Le site gallo-romain de Jublains

03 juillet 1989
05m 20s
Réf. 00318

Notice

Résumé :

Le Centre Archéologique de Jublains relate l'histoire antique de l'Ouest. Cette ville gauloise a d'abord été peuplée par les Diablinthes. Puis la conquête romaine l'a transformé en Noviodunum. Préservée par l'Histoire, Jublains recèle des trésors.

Date de diffusion :
03 juillet 1989
Source :

Éclairage

Jublains (en Mayenne) est un site exceptionnel qui a fait l'objet de deux siècles et demi de recherche. Les premières recherches archéologiques, dues à Jacques Morice, curé de Saulges, remontent à 1735. Le site ne cessera d'être étudié par la suite jusqu'au début du XXe siècle, où il sera plus ou moins oublié. Mais en 1969, l'Etat et le département s'entendent pour former à Jublains un centre archéologique destiné à servir de dépôt de fouille et de salle d'exposition. En 1995, un musée qui présente les sites principaux de l'archéologie gallo-romaine en Mayenne est ouvert.

Le site est considéré comme le plus grand et le meilleur témoignage de l'époque gallo-romaine de l'Ouest de la France.

De 58 à 51 av. JC, César conquiert la Gaule et, dans les années qui suivent, les contacts se multiplient entre l'ancien monde celtique et les régions urbanisées du sud. La ville s'appelle alors "Noviodunum" ou "la ville neuve" et joue un rôle commercial important. Un ancien entrepôt fortifié, peut-être transformé au IIIe siècle en forteresse militaire, est l'élément le plus spectaculaire du site. Mais on y trouve également un théâtre romain, un castellum (fortin intégré dans une fortification) et des thermes remarquables (situées sous l'église du village).

A partir du IIIe siècle, la réorganisation des voies de circulation et des systèmes de défense va mettre la ville à l'écart ; elle perdra son rang de chef-lieu vers la fin du IVe siècle.

Martine Cocaud

Transcription

Journaliste
De nouvelles réalisations du centre archéologique de Jublains ont été inaugurées ce matin. Le département a décidé de faire de ce site de Jublains un symbole de sa politique culturelle et touristique. Le conseil général et l'Etat investissent plus de 10 millions de francs dans les années à venir. Christian Meyze nous présente ce site de Jublains.
Christian Meyze
Jublains, forteresse de la mémoire. Même le poids des siècles qui s'empilent n'est pas parvenu à étouffer le message des pierres. 2000 ans ont passé, mais Jublains se souvient encore qu'elle se nommait alors Noviodunum, la nouvelle citadelle, et qu'elle fut durant trois siècles avant Jésus Christ la cité d'un peuple gaulois au nom magique, qu'on dirait directement sorti d'une légende : les Diablintes. Jublains raconte encore la conquête romaine contemporaine de Jésus Christ, ainsi que les trois siècles tranquilles qui ont suivi, dans la giron de l'empire romain.
(Musique)
Intervenant
Le rôle de Jublains était un rôle de transit essentiellement. Jublains se trouve à une jonction de voies qui viennent surtout des côtes de la Manche. On connaît, sur le terrain, une voie venant d'Avranches, une autre de Vieux, près de Caen, et ces voies servaient notamment au ravitaillement de Rome à partir de la Grande-Bretagne, à partir des côtes... enfin, du nord de la Normandie ou de la Bretagne française. Et tout cela transitait à Jublains. Et la ville a vécu de ce trafic tout le temps où le trafic a été abondant et a pu se dérouler dans des conditions normales. C'est d'ailleurs les troubles du IIIe siècle qui ont bouleversé l'organisation romaine, et qui ont mis fin à cette circulation de produits, qui, par contre-coup, ont entraîné la disparition assez rapide de cette agglomération.
Christian Meyze
Au commencement surgit le temple, d'abord modeste lieu de culte dédié aux divinités gauloises, depuis le IIIe siècle avant Jésus Christ, lieu sacré d'entre tous, point de rencontre et de ralliement de populations dispersées, il était le symbole idéal auquel les Romains choisirent d'ancrer leur ville. Dès le Ier siècle après Jésus Christ, le temple gaulois laisse donc la place à un temple romain, plus grand, plus fier aussi, mais dont l'architecture intérieure se plie aux coutumes gauloises. Ici alors est née une ville. Et une ville, pour les Romains, c'est, après le temple, d'abord un théâtre. Celui de Jublains cache encore son secret. Initialement bâti sous une forme totalement circulaire au Ier siècle, il a disparu pour laisser place, dès le IIe siècle, à un nouveau théâtre, demi-circulaire cette fois. Qu'est-il arrivé ? Jublains s'en souvient-elle encore ? Peut-être. Ce dont la mémoire de Jublains est certaine, en tout cas, c'est que le théâtre et le temple formaient comme deux bornes, entre lesquelles s'étendaient, dessinée comme au cordeau, une ville de 3 à 4000 âmes, Noviodunum.
(Musique)
Intervenant
Les thermes sont un des éléments principaux de la vie urbaine chez les Romains. C'est même le lieu de loisir n°1, si vous voulez. C'est le lieu de la vie citadine, de la convivialité. Les Romains avaient un mode de vie, une organisation du travail qui fait qu'ils avaient beaucoup de loisirs, en fait. Pensez à l'esclavage. On y faisait à peu près de tout aux thermes : on s'y lavait mais aussi on y faisait du sport, les poètes venaient y réciter leur dernière oeuvre, les hommes politiques faire leur propagande, etc. C'était vraiment le haut lieu de la vie urbaine.
Christian Meyze
Mais ce symbole du raffinement de la civilisation romaine a connu un sort étrange. Dès le Ve siècle, sans doute parce que la forme de leurs fondations s'y prêtait, les thermes sont devenus soubassement de l'église médiévale. Et puis, un peu à l'écart de la ville antique, le plus orgueilleux des monuments de Jublains, le plus énigmatique aussi : sa forteresse. Seul bâtiment qui a défié les siècles à l'air libre, elle est longtemps apparue aux archéologues comme un édifice militaire à usage de défense du site. Plus prosaïquement, on a, aujourd'hui, la quasi-certitude qu'il s'agissait d'une sorte de perception centrale des impôts dans laquelle étaient stockées, à l'abri des murailles, les richesses en partance pour Rome. Citadelle administrative, donc, dont les proportions monumentales ne sont destinées qu'à rappeler la puissance de l'empire. Elle est, à elle seule, l'apogée de la ville et son déclin. Au IIIe siècle, la forteresse à peine terminée, Noviodunum cesse d'être une plaque tournante des routes de l'empire. La logique de l'histoire a balayé les murs les plus épais. Mais la mort de Noviodunum est, aujourd'hui, paradoxalement, la chance de Jublains. Car les villes romaines qui ont survécu à la chute de l'empire comme le Mans, Rennes ou Angers sont aujourd'hui de grandes villes. Leur mémoire archéologique s'est disloquée. Elle est désormais enfouie sous des siècles de constructions et de démolitions. Au mieux, quelques lambeaux resurgissent ici ou là, au hasard de grands chantiers. A Jublains, au contraire, tout est là quelque part, dans ces champs ou au fond des caves. Jublains, village né au Moyen-Âge, n'a jamais couvert que partiellement la surface de l'ancienne cité des Diablintes. Il suffit donc de chercher pour redécouvrir ce qui fut l'histoire d'une cité, certes, mais qui est aujourd'hui une étape de notre histoire commune d'Européens de l'ouest.
(Musique)