l'architecture qui doit être à la fois au fait des dernières nouveautés mais aussi proposer des structures inédites (comme pour les refuges de dernière génération) et une urbanisation expérimentale. Vitrine des ces innovations, le SAM (salon de l'aménagement de la montagne) est régulièrement évoqué.

Le Salon de l'Aménagement en Montagne

Le Salon de l'Aménagement en Montagne

Le SAM, Salon de l'Aménagement en Montagne, ouvre ses portes. Plus de 10 000 visiteurs sont attendus dans ce salon professionnel où entreprises familiales côtoient grandes sociétés. Chacun vient montrer son savoir-faire et trouver de nouveaux clients.

21 avr 2004
02m 09s
 Dans les Alpes, les refuges font peau neuve

Dans les Alpes, les refuges font peau neuve

Reportage consacré à la rénovation de refuges dans les Alpes. Les alpinistes craignent que l'esprit des lieux ne change avec l'introduction de plus de confort, et qu'ils deviennent des hôtels. Mais le responsable du Parc de la Vanoise assure que les refuges garderont leurs caractéristiques traditionnelles, comme le repas collectif et les chambres communes. Tour à tour, tous les refuges du parc sont rénovés, comme le refuge de l'Aigle, de l'Arpont et du Goûter.

16 nov 2012
02m 14s

Article d'importation, le tourisme transforme aussi les sociétés locales sous le regard de la télévision. Nombreux sont les reportages qui pointent la pluriactivité et les saisonniers comme de nouvelles formes d'emploi autour des personnes emblématiques que sont le moniteur de ski et l'hôtelier (ou encore le pisteur-secouriste, le serveur dans les restaurants), dignes successeurs du guide au siècle précédent.

 La journée d'un pisteur

La journée d'un pisteur

Le reportage porte sur la journée type d'un pisteur de la station de Vars dans les Hautes-Alpes. Dans cette station, ils sont 30 pour assurer la sécurité des 140 kms de piste. Il y a en moyenne entre 5 et 6 blessés par jour. Dès 6h du matin, les pisteurs doivent préparer les pistes. En cas d'incident, ils doivent intervenir dans les 10 minutes. Les personnes accidentées sont transportées à l'hôpital de la station, mais les coûts de prise en charge sont assez élevés.

11 fév 2000
02m 07s
 La double activité des saisonniers à Samoëns

La double activité des saisonniers à Samoëns

Reportage dans la station de Samoëns sur la double activité des saisonniers que sont les moniteurs de ski ou les barmans durant la saison d'hiver. L'été, ils exercent un autre métier comme menuisier, éducateur, agriculteur ou maçon. Le reportage est effectué dans la station de Samoëns, en Haute-Savoie où divers saisonniers présentent leurs deux métiers et leurs préférences.

30 mar 1965
05m 26s

Depuis, les professions se sont diversifiées en même temps que les activités proposées. Pourtant loin d'être une organisation économique nouvelle, saisonnalité et pluriactivité sont constitutives des sociétés de montagne. En raison de la longueur des hivers et des conditions physiques difficiles, les sociétés de montagne s'étaient adaptées au rythme climatique et aux structures foncières composées de petites propriétés et de vastes communaux, avec des ressources - essentiellement l'élevage - fonctionnant de manière saisonnière, et des migrations saisonnières et/ou définitives inscrites elles aussi dans l'organisation économique traditionnelle des territoires et des familles. Cette organisation a accoutumé les habitants aux mutations et aux reconversions successives. Rien d'étonnant à ce que le tourisme ait d'emblée été compris comme une possibilité intéressante par les acteurs les plus dynamiques pour un usage localisé de la saisonnalité.

 La pluriactivité en montagne à Lanslebourg

La pluriactivité en montagne à Lanslebourg

Reportage sur la pluriactivité chez les montagnards. L'arrivée de l'hiver signifie pour de nombreux savoyards le retour à la pluriactivité. Un exemple, celui d'Albert Tourt, agriculteur la nuit et moniteur le jour. Cette double activité concerne environ 34% des agriculteurs savoyards. Cumuler deux emplois permet aux agriculteurs de ne pas quitter leur région natale. Exercer un métier touristique leur permet également de rencontrer de nouvelles personnes, ce qui est plus difficile en étant agriculteur.

30 déc 1997
03m 57s

[6] Extrait de La Montagne, journal du CAF, 1932.

