L'En Avant de Guingamp

04 septembre 1978
06m 52s
Réf. 00330

Notice

Résumé :

Le club de football, l'En Avant de Guingamp s'est fait connaître en 1973, lors de la Coupe de France. Depuis, ce club amateur poursuit son ascension en championnat et a accédé à la deuxième division en 1977.

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Date de diffusion :
04 septembre 1978
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Éclairage

L'En Avant de Guingamp (ou EAG) est un club de football breton fondé en 1912 par le directeur de l'école primaire supérieure de garçons, M. Deschamps. Né d'un patronage laïc, le club évolue longtemps à un niveau modeste, accédant toutefois à la Division d'Honneur en 1929. C'est alors que débute une série de bons résultats en coupe de France, de loin la compétition française la plus populaire du moment, qui connaît son point d'orgue à l'aube des années 1950 lorsque l'EAG a l'honneur d'accueillir les professionnels du FC Sochaux sur le terrain de Montbareil.

Il faut ensuite attendre le tournant des années 1960-1970 pour entendre de nouveau parler de Guingamp. Après un parcours fantastique des jeunes, en coupe Gambardella 1969, c'est véritablement l'arrivée à la présidence de Noël Le Graët qui marque un nouveau départ pour le club. Depuis, l'histoire du club est indéniablement liée à celle de son président. Arrivé en 1972 alors que le club est en DSR, Noël Le Graët fait progressivement de l'EAG un club professionnel - statut obtenu en 1984. Ce parcours commence par de nouveaux exploits en Coupe de France lors de la saison 1972-1973. Cette année là, Guingamp parvient en huitièmes de finale en battant successivement quatre pensionnaires de la deuxième division (Laval, Brest, Le Mans et Lorient). Le club continue sur sa lancée et enchaîne les montées jusqu'à la D2, atteinte en 1978. En 1991 a lieu un nouveau tournant dans l'histoire du club, puisque Le Graët quitte la présidence du club pour prendre celle de la Ligue Nationale. Il est remplacé par Bertrand Salomon.

Après des débuts difficiles et une descente en Nationale, l'EAG accède finalement à l'élite après deux montées successives et grâce à une génération de joueurs exceptionnelle, dont le futur champion du monde Stéphane Guivarc'h et son emblématique capitaine, "Coco" Michel. Durant cette décennie, Guingamp affronte l'Inter de Milan en 32e de finale de la coupe de l'UEFA (1996) et atteint la finale de la coupe de France en 1997, perdue face à l'OGC Nice. Mais, l'année suivante, le club redescend en seconde division. Il lui faut deux ans pour effectuer le chemin inverse. Puis l'EAG connaît une saison magnifique en 2002-2003, suite au retour de Noël Le Graët à la présidence du club et avec un duo d'attaque très efficace, Didier Drogba et Florent Malouda. Le club n'arrive pas à conserver la plupart de ses talents, contactés par des clubs plus "ambitieux" et, la saison suivante, le club descend à nouveau. Depuis, l'EAG végète en ligue 2, sans avoir véritablement convaincu ses supporters.

Pour autant, les "rouge et noir" représentent la plus petite ville, et de loin, à posséder une équipe professionnelle. Aussi, elle accueille dans son stade du Roudourou le plus grand nombre de spectateurs par rapport à sa population - respectivement 18 000 places et 8 000 habitants. Au-delà des péripéties sportives, ce phénomène souligne donc que la ville demeure bien, avant tout, la capitale de toute une petite région, la Bretagne nord.

