Ronan et Henri Caouissin

16 mars 1984
03m 30s
Réf. 00354

Notice

Résumé :

En 1952, les frères Caouissin fondèrent la société de production Brittia film. Henry et Ronan sont les pionniers du cinéma breton. Ils ont produit et réalisé des documentaires et des fictions, notamment Le mystère du Folgoët, réalisé en breton.

Type de média :
Date de diffusion :
16 mars 1984
Source :
Lieux :

Éclairage

Malgré une arrivée relativement tardive sur le sol breton, le cinéma a fait rapidement de la Bretagne une terre d'accueil. Les forains puis l'Eglise et les patronages ont contribué à la diffusion du cinéma en milieu rural, à côté de l'installation de salles de projection permanente des grandes maisons de productions parisiennes en ville. Outre la diffusion du cinéma, les opérateurs ce sont aussi très tôt intéressés à la Bretagne pour venir tourner des plans. Si beaucoup de films "carte postale" sont tournés avant la Première Guerre mondiale, c'est au début des années 1920 qu'émerge véritablement un cinéma sur la Bretagne. On peut citer le travail de Jean Epstein, mais aussi d'André Antoine, metteur en scène qui passe ses vacances à Camaret. Ils sont quelques uns à l'époque à réussir à capter le rapport si particulier des hommes avec la nature en Bretagne.

Après la Deuxième Guerre mondiale, beaucoup de réalisateurs élisent la Bretagne comme décor de leur film. Mais ces grandes productions françaises ne renouvellent pas le genre cinématographique, loin de là. Elles établissent plutôt un classicisme que l'on appelle "la qualité française". On doit noter cependant une expérience singulière dans l'histoire du cinéma breton à cette époque. Dans ce paysage, les frères Caoussin font figure d'espiègles aventuriers. Ils sont les premiers en Bretagne à s'intéresser à la chaine complète du film. En marge d'un cinéma officiel, ils proposent dans les années 1950 une entreprise artistique à part entière.

Les frères Caoussin sont nés dans une modeste famille à Pleyber-Christ dans le Finistère. Orphelins très jeunes, ils partent vivre à Paris, où ils font l'expérience politique du militantisme breton. Ils sont également très catholiques et imprégnés de la culture celtique. De retour en Bretagne, plusieurs des frères s'impliquent dans la publication bretonnante liée au mouvement catholique. Herry Caoussin est d'ailleurs le créateur de la première BD en breton. Outre ce travail éditorial, la famille Caoussin est amatrice de cinéma, notamment de l'œuvre de Jean Epstein. Après un rapide passage de Perig Caoussin au Caméra Club de Brest, les frères Caoussin se lancent dans le cinéma, leur manière d'éterniser les mythes culturels bretons. En 1951, ils créent une association loi 1901 qu'on peut considérer comme leur maison de production. Brittia film naît de l'envie de créer un cinéma breton autonome allant de l'écriture à la diffusion d'un film.

La première œuvre de cette entreprise familiale et artistique est réalisée en 1952. Le Mystère du Folgoët est la transposition d'un mystère du Moyen Age évoquant en une heure six siècles de l'histoire de la Bretagne. Le film reçoit un accueil enthousiaste du public breton. Si ce n'est certainement pas une réussite artistique, comme le notent plusieurs spécialistes, c'est en tout cas une aventure humaine incontestable. La participation de la population, le succès populaire du film en sont les signes évidents. Fort de ce succès, les frères Coussin continuent ce travail cinématographique. Après Le Mystère du Folgoët suit Le Meilleur de ma jeunesse diffusé en 1955. C'est à cause de ce film que la famille se retrouve endettée et l'entreprise compromise. Malgré ces difficultés, d'autres films seront produits, mais beaucoup plus confidentiels que leur premier film, qui symbolise l'œuvre des frère Caoussin.

Si l'expérience est courte, elle a le mérite d'être forte. Comme le souligne Jean Pierre Berthome et Gaël Naizet dans leur livre sur la Bretagne et le cinéma, cette aventure nourrit le fantasme d'une Bretagne filmée par les Bretons. D'autre part, on peut penser que Brittia Films a inspiré dans sa conception le travail que mènera dans les années 1970 René Vautier avec L'Union de Production Cinéma Bretagne (UPCB).

Bibliographie :

Jean Pierre Berthome, Gaël Naizet, Bretagne et cinéma, Rennes, Editions Apogée, 1995.

Tanguy Perron, Le Cinéma en Bretagne, Plomelin, Editions Palantines, 2006.

