Yves Rocher à la Gacilly

26 juillet 1978
05m 14s
Réf. 00388

Notice

Résumé :

Yves Rocher, chef d'entreprise et maire de La Gacilly dans le Morbihan, fait prospérer son village natal grâce à son industrie cosmétique. Apprécié de ses administrés, son succès lui vaut cependant quelques critiques.

Date de diffusion :
26 juillet 1978
Source :
TF1 (Collection: IT1 20H )
Personnalité(s) :

Éclairage

Ce film réalisé en 1978 rend gloire à l'action d'Yves Rocher, natif de La Gacilly. Bâtie sur un concept qui se révèlera extrêmement porteur - celui des produits naturels, et sur la vente par correspondance - l'entreprise de cosmétiques créée dans les années 50 va prendre une envergure internationale. Ce projet, au départ celui d'un homme entreprenant, est devenu à la fin du XXe siècle un groupe présent dans une vingtaine de pays, qui occupe près de 15 000 employés dans des activités diversifiées (marque Petit bateau par exemple) mais dans lequel la cosmétique reste majoritaire. Le géographe Michel Philipponeau en a fait un exemple du développement industriel des petites villes de l'intérieur de la péninsule bretonne.

La Gacilly (Morbihan), chef-lieu de canton d'une région agricole peu prospère jusqu'aux années 1970 a largement bénéficié et bénéficie encore des retombées de l'esprit d'initiative de celui qui a été son maire de 1962 à 2008. Les activités de l'usine construite en 1968 ont en effet permis de stabiliser la population, qui sinon aurait fui comme celle des autres bourgs de la région. De plus, plusieurs projets menés par le maire ont fait de ce bourg situé sur les bords de l'Oust et qui ne manque pas de charme avec son petit port et ses rues pentues, un centre touristique. Comme le signale ce film, on s'y rend pour faire "le circuit des artisans" mais également pour visiter le jardin botanique (Végétarium) ou pour participer depuis 2004 au festival de photo "peuples et nature" organisé en septembre. Le bourg qui devait sa notoriété au végétal s'est entièrement converti à l'idéologie du naturel !

Le film au ton très déférent évoque sans s'y arrêter des critiques émises en catimini. La concentration des pouvoirs économiques et politiques d'Yves Rocher qui a été maire pendant 46 ans, mais également conseiller général en 1982 et conseiller régional en 1992 a, dès les années 70, inquiété certains qui y ont vu une volonté paternaliste. Ces craintes sont à analyser dans le contexte des années 70 : les campagnes du pays de Redon semblaient alors surpeuplées et l'avenir des jeunes dépendait du potentiel industriel des villes - de celui de Citroën à Rennes en l'occurrence. La population peu revendicatrice se satisfaisait de salaires plus modestes que la moyenne nationale et était reconnaissante envers toute initiative lui permettant de rester au pays. L'installation de syndicats n'était perçue comme souhaitable ni par la direction ni par la majorité des employés.... Yves Rocher a su cristalliser ce potentiel autour de son projet.

