La saison des Pardons

17 septembre 1996
10m 47s
Réf. 00277

Notice

Résumé :

La Bretagne a une tradition de fêtes religieuses, les pardons. A travers les pardons de Rosporden et de Sainte Anne d'Auray, l'historien Georges Provost explique la signification de cette manifestation religieuse qui perdure.

Type de média :
Date de diffusion :
17 septembre 1996
Source :
FR3 (Collection: Document )

Éclairage

Les pardons sont les fêtes par excellence des paroisses bretonnes. Des fêtes dont le motif initial est religieux et dont les premières organisations datent souvent du XVIIIe siècle. Actuellement, ces fêtes associent des pratiques religieuses - une messe, une procession - et des pratiques festives qui se déroulent souvent l'après-midi. Selon les lieux, le religieux prend plus ou moins d'importance. Le pèlerinage de Sainte-Anne d'Auray (Morbihan) présenté dans le film demeure un moment de ferveur : le 25 et 26 juillet, jours du "grand pardon", procession aux flambeaux, messe, vêpres et dépôt d'ex-voto réunissent des centaines de milliers de pèlerins venus de toute la France.

Mais la plupart des pardons se déroulent à une échelle plus locale : ces fêtes associées à un saint patron sont l'occasion de célébrer, par l'intermédiaire d'une messe mais aussi des "jeux de pardon" et d'un repas, une appartenance communautaire.

Ces fêtes religieuses, dont l'âge d'or fut le XIXe siècle, demeurent très présentes, bien qu'elles aient connu un déclin au XXe siècle. Si les pardons perdent souvent leur dimension religieuse, ils deviennent objets de patrimonialisation pour les communes et objets de curiosité pour les touristes. Par exemple, les bénédictions de la mer, nées au XIXe siècle de la ferveur des pêcheurs de Terre-Neuve, deviennent souvent le moment d'une grande fête associant locaux et estivants.

