Parler Gallo

04 mai 1977
12m 30s
Réf. 00449

Notice

Résumé :

A Moncontour, dans le pays du Méné, on parle encore gallo. Région charnière entre la culture bretonne et française, le pays gallo a reçu différentes inaluences culturelles. Ce pays entretient cependant ses propres traditions et sa propre identité.

Type de média :
Date de diffusion :
04 mai 1977
Source :

Éclairage

Dès le XIVe siècle, les actes du Duc de Bretagne Jean IV opposent une Bretagne gallophone et une Bretagne bretonnante. Cette dualité linguistique, qui remonte au Haut Moyen-Âge et qui se met en place au moment de la conquête bretonne en Armorique, sépare cette région en deux zones selon une ligne Paimpol-Vannes. Le breton, d'origine celtique, est parlé en Basse Bretagne et le gallo, d'origine latine mais incorporant des mots gaulois ou bretons, est pratiqué en Haute Bretagne.

En 1977, date de diffusion du reportage, le gallo - dont le nom d'origine bretonne signifie "étranger" et qui désigne de façon générale ceux qui ne parlent pas breton - est en déclin notable. L'imposition progressive du français - entreprise dès le XVIe siècle avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui stipule que le français sera désormais la langue des actes officiels - a conduit à une marginalisation du gallo. Celui-ci ne compte aujourd'hui plus que 30 000 locuteurs. Il se maintient essentiellement en milieu rural et chez les anciens. Mais, comme le montre le reportage, le gallo n'est pas seulement une langue. C'est aussi une culture, des traditions et un folklore qui se transmettent de génération en génération. Les contes - comme par exemple la légende de l'Ankou - et les chants contribuent à perpétuer le parler gallo et la culture gallèse dans les communes rurales de Haute Bretagne.

Depuis les années 1980, on assiste à un regain d'intérêt pour cette langue. Le parler gallo a perdu son caractère complexant et il n'est plus assimilé à une mauvaise manière de parler français. Les signes de ce regain sont multiples. Tout d'abord, depuis 1983, le gallo est devenu une option facultative de langue au baccalauréat. Il est actuellement enseigné dans sept collèges et dans sept lycées publics de l'académie de Rennes ainsi que dans les IUFM (Instituts universitaires de formations des maîtres) de Saint-Brieuc et de Vannes. Des dictionnaires de gallo ont également vu le jour. Le premier dictionnaire bilingue, Le Motier, a été édité en 1995 et le dernier publié en 2007 - Le petit Matao de Régis Auffray - compte 25000 entrées.

Ce regain d'intérêt est également perceptible à travers la création de nombreuses associations multipliant les initiatives afin de promouvoir cette langue. Les Amis du parler gallo, devenu en 1983 Bertaèyn Galeizz, sont par exemple les instigateurs du festival Mill Goll à Rennes. Enfin, la reconnaissance officielle du gallo est peut-être le meilleur signe de ce regain d'intérêt. En 2004, le Conseil régional de Bretagne a reconnu officiellement l'existence du gallo (et du breton) comme langue de la Bretagne au côté du français. Toutefois, malgré ses nombreuses avancées, le gallo reste dans une position moins favorable par rapport au breton. A titre d'exemple, le Conseil Général du Morbihan a installé des panneaux en breton dans tout le département, mais pas un seul en gallo.

