Manifestation des Travailleurs Paysans au Mans

17 février 1984
02m 23s
Réf. 00098

Notice

Résumé :

Le syndicat des Travailleurs Paysans a manifesté aujourd'hui au Mans. Les manifestants revendiquent de meilleures conditions de travail. Ils souhaitent une régulation du marché en réformant la politique agricole commune.

Date de diffusion :
17 février 1984
Source :

Éclairage

A la fin des années 1960, dans l'Ouest de la France, les écarts sociaux ne cessent de se creuser au sein même du monde paysan. Analysant la nouvelle situation économique et sociale, certains dirigeants syndicalistes restent fidèles au modèle productiviste et sont favorables à une concentration rapide des exploitations, en accord avec la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles). Bernard Lambert incarne quant à lui un modèle agricole social et respectueux de l'environnement.

Avec son ouvrage Les Paysans dans la lutte des classes, publié en 1970, il devient l'un des porte-paroles et théoriciens de l'agriculture socialiste et de la lutte des classes dans la paysannerie. Évincé du conseil d'administration de la FNSEA, il fonde un nouveau courant syndical, original et radical, celui des Paysans-Travailleurs. S'organisant en syndicat autonome, loin de la tutelle de la FNSEA, les Paysans-Travailleurs se structurent progressivement entre 1969 et 1972. Dans l'ensemble, ce courant ne représente cependant qu'une minorité du monde agricole.

Les espoirs révolutionnaires s'estompant vers la fin des années 1970, les Paysans-Travailleurs esquissent un rapprochement avec d'autres formations syndicales voisines, ce qui aboutit à la création le 4 juin 1981 de la CNSTP (Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans). Minoritaire dans le collège des exploitants lors des élections aux différentes Chambres d'Agriculture bretonne en 1983, on constate que ce courant contestant le mode de production capitaliste dominant ne va cesser de s'amplifier dans les années suivantes, révélant tout à la fois la détermination du mouvement et plus encore la détresse de certains petits exploitants qui, pris en tenaille dans le jeu d'un modèle de production intensif et internationalisé, subissent de plein fouet la variation brutale des prix. À l'instar de la manifestation des Paysans-Travailleurs qui s'est déroulée au Mans le 17 février 1984 devant l'industrie agro-alimentaire SOCOPA - symbolisant précisément, dans la tête des Paysans-Travailleurs, "l'exploiteur" - l'action revendicative de cette formation syndicale, depuis sa création, a toujours été virulente.

Il est certain que par rapport à la période 1960-1970, où la coopérative devait regrouper les producteurs, le modèle coopératif change dans les années 1980 et s'oriente inexorablement vers une logique proche de celle des firmes privées. Ancêtre de la Confédération Paysanne, l'émergence et la croissance du courant contestataire des P-T reflète le processus de décomposition, d'éclatement qui ébranle le modèle agricole prédominant de la deuxième moitié du XXe siècle.

François Lambert

Transcription

Christian Meyze
Autre manifestation, décidément le Mans était très agité aujourd'hui, les travailleurs paysans manifestaient aussi. Je vous le disais tout à l'heure, ils étaient environ 200 de cette organisation, venus de Normandie, Bretagne et Pays de Loire, ils souhaitaient attirer l'attention sur leur condition de vie très précaire. Jean-Marie Richard.
Jean-Marie Richard
Surproduction et effondrement des cours, voilà les mots à extirper afin d'assainir l'agriculture européenne pour les travailleurs paysans. Une situation d'excédent provoquée par la réglementation communautaire qui accorde des prix plus élevés aux gros producteurs. Il faut donc inverser la tendance, ce qui permettrait aux petits de s'en sortir. Mais pour cela, il convient de réformer la politique agricole commune, lui donner un nouvel esprit pour ainsi rationaliser la production, selon les manifestants.
Michel Saunier
Nous proposons une répartition de la production dans les régions et au niveau des exploitations. Actuellement, la production dépasse les besoins et elle peut s'aligner sur ces besoins pour être ensuite mieux répartie au niveau des régions défavorisées et aussi des petits paysans.
Jean-Marie Richard
Je crois que ce nouveau plan se situe tant sur le plan national que sur le plan européen.
Michel Saunier
Bien sûr. Dans les autres pays, on a voulu monter les agriculteurs les uns contre les autres, on sait très bien que dans les autres pays, y a aussi des petits paysans qui crèvent de faim.
Jean-Marie Richard
Pour éviter cela, les travailleurs paysans estiment que tant l'industrie agroalimentaire d'où leur présence à Yoplait ce matin, que les autorités politiques, doivent assumer leurs responsabilités respectives. Toutefois, si l'emploi doit être maintenu dans ce secteur, il ne faut pas que ce soit aux détriments des conditions de vie. L'agriculture doit vivre et l'on doit pouvoir vivre décemment de l'agriculture, reste donc plus que jamais le leitmotiv des travailleurs paysans et de leur action.
(Silence)
Michel Saunier
Nous demandons aussi un quantum, c'est-à-dire, une garantie de revenu pour une quantité de travail. Nous n'acceptons plus de travailler 15 heures par jour pour gagner notre vie. Nous souhaitons que, on nous considère comme d'autres travailleurs, ayant droit à un revenu garanti pour une quantité de travail déterminée. Pour appuyer leur revendication, les manifestants ont ensuite fait mains basses sur un camion de la Socopa à Cherre.
Jean-Marie Richard
Un symbole qu'ils ont ensuite conduit jusqu'à la mairie du Mans et la préfecture de la Sarthes cette après-midi.