Fabien Lostec

Transcription

Inconnu 1
Il est 7 heures, le scrutin est ouvert.
(bruits)
Journaliste
Monsieur, vous venez de voter. Il est 7 heures et 2 minutes. Pourquoi êtes-vous venu si tôt aujourd'hui ?
Inconnu 2
C'est la première fois que je viens voter si tôt parce que je vais au match à Rennes voir En Avant.
Journaliste
C'est pour ça que vous avez ce petit chapeau ?
Inconnu 2
Exactement.
Journaliste
Rappelez-vous. C'était le 11 mars 73. La France s'apprête à désigner un nouveau parlement. Mais en Bretagne, pour les sportifs, l'heure n'est pas à la politique. L'événement, c'est la coupe de France. En Avant de Guingamp, un club de DSR, totalement méconnu avant l'épreuve, affronte, en 1/8ème de finale, le FC Rouen, club de nationale 2. Pour la circonstance, 28 000 Bretons se sont donné rendez-vous au stade de la route de l'Orient de Rennes, mieux adapté que le stade guingampais pour faire face à l'affluence. Battu 0 à 3 au match aller, écrasé 5 à 0 à Rouen, le club du président Le Graët arrêtera là son incroyable ascension en coupe. En championnat, en revanche, c'est le début, pour les 11 Guingampais, d'une épopée à peu près unique dans les annales du football. Une épopée qui connaît son apogée l'an passé avec l'accession en deuxième division. Tout se passe alors très vite. Le nombre des supporters grossit à vue d'oeil. La petite cité bretonne se met peu à peu à l'heure du ballon rond. Mais au sein du club comme à la municipalité, chacun s'efforce de garder la tête froide.
Noël Le Graët
Guingamp est la plus petite commune de deuxième division. 10 000 habitants, c'est peu, mais je crois que nos mérites sont un peu plus grands et nous avons une grande fierté de jouer en Nationale 2.
Journaliste
Pour la municipalité, c'est quand même une belle aubaine ?
Gilles Crabouillet
Ah, je ne sais pas si on peut parler d'aubaine. Sur le plan de la renommée de Guingamp, certainement. Sur le plan des problèmes quotidiens, des petites tracasseries quotidiennes, dues à l'entretien du terrain, bon, on en prend notre part, on fait avec. C'est des soucis parce qu'il ne faut pas tomber dans l'excès d'un côté ou de l'autre, quoi.
Journaliste
Est-ce que l'En Avant de Guingamp n'a pas un peu monopolisé l'ensemble des activités sportives au détriment d'autres ?
Gilles Crabouillet
Non, je ne pense pas. Pour nous, c'est une équipe parmi les autres. Peut-être un petit côté de... un petit peu un faible, du fait que c'est quand même l'équipe phare de Guingamp, mais pour nous, c'est une équipe parmi les autres. Guingamp est une ville... une petite ville qui bénéficie d'un club de deuxième division, c'est vrai, mais malheureusement, on ne peut pas répondre aux espoirs du club comme on le voudrait, comme le souhaiterait le club.
Journaliste
Est-ce que En Avant Guingamp est un club riche ?
Noël Le Graët
En Avant Guingamp est un club à l'aise. Je crois qu'il est... on a un peu honte de dire, dans le football, qu'on est à l'aise. Tout ça parce que nous n'avons pas dépensé depuis 4 ou 5 ans. Encore une fois, je le rappelle, nous n'avons fait appel à aucun joueur extérieur.
Journaliste
Il n'y a pas de professionnel chez vous ?
Noël Le Graët
Tous nos joueurs sont amateurs, tous nos joueurs travaillent. Je considère que pour une ville comme Guingamp, c'est indispensable. Je crois que si demain, nous voulions mener une autre politique, ce serait une politique à court terme qui amènerait certains problèmes, surtout que les prix sur le marché restent beaucoup trop élevés. Dans les temps futurs, je crois que Guingamp doit garder les pieds sur terre, et mener la politique qu'il mène aujourd'hui pour le bien de ses 300 licenciés.
Journaliste
L'objectif, cette saison : un point par match. 4 matchs, 4 points après le nul d'hier à Blois, les dirigeants sont satisfaits, tout comme le nouvel entraîneur, René Cédolin, qui marque ainsi son retour en Bretagne. Pour l'ancien stadiste, c'est une découverte. A Guingamp, on joue au football pour le plaisir de jouer au football, et rien d'autre. Ici, les tracasseries financières n'ont pas cours. Pas de vedettariat : chacun gagne la même somme, 2500 francs par mois, et personne ne s'en plaint.
