La centrale nucléaire de Brennilis

16 avril 1966
05m 43s
Réf. 00374

Notice

Résumé :

La commune de Brennilis dans les Monts d'Arrée a été retenue pour l'implantation de la centrale nucléaire, EL4. Ce site est idéal par sa réserve en eau, son sol, son terrain vaste et sans valeur. La région offre en outre une main d'œuvre importante.

Date de diffusion :
16 avril 1966
Source :

Éclairage

Au cours du XXe siècle, la demande en électricité n'a cessé d'augmenter, conduisant les scientifiques à chercher de nouvelles sources d'énergie ainsi que de nouveaux moyens de produire de l'électricité. La production d'électricité a d'abord été d'origine thermique et hydraulique. Mais les recherches menées sur la radioactivité dès la fin du XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle - notamment les découvertes d'Irène et de Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel de chimie en 1935 - ont permis de mettre à jour le potentiel du nucléaire. Un gramme d'uranium fournit autant d'énergie que trois tonnes de charbon. En France, un Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) est crée en 1945. Celui-ci entreprend la construction de plusieurs réacteurs dits de première génération, dont celui de Marcoule en 1956. Au début des années 1960, le CEA décide d'expérimenter un nouveau procédé fonctionnant à l'eau lourde.

Brennilis, commune finistérienne située dans les Monts d'Arrée, est choisie pour accueillir ce nouveau réacteur d'une puissance de 70 mégawatts. La construction de l'usine débute en 1962. Baptisé EL4, ce réacteur a été exploité conjointement par la CEA et EDF entre 1967 et 1985.

Ce reportage de 1966 est l'occasion de revenir sur le fonctionnement de cette usine, mais surtout de voir l'accueil qui est réservé à l'implantation de cette centrale nucléaire par les habitants de Brennilis. Les différentes personnes interrogées expriment toutes les espoirs suscités par la construction de cette usine qui va permettre selon eux de redynamiser la région et d'éviter le départ de nombreux jeunes. Pendant son fonctionnement, la centrale a employé jusqu'à deux cents salariés et elle a fourni en électricité l'équivalent de 4% de la consommation actuelle de la Bretagne. Mais le procédé à l'eau lourde est progressivement abandonné à partir de 1971 au profit du système américain PWR plus performant et moins onéreux.

Depuis 1985 l'usine nucléaire de Brennilis est en phase de démantèlement. Mais l'énergie nucléaire reste l'une des sources de production d'électricité les plus utilisées au monde (environ 17% de l'électricité mondiale). En France, elle fournit 78% de l'électricité utilisée sur le territoire, faisant de ce pays l'un des plus dépendants de cette énergie.

Bibliographie :

Mary Byrd Davis, La France nucléaire : matières et sites, Paris, Wise Paris, 2002.