Soline Levaux

Transcription

Interviewer
Bonsoir. Eh oui c'est un flash-back, un retour en arrière que nous allons procéder dans Antenne ouverte ce soir. Il y a 32 ans en effet en 1952, naissait Brittia Films qui fut la première tentative d'une production cinématographique 100% bretonne. Herry, Ronan et Pierre Caouissin en étaient donc les fondateurs. Pendant quelques années, plusieurs court-métrages documentaires, historiques ou folkloriques seront tournés sur la Bretagne et surtout quelques oeuvres de fiction telles Le Mystère du Folgoët, basé sur la légende de Salaüne ar Fol, Le Meilleur de ma Jeunesse qui conte l'histoire de l'enfance de Théodore Botrel ou La Lune de Landerneau tourné en 1954 mais découvert seulement ou redécouvert seulement en 1983. Ce film a donc une petite histoire, on vous la contera tout à l'heure avec nos deux invités que vous découvrez maintenant Herry et Ronan, bonsoir tous les deux ! Les frères Caouissin comme on pourrait dire, pionniers du cinéma breton, comme vient de le dire Rozen. Vous avez peut-être inventé autre chose. Alors, vous avez oeuvré dans beaucoup de domaines artistiques sur la Bretagne ,que ce soit la bande dessinée, le théâtre, la littérature même, le roman-film, le roman-photo, mais c'est bien entendu le cinéma qui nous intéresse ce soir. Alors qu'est-ce qui s'est passé dans votre tête en 1952 quand vous avez décidé de fonder cette société, Brittia Films ? Qu'est-ce qui vous a poussé à faire çà ?
Herry Caouissin
Eh bien, qui nous a poussé, vous savez c'était déjà un virus, si on peut dire, qu'on avait depuis notre enfance, moi particulièrement, enfin nous deux surtout, et le cinéma forain... tout ça nous avait attiré, le cinéma pour enfants... [incompris], bien qu'on en avait pas, on ne pouvait pas en avoir et puis alors, également alors, eh bien l'exemple est tout de même de quelqu'un qui fut un des pionniers du cinéma, du cinéma du vérisme, c'est comme on le disait plus tard, c'est Jean Epstein, [incompris] du cinéma et qui lui, aux années 30, a produit alors, ses chefs-d'oeuvre, Finis terrae, L'Or des mers, Mor vran...
Interviewer
Des films superbes, muets la plupart du temps.
Herry Caouissin
Oui, et qui a commencé à faire un film, le premier film parlant breton, Chanson d'armor. Alors tout de suite, ça vous pensez, ça nous stimulait quoi, vraiment on a voulu marcher dans ce sillage. Et puis la guerre est arrivée, ça a stoppé beaucoup de choses. Et alors en 1950, il m'est arrivé - et personnellement j'ai eu cette chance - d'entrer dans l'équipe de Jean Delannoy pour Dieu a besoin des hommes avec Pierre Fresnay, Andrée Clément notre récitante.
Interviewer
Oui, on l'a vue tout à l'heure sur les affiches.
Herry Caouissin
Et là alors, évidemment j'étais sur le terrain, j'étais sur le terrain. Alors là, tout de suite j'ai appris beaucoup de choses énormément mais pour l'heure, se lancer dans l'aventure cinématographique, ce n'était pas encore une chose décidée.
Interviewer
Il a fallu que quelqu'un d'autre vous pousse, Jean Renoir.
Herry Caouissin
Ah oui, on hésitait, comme on dit en breton chez nous, du digui, c'est-à-dire on ne doit pas se jeter à l'eau quoi ! Et alors c'est Jean Renoir que je vois aux studios de Joinville, il tournait French Cancan avec Maurice Chevalier et Maria Félix, et je venais de voir son superbe Le Fleuve qu'il avait tourné aux Indes avec, comme opérateur, Claude Renoir qui était son neveu, et qui tenait par la peinture, si on peut dire, du grand Renoir. Alors je lui ai dit, mais écoute, pourquoi est-ce que vous ne faites pas un film sur la Bretagne dans le genre du Fleuve ? Et lui de me répondre, parce qu'il revenait d'Hollywood, il avait fréquenté les John Ford, les Flaherty, les Maureen O'Hara, et il me sort ceci, " mais non ce n'est pas à moi de le faire, il faut être gaélique, et vous parlez gaélique n'est-ce pas ?" Oui, je parle gaélique, enfin c'est-à-dire breton, oui c'est du gaélique, et pour lui c'est du celtique. Alors c'est à vous de le faire.