Martine Cocaud

Transcription

(Musique)
Journaliste
Bien sûr, il y a Sainte Anne d'Auray. Son pardon c'est le 26 juillet, jour de la Sainte Anne. Sainte Anne mère de la Vierge, grand-mère du Christ et cependant patronne des Bretons. Personne ne sait plus comment ni pourquoi elle l'est devenue. Ici ou là, il s'écrit encore qu'elle prolongerait la déesse Anna, une divinité celtique. Rien ne le prouve, surtout pas ici. De tous les pèlerinages à la mode de Bretagne que sont les pardons, il n'y a pas plus romain que celui de Sainte Anne d'Auray.
(Musique)
Journaliste
La région apostolique de l'ouest y est représentée par tous ses évêques.
(Musique)
Georges Provost
Saint Anne d'Auray est un superbe exemple, un exemple tout à fait magnifique de ce, du pardon que le, le clergé, ce clergé renouvelé de la contre réforme a voulu instaurer un petit peu comme, comme un modèle, un petit peu comme un petit anti-pardon au départ.
(Musique)
Journaliste
Procession depuis la basilique, messe au mémorial édifié au lendemain de la Grande guerre par les évêchés bretons.
(Musique)
Journaliste
Célébration, chant, recueillement.
(Musique)
Journaliste
Président de la région apostolique, monseigneur Fihey, évêque de Coutances et d'Avranches, préside le pardon.
Monseigneur Fihey
« Comme Pierre, reconnaissant le maître au bord du lac et criant : c'est le Seigneur ! »
Georges Provost
On pourrait opposer quelques très grands pardons, comme Sainte Anne d'Auray, hein qui paraissent effectivement être des pardons où euh le discours du clergé est très, est très fort, est très dominant, et d'autres petits pardons où la part euh du clergé, peut-être même la part du religieux est beaucoup plus limitée.
Journaliste
Les petits pardons mènent à d'humbles chapelles de hameau. Ici, celle du Moustoir en Rosporden, près de Quimper. Une association l'a tiré de l'abandon, avec sa restauration est revenu le temps des pardons. Le 3ème dimanche de juillet, il y aura messe le matin, fête toute la journée.
(Bruits)
Journaliste
Court échange en breton.
(Bruits)
Journaliste
Puis dans la chapelle, réunion en français.
Inconnue
Est-ce que tu as assez de coupes ?
Inconnu
Ah j'ai ma coupe ouais ouais. Tu l'as, j'ai pas besoin d'en fournir.
Inconnue
Alors, la séance est close, vous pouvez retourner travailler.
(Bruits)
Journaliste
C'est le recteur de Rosporden qui officiera.
Désiré Larnicol
Je crois qu'autour d'une chapelle, je situerais les choses à 3 niveaux. Euh, l'un des niveaux, c'est celui précisément de la fête, l'importance pour les gens de se retrouver, de recréer des liens dans un quartier.
Journaliste
Pas loin du Moustoir, toujours en Rosporden, la chapelle Sainte-Yvonne. Le même samedi, c'est ici veille de pardon. Y prélude une soirée de fête avec grand repas.
(Musique)
Journaliste
On y retrouve l'abbé Larnicol.
Désiré Larnicol
Le deuxième niveau, je le situerai au niveau de la mise en valeur du patrimoine. Nous avons en Bretagne des richesses extraordinaires et euh dans des petites chapelles comme Saint Yvonne, par exemple, alors autour du patrimoine, des gens se mobilisent pour que la chapelle, eh bien, retrouve je dirais ses fastes d'antan. Et l'autre niveau, moi je le situe au plan religieux, c'est-à-dire que il faut pas oublier une chose c'est que les chapelles euh ont été faites dans un but cultuel, au départ, et non pas culturel. C'est-à-dire : les chapelles étaient donc des lieux de prière, et aujourd'hui, des gens ressentent le besoin de se retrouver dans ces chapelles pour prier comme l'ont fait le, leurs ancêtres bretons.
(Musique)
Désiré Larnicol
Le mot pardon qui désigne une fête de chapelle est ce moment où dans un quartier, on éprouvait le besoin de se retrouver, au-delà des divergences et des disputes parfois, pour faire la fête, petits et grands, et trouver ainsi que ce qui nous unit est bien plus fort que ce qui nous sépare.
(Musique)
Journaliste
«Chapelle en ruines» est-il encore indiqué sur les cartes d'Etat-major. Mais ce n'est plus vrai. L'an prochain, Sainte-Yvonne aura une charpente, peut-être même un toit. Comme en Moustoir, comme en d'autres endroits, une association de quartiers oeuvre à sa restauration. Ce même dimanche, à l'intérieur du triangle que forment Rosporden, Scaer et Bannalec, il y a 3 pardons. Malgré la coïncidence de date, la proximité permet des échanges de politesse.
(Musique)
Habitant
Votre chapelle à vous, c'est celle de Moustoir , mais vous êtes venu en voisin.
Jos Le Breton
Ah ben oui, nous faisons toute la troménie un peu des pardons du quartier. Le premier c'est celui de la Véronique, c'est le jour de l'Ascension, donc c'est sur Bannalec, ensuite celui de Saint Eloi qui était dimanche dernier sur Rosporden. Ici aujourd'hui, dimanche et puis ce soir nous serons à Trebalay à Bannalec également, dimanche ce sera à Moustoir, et nous avons été également à Saint-Adrien qui est juste derrière la forêt du [incompris], mais bon, c'est aujourd'hui aussi, alors parfois on peut pas tout faire quoi.
Habitant
Mais je pense que c'est intéressant, compte tenu que ça permet de retrouver des amis et de revoir les personnes qu'on ne voit pas non plus parce que les foires maintenant n'existent plus.
Journaliste
Voici Trebalay, dédié à Sainte Tréffine, et lieu d'un des 2 autres pardons de ce dimanche de la mi-juillet. Pas de toit là non plus, et le lieu restera en l'état, c'est un choix. Filmé la veille, voici Saint Adrien et l'évocation par une voisine des anciens pardons.
Inconnue 2
Eh bien, il y a eu toujours... C'était pas un pardon, on disait le pardon de Saint Adrien, mais c'était une messe qu'y avait, il y avait une messe hein, et la un marchand de bonbons venait de Bannalec.
Journaliste
Dispersées dans la campagne, bien d'autres chapelles. Celle de Locjean, d'abord aperçue de loin puis de près.
(Bruits)
Journaliste
Sainte Véronique là bas. Puis Saint Mathieu.
Georges Provost
J'ai pu arriver à l'idée qu'il y en avait environ 4.000 en Bretagne avant la Révolution. Il en resterait aujourd'hui moitié moins à peu près, et euh cela différencie, cela distingue très nettement la, la Bretagne des régions voisines, où il y a c'est vrai des chapelles mais sans former un réseau aussi systématique que chez nous.
Journaliste
Depuis Saint Yvonne se profile aussi Saint Guénolé, preuve encore d'une profusion de chapelles propre à la Bretagne.
Georges Provost
L'argument de la distance ne suffit pas, c'est clair. Il existe des petites paroisses où il y a malgré tout beaucoup de chapelles. C'est bien une indication comme quoi il y a sans doute quelque chose de plus profond derrière. Un type d'organisation sociale qui fonctionne sans doute plus qu'ailleurs autour de, de l'idée de la communauté, du petit groupe de voisinage, et euh cela peut donc s'observer même à très petite échelle.
Journaliste
C'est ici comme au Pays de Galles d'où vinrent les Bretons qui transformèrent en Bretagne la vieille Armorique. Avec leurs usages, leurs sens du sacré et aussi de la fête.
René Le Dez
Un pardon, c'est un lieu de rencontre où les gens échangent de tout hein, donc euh, bon ils jouent, on vient à la messe, il y avait des processions, je me souviens un temps où on y amenait les enfants, il y avait des bénédictions d'enfants. Je crois qu'il y a cette convivialité, ce, ce désir de se retrouver, de rencontrer les gens, de discuter et très souvent on a l'occasion de pardon, alors on peut dire que c'est, c'est des retrouvailles.