Rétrospective des marées noires

16 janvier 1988
02m 01s
Réf. 00120

Notice

Résumé :

En treize années, les côtes bretonnes ont subi six marées noires : le Torrey Canyon (1967), l'Olympic Bravery (1976), le Boehlen (1976), l'Amoco Cadiz (1978), le Gino (1979) et le Tanio (1980).

Type de média :
Date de diffusion :
16 janvier 1988
Source :
FR3 (Collection: Bretagne Hebdo )

Éclairage

La liste des marées noires qu'a connues la Bretagne est longue : en 1967 : le Torrey Canyon, chargé de 119 000 tonnes de brut, s'échoue entre les îles Sorlingues et la côte britannique ; en 1976 : le 13 mars 1976, le pétrolier libérien Olympic Bravery se brise à Ouessant où il perdra 1200 tonnes de brut ; en 1976, le 15 octobre, le pétrolier est-allemand Boehlen, transportant 9 500 t de pétrole brut coule au large de l'Ile de Sein ; en 1978 l'Amoco Cadiz échoue à la pointe finistère (Portsall) et déverse 227 000 tonnes de brut ; le 28 avril 1979, le pétrolier libérien Gino transportant 32 000 tonnes de noir de carbone coule au large de l'Ile d'Ouessant ; et le 7 mars 1980, le pétrolier malgache Tanio, chargé de 26 000 tonnes de fuel, se casse en deux par le milieu, au nord de l'île de Batz (Finistère) par une forte tempête et des creux de 7 mètres. Au moins 6 000 tonnes de fuel sont répandues à la mer.

La liste continue le 12 décembre 1999, avec le pétrolier maltais Erika. Chargé de 31 000 tonnes de fuel lourd, il se casse en deux à une trentaine de milles au sud de la pointe de Penmarc'h (sud Finistère). Il entraîne une marée noire sans précédent : la tempête créant des creux de 10 mètres a soumis le bateau à de trop grosses contraintes. L'âge du tanker combiné à un mauvais entretien a finalement abouti à une rupture de sa coque, se fractionnant en deux parties. Les premières nappes de fuel arrivent au moment des fêtes de Noël. Sur 400 km de cotes, le plan Polmar est mis en place dans l'urgence et la panique des autorités. Puis au fur et à mesure que le temps passe, on s'interroge sur les responsables de cette catastrophe, et sur qui va payer : d'abord le propriétaire, qui ne se manifeste pas pendant 6 semaines, puis Totalfinf, qui apparaît de plus en plus coupable d'avoir affrété un navire poubelle, puis d'avoir caché la vérité sur sa cargaison toxique, et enfin le FIPOL, accusé de spolier les remboursements des victimes.

Bien que les marées noires dépendent de plusieurs facteurs (caractéristiques du bateau, faciès du littoral, variété des espèces en vie) les conséquences sont toujours dramatiques pour l'environnement : sur les oiseaux bien sûr, sur la baleine bleue ensuite, mais aussi sur la microscopique cellule végétale, car si elle résiste mieux à une perturbation accidentelle aux hydrocarbures qu'à une pollution chimique chronique, la flore marine succombe aussi, les nappes de fuel empêchant tout de passage de lumière et rendant impossible la photosynthèse. Devant chacune des catastrophes, les Bretons ont réagi : nettoyage des côtes, sauvetage des oiseaux.

