Saint Nazaire, la construction navale en crise

06 mars 1964
02m 04s
Réf. 00020

Notice

Résumé :

La crise économique frappe l'industrie navale à Saint Nazaire où des licenciements massifs ont lieu. La Fonderie en est un exemple. Après une semaine d'occupation, elle a définitivement fermé en février 1964, laissant 250 ouvriers au chômage.

Type de média :
Date de diffusion :
06 mars 1964
Source :

Éclairage

Les Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire naissent en 1955, d'une fusion entre le Chantier de Penhoët (créé en 1861) et les Ateliers et Chantiers de la Loire (fondés en 1881). Ce grand centre de production rassemble quelques 10 000 travailleurs en 1960. Une classe ouvrière originale se forme alors. Mais depuis le milieu des années 1950, la restructuration des chantiers navals se poursuit. Fusions et rachats se succèdent, entraînant une réelle menace pour l'emploi dans les Chantiers et dans les entreprises partenaires, comme la Fonderie. Saint Nazaire développera en 1964 une intense mobilisation contre le chômage.

En savoir plus :

De Cancale à Paimboeuf, à la fin du XXe siècle, 43 entreprises bretonnes revendiquent l'appellation de chantier naval. Mais la pérennité et l'extension du nom ne peuvent dissimuler l'évolution et la diversité actuelle de l'activité désignée. La fonction et la taille des bateaux construits semblent justifier, en première approche, la double structure de production. D'une part un grand nombre de petits chantiers (80% des établissements bretons emploient mois de 50 salariés) construisent des bateaux pour la navigation de plaisance et la pêche. D'autre part, trois grandes usines fabriquent des bâtiments pour la Marine nationale, dans les arsenaux de Brest et de Lorient, et des navires marchands de fort tonnage, aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire.

Ces derniers naissent en 1955, d'une fusion entre le Chantier de Penhoët (créé en 1861) et les Ateliers et Chantiers de la Loire (fondés en 1881). A cette époque s'est imposée la technique de préfabrication des navires grâce à l'introduction de la soudure. Ce grand centre de production rassemble un effectif important de travailleurs : quelques 10 000 en 1960. Une classe ouvrière originale se forme alors et si l'origine géographique peut parfois créer des solidarités fortes entre les hommes, comme pour les Briérons à Saint-Nazaire, c'est autour du travail que s'est constituée une culture commune. Les repères spatiaux et temporels sont liés à l'activité du chantier et les épisodes de la vie, ou simplement les années qui passent, sont situés par rapport au lancement et au départ des bateaux dont les ouvriers sont si fiers : le Normandie ou le France pour ne citer que les deux exemples les plus connus. La mémoire collective conserve aussi les souvenirs des grandes grèves, comme celles de 1955 ou de 1968, qui ont donné aux ouvriers de "la navale" l'image d'une avant-garde combative pour les uns, d'une classe dangereuse pour les autres.

La grande activité industrielle de la ville explique largement la précocité et la force d'un mouvement ouvrier qui laissa une empreinte forte sur la ville. La vie sociale nazairienne fut notamment marquée par les figures d'Aristide Briand puis de François Blancho, maire de 1925 à 1969, et par des évènements tels que la Marche de la Faim de 1933 ou la mobilisation contre le chômage de 1964. Depuis le milieu des années 1950, la restructuration des chantiers navals se poursuit avec une succession de fusions et de rachats. C'est dans ce contexte qu'Alsthom s'introduit dans les Chantiers de l'Atlantique en 1976, puis qu'en 1983, on aboutit à la fusion donnant naissance à Alsthom-Atlantique-Dubigeon-Normandie. Cette restructuration a conduit ces chantiers nazairiens à délaisser pendant quelque temps la construction de paquebots et à diminuer ses effectifs. La production s'est alors orientée vers la construction de pétroliers, méthaniers, porte-conteneurs, entraînant une modernisation des infrastructures qui peuvent désormais construire des navires de plus gros tonnage. De fait, depuis une quarantaine d'années, la construction navale en Basse Loire subit des vents contraires et malgré la reprise de la construction des paquebots en 1981, les Chantiers de l'Atlantique n'employait plus que 4500 personnes en 1988.

Bibliographie :

- Christophe Belser, Histoire des chantiers navals à Saint-Nazaire, Spezet, Coop Breizh, 2003.

Fabien Lostec

Transcription

(Silence)
Orateur
Là-dessus, nous allons nous battre si c'est nécessaire, les travailleurs des fonderies nous ont montré l'exemple...
Claude Loursais
Des hommes aux visages fermés qui écoutent devant un navire qui va bientôt lever l'encre, voici Saint-Nazaire cette semaine. Ces hommes sont des chômeurs qui savent qu'ils vont perdre leur travail d'ici un mois...
Orateur
... et du 19 février à Nantes ont eu une très grande répercussion à travers le pays tout entier. Mais ce qu'il manque, Pamesson, c'est la compensation des salaires perdus.
Claude Loursais
Et ces images irritent la France alors que la main d'oeuvre qualifiée manque parfois, comment est-ce possible ? Saint-Nazaire, ville test, pose un autre problème au monde du travail. En 1964, une usine peut-elle brutalement fermer ses portes licenciant la totalité de ses 250 employés ?
(Musique)
Claude Loursais
Nous sommes dans la fonderie de Saint-Nazaire que ses ouvriers occupèrent une semaine le mois dernier.
(Musique)
Claude Loursais
Pendant un siècle ici, on a travaillé pour les navires, maintenant c'est le silence, un silence épais presque honteux.
(Musique)
Claude Loursais
Raymond Lecoq, derrière vous, il y a les grilles de la fonderie de Saint-Nazaire, elles sont fermées maintenant, elles sont fermées depuis le 8 février.
Raymond Lecoq
Oui, elles sont fermées depuis le 8 février, les derniers ouvriers.
Claude Loursais
Comment est-ce que vous avez appris que vous étiez licencié ?
Raymond Lecoq
Un peu avant Noël, la direction a fait appeler les délégués en leur disant que par le manque de commande, ils leur étaient obligés de faire un licenciement.
Claude Loursais
Qu'est ce que vous avez fait ?
Raymond Lecoq
Nous avons tapé à toutes les portes valables mais personne n'a voulu nous entendre, c'est-à-dire que à ce moment là, nous avons pris la décision d'occuper l'usine.