Martine Cocaud

Transcription

Roger Gicquel
Pardonnez-moi, je suis amené maintenant à vous parler de mon pays de prédilection, le pays gallo, comme on dit en Bretagne avec une petite ville très charmante, La Gacilly, honorée l'an dernier par un Ministre de l'industrie, monsieur d'Ornano, à l'époque, parce que cette ville a reçu le prix de l'expansion régionale et de la qualité de la vie. En dehors de l'affection que je porte à cette ville, j'ai deux raisons supplémentaires de vous présenter le reportage sur La Gacilly réalisé par Alain Chaillou, (un natif de là-bas, lui aussi d'ailleurs), c'est un lieu privilégié pour les vacances, croyez-moi, et son maire est un personnage que vous connaissez tous par la publicité qu'il fait à ses produits. C'est Yves Rocher - pommade, eau de toilette, bain moussant, etc. Yves Rocher est parti de rien, comme on dit à La Gacilly et ailleurs. Il s'est jeté dans l'aventure du commerce et de l'industrie, comme pas mal de Bretons entêtés que je connais, et il a réussi. Depuis, forcément, on le critique, on le caricature, on le chicane, on ironise à son propos. Les gens sont jaloux. D'un autre côté, il est inévitable qu'on conteste à Yves Rocher, le droit d'être, à la fois un empereur du cosmétique et un enfant du pays régnant sur sa ville, d'où le reportage d'Alain Chaillou.
(Musique)
Alain Chaillou
A 50 km de Rennes et de Vannes, au débouché de l'Aff, une rivière paisible, cernée par des collines couvertes de pinèdes, de jeunets et de mégalites, La Gacilly est aujourd'hui un gros bourg de 2000 habitants aussi fleuri que florissant. Hier pourtant, ce village, comme tant d'autres, dépérissait doucement et sûrement. S'il a pu ainsi, en 15 ans, devenir un îlot de prospérité dans une région malade de la crise, c'est en grande partie, grâce à l'action d'un homme, Yves Rocher, et d'une entreprise qui porte son nom. 48 ans, timide, mais farouchement énergique, fils d'un simple marchand de tissu, maire de La Gacilly depuis 62, réélu avec 80% des voix en 72 et en 77, Yves Rocher voit trois raisons à sa réussite.
Yves Rocher
Eh bien, tout d'abord je répondrai, je crois, à mon amour de la nature. Et puis ensuite, à un certain esprit d'entreprise. Et puis, pourquoi pas, à la ténacité bretonne ?
Alain Chaillou
Yves Rocher, c'est 380 millions de chiffre d'affaires, 5 filiales à l'étranger, 500 produits de beauté à base de plantes, 1400 personnes dans l'usine de La Gacilly. A l'origine de ce succès, une recette confiée au petit Yves, par une guérisseuse. Celle d'une pommade contre les hémorroïdes qu'il a l'idée de fabriquer dans son grenier et de vendre par correspondance en dépit d'innombrables tracasseries judiciaires et des ricanements des imbéciles. Et de là, vient l'essor du village.
Yves Rocher
Il est certain que je suis arrivé à un moment ou l'émigration rurale jouait à plein, et que de 1600 habitants au début du siècle, La Gacilly était descendue progressivement à 1100, et serait très probablement à 1000, et que la création d'une industrie employant de la main-d'oeuvre en nombre assez important, ici, a contribué à fixer les gens sur place, et à augmenter sa population qui a pratiquement doublé en l'espace d'une dizaine d'années.
Alain Chaillou
Dès 72, une vingtaine d'artisans sont venus s'installer à La Gacilly. Monsieur le Maire avait mis gratuitement et pour deux ans à leur disposition des maisons achetées par la commune. Un franc succès qui attire beaucoup de monde. La Gacilly, grâce au laboratoire de cosmétologie, se place en France juste derrière Saint-Tropez pour le produit de la taxe locale par habitant. Ce revenu a été bien employé, notamment pour doter la commune d'un équipement socioculturel et sportif exceptionnel. Alors bien sûr, rares sont ceux qui, au pays, osent critiquer ouvertement Yves Rocher. Même les syndicats de l'usine se montrent étrangement discrets.
Monsieur Dannard
Rocher, il fait beaucoup de bien à La Gacilly, il faut être franc. Il amène de l'ouvrage, il y a du travail, bon, les gens sont contents.
Alain Chaillou
"J'ai trop de travail, je n'ai pas de temps à perdre, dit Yves Rocher, avec les critiques, et je méprise les calomnies". Lui qui habite un manoir superbe au nord du village paraît pourtant agacé lorsqu'on murmure qu'il est un des derniers féodaux de France et qu'il est le seigneur de ces lieux. "L'argent, affirme-t-il, ne m'a pas tourné la tête, croyez-le bien".
Yves Rocher
Pour tous, le sort est le même. Quant à moi, je suis à peu près certain d'une chose : c'est que j'ai de bonnes chances, je serai probablement le plus riche du cimetière de La Gacilly et c'est ainsi que ça se terminera.
Alain Chaillou
En attendant, on peut s'interroger sur cette réussite qui est en fait celle d'un seul homme. A La Gacilly, on ne le fait pas. Parce qu'on a gardé l'âme paysanne, on attache d'importance qu'à la réalité des choses. Et la réalité, c'est qu'au pays, on ne vit pas mal du tout. Peu de communes peuvent en dire autant.
Raymond Boterf
On a entendu toutes sortes de critiques, mais ceux qui critiquent le plus souvent ce sont ceux qui ne vivent pas à La Gacilly, ceux qui viennent de l'extérieur. Vu de l'extérieur, vu par Paris ou ailleurs, on dit : "C'est ceci, c'est un faux mécène, c'est ceci, c'est cela". Il faut vivre un peu à La Gacilly, il faut voir le village, quelle expansion il prend, il faut voir un peu aussi la vie que l'on a à La Gacilly, où les gens se plaisent, on aime bien. Moi, je suis un de ceux-là, je me plais bien.