Le naufrage de l'Amoco-Cadiz marque une rupture : en 1978, les citoyens manifestent leur colère lors de la visite de Raymond Barre obligeant le gouvernement à réagir : il crée alors le centre Polmar à la pointe Gris-nez, puis le service de surveillance CROS, du rail d'Ouessant, qui permet l'intervention rapide de la Marine Nationale, des couloirs obligatoires pour les navires et la mise en place de remorqueurs de haute mer de la Compagnie des Abeilles, comme le Flandre. De plus, le syndicat des petites communes littorales du nord Bretagne entamera un procès qui durera 14 ans. Malgré ses 150 avocats, la Standard Oil, neuvième groupe industriel américain perdra son procès et devra verser 1,3 milliard de francs à partager entre l'Etat, les petites communes littorales et les entreprises artisanales ayant subi des dommages. A partir de ce procès en cas de pollution, c'est désormais la société "armant un navire pour un transport donné", plus que le propriétaire armateur, qui risque d'être jugée. Suite à ceci le FIPOL (Fonds International d'Indemnisation pour les dommages dus à la pollution par des hydrocarbures) est crée. Il est alimenté par les industries pétrolières, en fonction de leur part de marché dans le transport des hydrocarbures. Par la suite ce fonds se révèlera une arme à double tranchant car déresponsabilisant beaucoup les armateurs.

Le naufrage de l'Erika en 1999 redonnera la parole aux associations qui se mobilisent pour faire émerger une politique européenne d'ensemble basée sur la reconnaissance de la mer comme "bien commun de l'humanité" car les marées noires n'appartiennent pas uniquement à la Bretagne. Le pétrolier-poubelle Prestige a souillé la Costa da Morté en Galice en 2002 et une étude plus générale révèle que plus d'1,2 millions de tonnes d'hydrocarbures sont venues polluer les eaux européennes en un quart de siècle. C'est cependant "une goutte d'eau" par comparaison aux dégazages et déballastages en Méditerranée... En effet, selon une étude récente du WWF, 0,7 à 1,5 millions de tonnes de résidus de fioul et d'huile y seraient déversés chaque année.

Bibliographie :

- Catherine Bastien Ventura, Michel Girin et Judith Raoul-Duval, Marées noires et environnement - Éditions de l'Institut océanographique - Fondation Albert Ier, Prince de Monaco - 2005.

Martine Cocaud

Transcription

Journaliste
La première marée noire de cette sombre histoire ne touchera la Bretagne qu'à retardement. Le 18 mars 1967, le Torre canyon s'échoue sur des récifs au large de la pointe sud-est de la Grande-Bretagne. A son bord, 120 000 tonnes de brut, la cargaison forme une immense nappe qui pendant 3 semaines va dériver en Manche. Dans un premier temps, les côtes anglaises sont polluées, puis le 9 avril, c'est au tour de la Bretagne, pour la première fois, les Bretons assistent, impuissants ou presque, au désastre. De Saint-Malo à Ouessant, toute la côte pue le pétrole. 24 janvier 1976, après une avarie de barre, l'Olympic Braverie s'échoue à vide sur des rochers d'Ouessant. C'était la première navigation de ce super tanker de 270 000 tonnes. A son bord, 1000 tonnes de mazout, qui se répandent principalement sur le littoral d'Ouessant. Le plan Polmar ne sera décidé que le 16 mars et les îliens manifestent leur colère contre la valse hésitation dansée par les pouvoirs publics, les assurances et l'armateur Onassis. La même année, le 15 octobre 1976, un petit pétrolier est-allemand, le Boehlen coule après avoir essuyé un coup de tabac près de l'Ile de Sein, 25 ans morts et disparus et de nouveau, la pollution. 7000 tonnes de pétrole qui se répandent sur les côtes du Finistère Sud. La catastrophe de l'Amoco en mars 78 ne mettra pas hélas un terme à la série noire. Le 29 avril 1979, un pétrolier italien, le Gino, coule au large de Camaret après avoir été abordé par un cargo. 37 000 tonnes de carbone Black Oil, une pâte à base de pétrole repose au fond de l'océan et pollue insidieusement le sous-sol marin. Enfin, dernier en date, le naufrage du Tanio, le 7 mars 1980. Un pétrolier battant pavillon malgache coule dans la tempête au large de l'Ile de Batz. La moitié des 27 000 tonnes de fuel est récupérée mais 100 kilomètres du littoral des Côtes-du-Nord sont pollués. Une sixième marée noire pour les Bretons, la dernière de l'histoire, à voir.