Jennifer Gassine

Transcription

(Musique)
Journaliste
Brennilis, un petit bourg au coeur même de la région désolée des Monts d'Arrée. Une herbe rase, quelques touffes d'ajonc recouvrent les pentes dénudées qui descendent vers le lac. Au loin, la vénérable chapelle qui coiffe le Mont Saint Michel de Braspart, image enfouie, car sur un autre sommet, celui de Roch Trédudon, la fine aiguille de l'antenne de l'ORTF, signe des temps modernes, le progrès est venu, et ici même à Brennilis, longtemps figé dans son passé, se préfigure l'avenir. La construction d'EL4, la centrale nucléaire des Monts d'Arrée s'achève. Mais qu'en pense-t-on dans le petit bourg breton ?
(Musique)
Habitant
Tout le monde était content lorsqu'on a annoncé le... qu'on allait installer une usine à Brennilis. Le pays était pauvre, les jeunes s'en allaient. Et actuellement ils ont trouvé tout de même du travail.
Habitant 2
Ça fait du bien au pays. Et maintenant il n'y a plus de chômage.
Habitant 3
Rien que du bien. Ca donne du boulot ce truc là.
Habitante
Eh bien, je trouve que ça fait beaucoup de bien pour le pays, pour le travail parce qu'on avait beaucoup besoin.
Habitant 4
Je pense que c'est une très bonne chose pour la région, pour Brennilis et pour tous les environs, quoi.
Habitant 5
Oh, ça fait un peu de changement dans le secteur, quoi puisque, autrement, c'était mort.
Journaliste
Le pays se mourait. Certes oui. Et l'on n'y rencontre plus guère, de nos jours, les célèbres colporteurs marchands de toile dont Brennilis était la petite patrie en même temps qu'ils étaient sa seule richesse. Les vélos, avec ou sans moteur, les camions et les cars chargés d'ouvriers ont donné un nouveau visage au pays. L'architecture nucléaire lui donne de nouvelles dimensions. Mais pourquoi l'implantation de cette nouvelle centrale ?
Spécialiste
Eh bien la France a des besoins croissants en électricité. Nous consommons, aujourd'hui, 100 milliards de kilowattheures par an, nous en consommerons, dans 10 ans, 200 milliards, et je crois que tout le monde admet, aujourd'hui, qu'une part importante de cet accroissement sera assurée par de l'électricité d'origine nucléaire.
Journaliste
Alors pourquoi précisément avoir choisi le site des Monts d'Arrée, ce site que nous voyons là, sous nos yeux ?
Spécialiste
Bien sûr l'électricité que nous allons produire sera extrêmement bénéfique. Je crois au développement industriel de cette région. Et c'est un point, vous savez, qui préoccupe beaucoup de personnes. Sur le plan technique, nous avions un certain nombre d'impératifs à résoudre, recherche d'eau en particulier. Le réservoir Saint Michel nous assure cette eau. Recherche d'un sol également très résistant. Vous voyez la lourdeur des bâtiments que nous avons à construire. Le granit breton a fait le nécessaire. Et puis nous avions également besoin d'un terrain assez vaste, sans agglomération notable, et qui ne soit pas, par ailleurs, d'une trop grande valeur au point de vue agricole. Nous avons trouvé tout cela ici. Nous savions également que nous trouverions une main d'oeuvre de valeur en Bretagne. Et je dois dire que, depuis, l'excellent accueil que nous avons trouvé dans cette région ne nous a absolument pas fait regretter le choix que nous avions fait.
Journaliste
A propos de cette enceinte de béton, peut-on la visiter ?
Spécialiste
Bien sûr, je vous y invite. Nous allons nous rendre dans cette enceinte. Je crois qu'il va falloir que nous prenions un certain nombre de précautions. Nous faisons ici une mécanique de géant mais tout de même dans des conditions de laboratoire et nous allons prendre, au fond, le costume du laboratoire, la blouse blanche, les sur-bottes blanches qui nous permettent d'assurer une très grande propreté. Ce n'est pas du tout une question de sécurité, c'est une question de propreté.
Journaliste
Pour construire l'enceinte étanche à radier parasismique, il a été mis en oeuvre 25 000 tonnes de béton précontraint, 300 tonnes d'armature, 50 kilomètres de câble d'acier dur. Pour les ouvrages accessoires, il a fallu 40 000 tonnes de béton. L'ensemble a nécessité un million d'heures de travail aux ingénieurs et aux ouvriers. Au coeur de ce gigantesque coffre fort, EL4, c'est-à-dire la quatrième pile française à eau lourde, la première destinée à produire de l'électricité de cette façon.
Ingénieur
L'eau lourde est vraiment le meilleur milieu dans lequel puisse se produire la fission nucléaire. Ces propriétés intéressantes de l'eau lourde se traduisent d'abord par le fait que nous pouvons employer, dans cette pile, de l'uranium que nous appelons naturel, c'est-à-dire de l'uranium directement sorti du sol et non pas traité chimiquement comme on le fait par exemple à Pierrelatte. Ceci est évidemment un grand avantage de simplicité et de coût. Par rapport aux piles à graphite, l'eau lourde permet deux choses : d'une part, une réduction de la taille des réacteurs. Vous avez devant vous le coeur du réacteur qui fait à peu près cinq mètres de dimension, ce qui est, évidement, beaucoup plus faible que les grands réacteurs à graphite qui font quinze ou vingt mètres de côtés. Mais surtout le point important, c'est que ce type de réacteur nous permet d'économiser l'uranium.