Une marina à La Forêt-Fouesnant

08 juillet 1973
05m 51s
Réf. 00292

Notice

Résumé :

A la Forêt Fouesnant, un projet immobilier est au cœur d'une polémique. Malgré les nouvelles orientations ministérielles concernant le littoral, des promoteurs ainsi que le maire souhaitent implanter une vaste marinf, afin de développer le tourisme.

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Date de diffusion :
08 juillet 1973
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Personnalité(s) :

Éclairage

Dès le milieu du XIXe siècle, on dénombre déjà 126 embarcations de plaisance en Bretagne autour de deux pôles : Roscoff et Saint-Malo. Puis le sport nautique se développe dans toute la région : jusqu'aux années 60, des amateurs peu argentés pêchent et se promènent avec des bateaux économiques dérivés de petits voiliers de travail locaux. D'autres plus aisés s'offrent des voiliers capables d'affronter la mer et suffisamment habitables pour régater de port en port sur tout le littoral. Dès lors le développement du tourisme balnéaire et de la voile prépare la Bretagne à accueillir les infrastructures de la plaisance moderne.

C'est dans ce cadre qu'en 1972 est construit Port-la-Forêt, le port de plaisance de La Forêt-Fouesnant, dans le sud-Finistère. Abrité par la pointe du Cap Coz, au fond de la baie de La Forêt, Port-la-Forêt est aujourd'hui le deuxième port de plaisance breton. Surnommé dans le milieu de la voile la "vallée des fous", il est aussi devenu un important centre d'entraînement pour la course au large. C'est le port d'attache des navigateurs Michel Desjoyeaux et Jean Le Cam, ainsi que de plusieurs Formules 60, grâce aux infrastructures développées avec le centre d'entraînement de la course au large, autour du port de plaisance.

Cet aménagement portuaire s'était fait avec l'adhésion de la population. En revanche, comme nous le montre ce film, le projet de construire une marina sur un terrain gagné sur la mer a suscité l'opposition du Comité de défense des sites de la Forêt Fouesnant. L'action de celui-ci - plusieurs recours seront déposés - aboutira finalement au renoncement des autorités locales et des promoteurs. La Loi Littoral, votée depuis (en 1986), permet maintenant de mieux préserver le bord de mer des aménagements immobiliers.

Bibliographie :

- Bernard Cadoret, "Plaisance", dans Alain Croix, Jean-Yves Veillard, Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, éditions Apogée, 2000.