[7] Bourrit (1785), cité par Philippe Joutard dans L'invention du Mont-Blanc, Paris, Gallimard, 1986

Une prise en compte de la complexité : quand la montagne signifie la modernité

Devenue urbanisée, la montagne est entrée dans la modernité, laissant de côté les territoires périphériques, ceux restés à l'écart du tourisme. Communément admis et transmis par les différents médias, on pense que le tourisme et la modernité qui l'accompagne sont un article d'importation. C'est oublier que certains habitants sont parmi les initiateurs de ces transformations. Un des exemples significatif est le syndicat d'initiative du Queyras, fondé en 1907 par d'anciens migrants de la vallée. Ces derniers veulent attirer une clientèle nouvelle, utilisant les moyens de transport automobile, en s'inspirant des modèles suisses. Fins connaisseurs des territoires et des populations, ils sont les intermédiaires entre les nouveaux venus et les populations locales. Leur rôle est essentiel pour faire accepter l'implantation de nouvelles structures et la cession des terres pour d'autres usages. Les exemples sont légion comme à l'Alpe d'Huez, aux Deux Alpes ou à Méribel, où certaines familles ont parfaitement saisi les opportunités, même si le mythe partagé est celui du rôle d'un « étranger », dans le développement de la station (Peter Lindsay pour Méribel, Antoine Allemand-Martin à L'Alpe d'Huez ou encore Philippe Lamour dans le Queyras). L'apport extérieur n'est pourtant pas mineur. Il faut le comprendre comme un dynamisme, une dimension vigoureuse et surtout des réseaux. Ajoutons le rôle de certaines familles qui participent au mouvement, en tentant de garder la maîtrise du développement ou de l'accompagner.

La montagne était déjà novatrice au siècle dernier : initiatives techniques dans la construction des ouvrages d'art pour la circulation et l'ouverture des routes, conservation des territoires, avec les premières initiatives de création de Parcs naturels, dès le début du XXe siècle. Si elles n'ont pu être réalisées aussi rapidement que prévu, ces initiatives pour la mise en place d'espaces protégés l'ont été depuis les années 60, avec la multiplication des parcs nationaux et régionaux.

 L'inauguration officielle du Parc naturel régional de la Chartreuse

L'inauguration officielle du Parc naturel régional de la Chartreuse

L'inauguration officielle du Parc régional de la Chartreuse a eu lieu en présence de Charles Millon, de Michel Barnier et d'autres élus locaux. La mention de parc naturel régional s'accompagne d'un label de qualité pour les produits du terroir. De nouveaux sentiers de randonnée seront balisés et proposés au public. La population locale espère que la création du parc dynamisera leur économie notamment par le tourisme.

20 juil 1996
02m 33s

Conclusion

Si le mode de vie et les activités traditionnelles ont longtemps été rangés dans le camp du retard, un mouvement initié à partir des années 70 - et qui prend une ampleur majeure depuis quelques années - tend à leur donner un nouveau statut. Désormais patrimonialisés, ces éléments entrent dans le domaine touristique comme « produit » nouveau si ce n'est innovant. Productions du terroir, musées et reconstitutions des activités traditionnelles participent de cette orientation, sans parler des « chalets » dont l'architecture uniformisée devient la nouvelle norme - avec cependant tous les attributs d'un confort urbain et des caractéristiques écologiques. Ainsi la montagne est reconnue comme lieu d'expérimentation, à la fois pour les activités économiques et culturelles.

 Les goûters en alpage à Châtel

Les goûters en alpage à Châtel

Le village de Châtel, en Haute-Savoie, organise des goûters en alpage lors desquels les vacanciers, souvent venus de la ville, peuvent découvrir des produits locaux (fromage, miel, charcuterie, etc.). C'est aussi l'occasion pour eux de découvrir la vie à la campagne, et pour les montagnards d'expliquer leur mode de vie, les traditions.

18 aoû 1977
02m 42s

La montagne est désormais considérée comme un espace de modernité, voire même d'expérimentation. Pourtant, au sein des massifs, il reste des territoires à l'écart ; ce que l'on pourrait nommer les marges des périphéries, oubliés des touristes comme des médias. Malgré cela, et justement en raison de leur faible urbanisation et de leur relative voire totale désertion, quelques uns d'entre eux retrouvent actuellement un nouveau souffle. Ils sont le lieu d'expérimentations sociales et culturelles que conduisent des néo-habitants venus inventer des nouvelles formes de vie, ou à défaut retrouver une montagne silencieuse et lente.

Bibliographie

  • Marc Boyer, Histoire générale du tourisme du XVIe au XXIe siècle, Paris, L'Harmattan, 2005.
  • Jean-François Sirinelli, Jean-Pierre Rioux, (dir.) La culture de masse en France de la Belle époque à nos jours, Paris Hachette, Pluriel, 2007. (1ère édition 2002).
  • Le village de Villard Reculas (2ème partie)