Ile d'Yeu île morte

30 mai 1998
01m 50s
Réf. 00203

Notice

Résumé :
Sur l'Île d'Yeu, la mobilisation est forte contre la mesure européenne interdisant l'usage de filets maillants pour la pêche au thon. Il est vrai que cette activité est le cœur de l'économie de l'île. On estime à 25 millions de francs le chiffre d'affaire réalisé par les 30 bateaux, 150 marins et les emplois induits du secteur.
Date de diffusion :
30 mai 1998
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Lieux :

Éclairage

Durant le week-end de Pentecôte 1998, en pleine ouverture de la saison touristique, une opération « île morte » fut décidée sur l’île d’Yeu. Il s’agissait de sensibiliser l’opinion au risque de devoir sacrifier à de nouvelles directives européennes, un outil de travail moderne déjà issu d’une réduction de la flotte, décidée à l’échelle européenne. Le drapeau noir hissé sur leurs navires restés à quai, les patrons de pêche entendaient défendre la pêche au thon, qui a toujours été la spécialité de l’île d’Yeu. A Port-Joinville, c’est sous les banderoles « Le thon c’est la vie » ou « L’Europe oui, mais avec la pêche au thon » que les touristes furent accueillis. La filière produisait alors 25 millions de F. de chiffre d’affaire (4 millions d’euros) en occupant 20 à 25 bateaux et 150 marins.
Dans les années 1980, la flotte islaise avait adapté au golfe de Gascogne le filet maillant dérivant, alors utilisé dans l’océan Pacifique. Les pêcheurs de Port-Joinville devinrent alors capable de débarquer des quantités records de thon et l’existence d’un marché de gros pour le poisson, une criée, devint indispensable. Elle fut créée en 1987 et ses ventes ajoutées à celles des conserveries contribuèrent pour 50% aux ressources de l’île. Dès le milieu des années 1990, les critiques se mirent à pleuvoir sur ce modèle économique. Localement, les patrons de la pêche artisanale s’alarmaient de voir peu à peu les fileyeurs ruiner la ressource. En Europe, les Espagnols déclenchèrent une très spectaculaire guerre du thon (1994) pour défendre leur droit à poursuivre une pêche aux lignes, rendue impossible par la présence des filets dérivants français sur les lieux de pêche. Parallèlement, une violente campagne internationale accusa les thoniers fileyeurs de pratiquer une pêche non sélective et la destruction de cétacés.
Sous l’effet d’un intense lobbying, l’Europe avait déjà décidé de limiter à 2,5 km la longueur de filet tendue en une seule sortie par chaque navire thonier (1993). Malgré tout, entre 1994 et 1997, le total des prises déclarées chaque année doubla. De tels niveaux de captures amenèrent les scientifiques à exprimer leurs inquiétudes. Un nouveau cycle semblait s’achever pour les pêcheurs de l’île d’Yeu dont les sacrifices avaient pourtant été importants. L’amalgame scandaleux entre les filets dérivants des Asiatiques et ceux des bateaux de la seule île française vivant de la pêche au thon amena les décisions redoutées par les marins-pêcheurs. Bruxelles finit par interdire l’usage des filets maillants dérivants pour la pêche au thon (2001). Les pêcheurs de l’île d’Yeu entamèrent alors une nouvelle reconversion, en direction des espèces nobles (sole, bar) et du merlu. Enfin, dès 2002, une demi-douzaine de ligneurs ogiens reprirent la mer, en remettant en pratique les techniques de pêche au leurre et à la traîne qui avaient fait la fortune des anciens jusque dans les années 1970.
Thierry Sauzeau

Transcription

Présentatrice
L’Île d’Yeu en Vendée défend sa pêche au thon menacée par une prochaine interdiction à Bruxelles des filets maillants dérivants. Les marins de l’île, depuis hier matin, ont hissé les drapeaux noirs sur les bateaux en signe de protestation. Ils veulent coûte que coûte défendre leur activité, Yannick Letranchant.
bruit
(bruit)
Yannick Letranchant
L’Île-d’Yeu bat le rappel de toute une population. Commerçants et pêcheurs de toujours, touristes de passage ou vacanciers d’un jour, l’ambiance n’est pas à la fête en ce week-end de Pentecôte. Pourtant, l’Île-d’Yeu pavoise mais pavoise en noir. C’est Bruxelles qui est visée, l’Union Européenne qui veut interdire dans un an les filets maillants dérivants. Des filets accusés de provoquer la mort de nombreux dauphins, des filets utilisés pour la pêche à l’espadon et la pêche au thon.
bruit
(bruit)
Eric Rivallin
Bon, vous avez bien vu les pancartes partout qu’il y a sur l’île, tout le monde veut se battre et on continuera à se battre jusqu’à tant que on aie gain de cause.
Bernard Hennequin
On a tout intérêt à ce que la pêche au thon continue, sinon, je suis directement concerné par la, par cette interdiction.
Yannick Letranchant
Le thon, c’est la spécialité de l’Île-d’Yeu, sa raison de vivre. 25 millions de Francs de chiffre d’affaires, une trentaine de bateaux, 150 marins, des emplois indirects, le thon, c’est la moitié des ressources de l’île. Les marins pêcheurs peuvent compter sur le soutien des élus mais aussi de certains écologistes.
Jacky Bonnemain
Il y a un amalgame absolument scandaleux qu’on n’arrive pas à déraciner, finalement, entre les filets dérivants utilisés par 1000 bateaux asiatiques dans le Pacifique, d’une longueur de 50 à 100 kilomètres de long, et les filets dérivants aujourd’hui de 2,5 kilomètres utilisés par 20 à 25 bateaux de la seule île française qui vit de la pêche.
Yannick Letranchant
Et en attendant une décision définitive le 8 juin sur les filets maillants dérivants, l’Île-d’Yeu défend sa pêche contre vents et marrées.