Sklaerenn Scuiller

Transcription

(Musique)
Journaliste
Les pieds dans l'eau à 10 000 francs le mètre carré, un programme de rêve pour les promoteurs, celui des marinas. Leur affection pour ces sortes de cités lacustres est compréhensible : elles peuvent rapporter dix fois les sommes investies. Une raison à cela ? Les terrains conquis sur la mer ne leur coûtent pas cher. Il n'en est pas de même pour la collectivité qui paye, elle, un prix exorbitant, à savoir la disparition progressive derrière des murs de béton de 3500 kilomètres de rivage, un capital qu'il s'agit de préserver. Songez-y : cela fait un peu moins de 7 centimètres de côte par Français. Aussi les pouvoir publics ont réagi : annulation du permis de construire à Saint-Raphaël, annulation, à Bormes-les-Mimosas, de la concession à charge d'endiguage. On ne pourra plus s'approprier aussi facilement une partie du domaine public, une politique qu'avait déjà définie le ministre de l'environnement, monsieur Poujade.
Robert Poujade
Le rivage de la mer doit être, d'une manière générale, à tout le monde, aussi bien en ce qui concerne son occupation qu'en ce qui concerne la vue. Il est tout à fait anormal que l'on construise au bord de la mer. On peut construire un peu en arrière du rivage, on ne doit pas construire sur le rivage. Et j'ajouterai que ce qui est à mes yeux le scandale des scandales, c'est de construire sur la mer.
Journaliste
Et pourtant, le scandale des scandales est en train de naître en Bretagne, dans la baie de Concarneau. A La Forêt-Fouesnant, une petite commune de 1800 habitants, où la mer épouse le rivage dans une succession de petites baies, on va construire une marina pour 20 000 personnes. Que des organismes officiels soient à l'origine de cette opération ne change rien à l'affaire. On retrouve toujours les mêmes acteurs : un maire dynamique, un promoteur qui attend le permis de construire et les architectes, en l'occurrence, des personnes de qualité qui ont apporté de nombreuses améliorations au projet initial.
(Musique)
Jean Le Couteur
Ce qui nous a été demandé partout, c'est d'essayer d'intégrer le plus possible cet ensemble. C'était d'ailleurs une demande sous-entendue de notre première mission, d'intégrer le plus possible cet ensemble avec ce paysage.
Journaliste
Abaissement du niveau des immeubles, suppression d'une tour, toit en ardoise, ces modifications ne changent pas la nature du projet. C'est bien une marina qui va s'implanter à La Forêt-Fouesnant, un programme immobilier qui s'articule autour de ports de plaisance qui fonctionnent déjà. Est-ce que vous n'êtes pas quelque peu gênés par les manifestations d'hostilité à ce projet, en particulier de certaines personnes qui habitent à La Forêt-Fouesnant ?
Jean Le Couteur
Non, je les comprends parfaitement. Moi, j'habite à Morgate. On m'a esquinté mon paysage devant moi, chez moi, qu'est-ce que vous voulez ? J'ai râlé. Pourquoi je ne râlerais pas ? C'est normal, ils ont raison. Seulement, ce n'est pas une solution de dire : " Allez faire ça ailleurs ". De toute façon, il faut le faire quelque part.
(bruits)
Journaliste
Est-ce que vous tenez compte de l'avis des gens qui sont contre ce projet ? Et qu'ont-ils obtenu jusqu'à présent ?
Henri Lerest
Eh bien jusqu'à présent, je ne pense pas qu'ils aient obtenu grand-chose en ce qui concerne l'essentiel de leurs revendications. Mais je pense, en ayant suivi le développement, la naissance, la vie de ce comité de défense, il est assez difficile de savoir exactement ce qu'ils souhaitent.
Habitante
Il est prévu des constructions de 4 étages avec rez-de-chaussée, donc 5 niveaux. Et les immeubles seront de, entre 18 mètres et 23 mètres 50 de hauteur. Nous demandons de faire un jardin sauvage sur l'îlot et de faire les constructions ailleurs.
Journaliste
En voilà une solution de rechange
Henri Lerest
C'est une solution de rechange en ce qui concerne l'îlot du [inaudible], mais personnellement, je n'y suis pas favorable pour plusieurs raisons. Si vous regardez le plan d'ensemble à échéance 10 ans de ces bassins du port de plaisance, vous voyez que la petite ville se trouve au centre de trois bassins et qu'il n'est pas possible, à mon avis, de concevoir le centre de vie du port ailleurs qu'au centre de ces trois bassins.
Journaliste
Est-ce vraiment impossible ? Jouer la carte du tourisme et en particulier du nautisme n'est pas un choix contestable. La Forêt-Fouesnant avait besoin d'un port de plaisance. La nouvelle station elle-même a le mérite de fixer la population estivale et d'éviter ainsi la prolifération de ce cancer qui ronge les côtes : la maison individuelle. Pouvait-on, cependant, construire sur la terre ferme ? Il ne semble pas que la question ait été posée.
Jean Le Couteur
Ce qu'il faut surtout, après, c'est qu'une opération, effectivement, qui est assez importante, eh bien, ne fasse pas tache d'huile et n'aboutisse pas comme sur la Côte d'Azur : à un développement sur toutes les côtes, et c'est bien ce qu'on a voulu c'est-à-dire que...
Journaliste
C'est un plaidoyer contre les marinas que vous faites, là ?
Jean Le Couteur
Je fais un plaidoyer contre les marinas répétées partout et n'importe où. Mais par contre, il faut en faire à certains endroits et les faire bien. C'est ce qu'on essaie de faire ici.
Journaliste
Vous savez que les marinas ont mauvaise presse, surtout en ce moment. On y voit l'action de promoteurs, des terrains peu chers parce que pris sur l'eau, etc. Alors pourquoi ne pas chercher plus particulièrement à développer certaines petites villes comme La Forêt-Fouesnant mais à partir du littoral ? Construire, si vous voulez, à 150 mètres du littoral, si les terrains qui sont en bord de mer ne sont pas libres.
Jean Le Couteur
Mais personne n'ira construire à 150 mètres à l'intérieur du littoral !
Journaliste
Pourquoi ?
Jean Le Couteur
Mais parce que personne ne... Tout au moins en ce moment, ça ne se vendra pas.