(bruits)
René Cédolin
L'ambiance, ici, est très bonne. Il y a un petit défaut, c'est qu'on ne se voit pas trop souvent, parce que les joueurs travaillant la journée, on ne peut s'entraîner que 3 fois par semaine et le soir entre 18 heures 30 et 20 heures.
Journaliste
Ça suffit ?
René Cédolin
Disons qu'il faut que ça soit compensé par un sérieux très important, tant dans l'entraînement que dans la qualité des repas, dans le sommeil et dans la récupération, quoi disons. Il faut donc que ces garçons-là, en dehors, aient une vie de professionnels.
Journaliste
Est-ce que vous n'avez pas quelques remords quand vous vous trouvez en face de joueurs, même de division 2, qui sont quand même, comme on le dit, grassement payés ?
Yvan Schmitt
Oui, enfin, les joueurs de division 2 qui sont grassement payés, ça, ce n'est pas tellement notre problème. Notre problème, nous, c'est d'être joueur d'En Avant, d'être parti d'un club qui n'était pas grand-chose, finalement, dans la hiérarchie régionale, et d'être venu, je pense, dans les trois meilleurs clubs bretons ou quatre meilleurs, quand même, dans les quatre clubs les plus huppés de Bretagne. Et j'avoue que les joueurs grassement payés des équipes adverses, qui peuvent même venir jouer à Guingamp, ce n'est pas mon problème ni mon souci majeur. Etre capitaine, c'est un honneur pour moi parce que ça fait 15 ans que je suis au club.
Journaliste
Oui, c'est une équipe que vous connaissez bien ?
Yvan Schmitt
Oui, c'est une équipe que je connais bien, c'est une équipe que je connais très bien, pour n'avoir connu que cette couleurs, rouge et noir.
Guy Stéphan
Pour moi, c'est un plaisir de jouer avec des footballeurs qui sont de la région, et qui ont, avant tout, un bon esprit, un bon esprit.
Journaliste
C'est une équipe de copains ?
Guy Stéphan
On peut le dire, une équipe de copains.
Journaliste
Contrairement à ce que l'on pouvait craindre, et c'est heureux, En Avant de Guingamp n'a pas monopolisé l'ensemble des activités sportives de la ville. Mais le football reste au centre des discussions quotidiennes. Et il ne se trouve pas un Guingampais qui ne sache où en est son équipe, une équipe formée tout naturellement avec des joueurs du cru.
(bruits)
Inconnue
C'est plus ou moins une petite famille pour nous parce que ça fait 10 ans qu'on suit, qu'on a suivi l'évolution et qu'on participe vraiment à part entière. Bon, quand ils gagnent, on est tous heureux, quand ils perdent, on est aussi malheureux qu'eux.
Inconnu 3
On ne parle que de ça.
Journaliste
C'est vrai ?
Inconnu 3
Ah oui.
Journaliste
Est-ce que ça a changé un peu la vie des Guingampais ?
Inconnu 3
Oui, je crois, surtout depuis qu'il y a les matchs en nocturne, hein. Avant, dimanche soir, il y avait beaucoup de monde à venir voir les résultats. Maintenant, ça commence... c'est le samedi, quoi. Samedi soir après le match, tout le monde attend les résultats des autres équipes de seconde division.
Journaliste
Ça fait l'affaire des cafés ?
Inconnu 3
Un peu de tout, oui.
Journaliste
Nationale 1, ça va être pour l'année prochaine ?
Inconnu 4
Non, faudrait même pas. Faudrait pas qu'on soit ridicules.
Yvan Schmitt
Je sais que En Avant est capable de se surpasser dans le moment où on s'attend le moins. C'est-à-dire que sa volonté, son enthousiasme, et puis quand même cet esprit qui règne parce qu'il faut bien parler de cet esprit de camaraderie, règne certainement à En Avant, et y soit pour de multiples raisons.
Journaliste
Alors à tout prendre, Rennes, Troyes, Guingamp ...?
René Cédolin
Disons que les objectifs sont différents, que Rennes, Troyes, ce sont des équipes qui ambitionnent à monter en première division et à devenir des grands du football. Guingamp se satisfait de cette place en deuxième division et espère la conserver le plus longtemps possible. Parce qu'il faut quand même l'avouer : pour une ville de 9400 habitants, c'est un bâton de maréchal.
Journaliste
La logique, bien sûr, voudrait qu'il en soit ainsi, mais qui sait ? A Guingamp, on en a vu d'autres. Et pour le football, que ne ferait-on pas ?