Les oignons dans les Côtes du Nord

01 septembre 1965
03m 56s
Réf. 00256

Notice

Résumé :

L'oignon des Côtes du Nord est cultivé à Langueux, Yffiniac et Hillion. Cet oignon, "le jaune paille des vertus", est conditionné dans les coopératives locales. Il est parfois vendu sur le bord des routes, par des petits producteurs.

Date de diffusion :
01 septembre 1965
Source :

Éclairage

Ce document nous rappelle une culture traditionnelle de la "ceinture dorée", zone maraîchère fertile qui longe la côte : celle de l'oignon qui a été immortalisée par Mathurin Méheut (grève d'Yffiniac).

Dans les années 50, ce produit est cultivé dans trois communes de Saint Brieuc - il s'agit alors d'un oignon plat dit "l'oignon jaune paille des vertus" - ainsi que sur la côte du Léon autour de Saint Pol et de Roscoff - il s'agit alors de l'oignon rosé. Actuellement, c'est le souvenir des marchands de Roscoff qui est le plus vivant – les fameux "johnnies" qui traversaient la Manche pour aller vendre leur production en Angleterre. Il faut dire que les producteurs de l'oignon rosé ont obtenu un AOC en 2006 pour ce légume encore cultivé sur plus de 100 ha.

Par contre, dans la région de Saint Brieuc, la culture de l'oignon a quasiment disparu. Si dans les années 50, 6 000 tonnes d'oignons étaient cultivées dans le fond de la baie de Saint Brieuc, seulement 5 exploitations maraîchères en cultivaient en 1988 à Yffiniac. Ne pouvant résister à la concurrence, entre autre celle de l'oignon hollandais, elles ont toutes disparu en 2002. La culture de l'échalote très abondante en Bretagne nord et surtout l'élevage porcin ont maintenant supplanté celle de l'oignon.

Ce document offre un rare témoignage sur les circuits commerciaux traditionnels : au début du XXe siècle, les oignons, après avoir été livrés en train, étaient vendus en porte-à-porte à Paris. Rappelons qu'il en allait de même pour le beurre et le cidre qui, tout en étant des produits de consommation courante, participaient à des circuits commerciaux importants. Ces derniers étaient le plus souvent dans les mains de négociants très bien organisés. Dans cet extrait, le témoin interrogé évoque les voyages que faisait son père producteur qui préférait donc éliminer les intermédiaires. Ces voyages, à finalité professionnelle, étaient sans doute assez nombreux ; ils ont contribué à la modernisation des campagnes bretonnes avant la Seconde Guerre mondiale en apportant au village les coutumes et les bruits de la ville.

Filmographie :

- Les "Johnnies" de Roscoff, André de Beaumont, FR3 Rennes, 1946, 12'02.

Martine Cocaud

Transcription

(Silence)
Journaliste
Sur 6 km de route, entre Yffiniac et Saint Brieuc, une centaine de petits marchands d'oignons semblables à ceux que vous venez de voir.
(Silence)
Journaliste
Monsieur Guéno, combien de producteurs en tout dans la région ?
Monsieur Guéno
Environ 300.
Journaliste
300, qui sont groupés sur 3 communes je crois.
Monsieur Guéno
Sur 3 communes, la commune de Langueux dans sa totalité, et la commune d'Yffiniac et d'Hillion en partie.
Journaliste
Et qui produisent au total des tonnes et des tonnes ?
Monsieur Guéno
Qui produisent environ 6.000 tonnes.
Journaliste
Cela représente, par rapport à la production totale de la Bretagne, combien à peu près ?
Monsieur Guéno
A peu près un tiers de la production de Bretagne.
Journaliste
L'autre grande région productrice c'est je crois Saint Pol...
Monsieur Guéno
Saint Pol de Léon.
Journaliste
Saint Pol de Léon.
Monsieur Guéno
Oui.
Journaliste
Mais les variétés sont différentes ?
Monsieur Guéno
C'est-à-dire que le, l'oignon de Saint Pol on l'appelle le « rosé de Saint Pol », parce qu'il n'a pas la même couleur que celui-ci, qui est l'oignon « jaune paille des vertus ».
Journaliste
« Jaune paille des vertus » ?
Monsieur Guéno
Oui, comme son nom l'indique, il est beaucoup plus de la couleur de la paille quoi.
Journaliste
C'est un joli nom, mais quelles sont les vertus de l'oignon ?
Monsieur Guéno
Oh les vertus de l'oignon vous savez, je pourrais pas bien vous dire mais on dit que l'oignon est très bon pour la santé.
Journaliste
On dit que l'oignon fait la force.
Monsieur Guéno
Et que l'oignon fait la force aussi, oui.
Journaliste
C'est un mauvais jeu de mots. Mais je crois que ces oignons sont conditionnés d'une façon toute particulière pour être vendus ensuite.
Monsieur Guéno
Oui, dans les coopératives et aussi chez les commerçants, on conditionne les oignons en sac de 25 kilos ou en sacs de 10 kilos et même du 1 kilo, on fait des sachets de 1 kilo aussi.
Journaliste
Et ils sont calibrés ?
Monsieur Guéno
Oui, tout est calibré.
Journaliste
Il y a les petits.
Monsieur Guéno
Petit, moyen, le moyen et alors le gros qui est plutôt pour les charcutiers.
(Silence)
Journaliste
Depuis combien de temps produisez-vous des oignons dans la région ?
Monsieur Guéno
Bien euh, je ne pourrais pas dire depuis combien de temps car je, je fais ça moi, depuis toujours quoi, mes parents, mes aïeux, ils ont toujours fait ça.
Journaliste
Au temps de votre père, c'était un peu différent quand même, il partait je crois avec sa voiture à cheval ?
Monsieur Guéno
Ah oui.
Journaliste
Jusqu'à Paris ?
Monsieur Guéno
C'est ça, autrefois oui, ils allaient avec leurs chevaux et leurs voitures, une partie faisait la Normandie, les autres même la région parisienne. Mon grand-père, moi, allait jusque à Porte de Versailles, avec son cheval et sa voiture. Il se faisait expédier des oignons, un wagon d'oignons qu'il distribuait ça dans les, dans les épiceries, chez les charcutiers, enfin il écoulait la totalité de sa marchandise comme ça.
Journaliste
Et maintenant, on continue quand même ?
Monsieur Guéno
Et maintenant, évidemment, il y a encore certains cultivateurs qui avec leurs camionnettes circulent dans la région à écouler leurs marchandises aussi, mais dans les moindres importances qu'autrefois.
(Silence)
Journaliste
Comment se fait-il que des petits marchands se soient établis au bord de la route, car ceux-là ne sont pas des cultivateurs ?
Monsieur Guéno
Non, la plupart ce sont des ouvriers qui possèdent un petit jardin et font une petite récolte d'oignons, et ils s'installent à vendre leur récolte au bord de la route, aux gens qui sont en vacances et qui retournent chez eux.
Journaliste
C'est ça.
Monsieur Guéno
Ils emportent un petit sac d'oignons plutôt, je sais pas moi, comme pour dire qu'ils emportent quelque chose de Bretagne.
Journaliste
Monsieur, je vous demande pardon : vous venez faire la provision ?
Inconnu
Ah vous mêlez-vous de vos oignons hein !