Jennifer Gassine

Transcription

(Musique)
Journaliste
Le pays du Méné est un pays de landes, de bois, de ruisseaux. Notre film s'intitule "Parler Gallo". C'est donc en gallo que nous vous présenterons cette région.
(Musique)
Journaliste
[gallo]
(Musique)
Journaliste
Moncontour de Bretagne. Ses étroites rues en pente, ses maisons à encorbellement, ses vieux hôtels patinés par le temps, "Mais le parler gallo ?" me direz-vous. On y arrive, puisque le décor est planté en Méné.
Intervenant
Il est une région limite, une région charnière puisque c'est la rencontre de deux cultures : de la culture bretonne, bretonnante et également de la culture romane, et ensuite de la culture française. En plus, le Mené, lui, se trouve à, disons, une trentaine de kilomètres de la limite linguistique, si bien que c'est encore dans cette région où on a parlé breton assez tardivement. Effectivement, ça reste une région charnière.
(Musique)
Intervenant
Pour comprendre ce qu'est le gallo, il faut absolument faire une petite page d'histoire. Résumons-nous. Dans les premiers siècles de notre ère, il y a eu Jules César, tout le monde en a entendu parler. Il est venu en Gaule. Et pendant 400 ans, ma foi, c'était la paix. Ils avaient colonisé à peu près toute la Gaule, la Bretagne aussi, bien que certains coins ont dû rester un peu à l'écart. Chute de l'empire romain, IVe, Ve siècle (je ne suis pas un universitaire historien), l'invasion barbare. Tout le monde vient de l'Est. La structure gallo-romaine est détruite. Les Goths, les Visigoths, etc., les Huns, tout le monde arrive, chassent les habitants de bord de mer du Nord (Hollande, Danemark, etc.) qui viennent, eux, dans la Grande Bretagne. Cette grande Bretagne, les Bretons voient du monde arriver, il n'y a plus de place, prennent le bateau et arrivent en Armorique. Donc vers le Ve, VIe siècle, les Bretons conquièrent l'Armorique. Ils vont la conquérir et l'occuper jusqu'au XIIe siècle, et la conquérir et l'occuper linguistiquement jusqu'au XIIe siècle. Nous y sommes toujours, au XXe siècle, mais il y a eu une évolution linguistique qu'à partir du XIIe siècle. Le roman, c'est-à-dire le vieux français, la langue d'Oïl, a peu à peu avancé et fait reculer la zone de parler breton jusqu'à une ligne actuellement, qui va de Paimpol, donc dans le nord des Côtes du Nord jusqu'à Vannes. Je schématise. Et on a donc cette zone, entre la ligne, disons, Vannes Saint-Brieuc et puis Nantes, Redon, Fougères ou Saint-Malo qui a parlé breton et qui, actuellement, parle le gallo.
Intervenant 2
Il y a un accent qui est très marqué, quoi. Et il y a la façon de concevoir les choses qui change un peu.
Intervenant
C'est une langue qui a donc la particularité d'avoir gardé certains mots bretons, beaucoup de noms de village gardent le nom breton, qui a gardé donc les traditions bretonnes.
Intervenant 2
La tradition, ça tenait une grande place et ça tient encore une place ici. Mais enfin là aussi, ça s'atténue. C'est dommage d'un certain côté, et d'un autre côté, ce n'est pas plus mal non plus, parce qu'on était peut-être un peu trop esclave de la tradition, quoi.
Intervenant
Moi, j'ai entendu dans mon enfance, qui n'est pas encore bien loin, des histoires de [Cherio de la Mole], des histoires de [Faisoutssa], des choses comme ça, donc qui sont tout simplement les mêmes légendes que la légende de l'Ankou. Ils sont exactement presque dans les mêmes termes sauf qu'ils sont exprimés dans un autre langage. On trouve, dans certaines chansons, certains airs à danser à peu près les mêmes modes, les mêmes modes musicaux. On trouve... Disons, au point de vue pas, cette région, ici, est plus riche puisque c'est une région métisse, une région charnière. Donc on a récupéré un certain nombre de danses françaises, un certain nombre de choses qui se dansaient en Bretagne bretonnante. Donc on a ici... et je connais une commune, où, dans la seule commune, on dansait, et il y a, disons, 50 ans, 7 danses, et que des gens, encore, connaissent.
Musicien
Ah ah !
(Musique)
Musicien
Ah ah !
Intervenant
Il n'est pas étonnant de rencontrer des gens, actuellement, qui ne veulent plus parler patois, qui ne veulent plus entendre parler de vieilles danses, qui ne se sentent plus Bretons. On leur a tellement dit qu'ils étaient Français, et comme ils n'avaient pas une langue spécifique, (donc c'est là qu'on retrouve l'importance de la langue qui transmet une culture), donc... Et alors on a eu, donc, un moment donné, pendant 50 ans, plus rien. Et quelques personnes ont commencé à s'intéresser, dans le pays gallo, à la tradition.
Musicien
Quand j'arrive dans une maison, comme j'ai un rayon d'action pas mal étendu, eh bien, je le fais exprès, bientôt, de converser en patois.
Intervenant 2
Un jour, il y a un ami qui est venu là et qui a parlé à ma femme, parlé patois uniquement, un gars qui connaissait surtout le patois mieux que le français. Il parlait patois. Et alors les jeunes, eh bien, le regardaient et impossible de comprendre quoi que ce soit. Et alors, à tel point qu'ils ont dit à leur mère, après : « Mais quelle langue il parle ? ».
Intervenant
On nous a appris à parler d'une certaine façon pour, disons, égaliser. On a voulu qu'on se ressemble tous de Nice à Brest ou de Dunkerque, j'allais dire Tamanrasset mais disons Bayonne. On a voulu que tout ce monde-là se ressemble alors que nous, on a le droit à la différence.
Intervenant 2
Il y a une culture, il y a des coutumes, il y a des moeurs qui sont très particulières à cette région-ci, quoi. Et oui, actuellement, on sent que ça ressort et c'est normal, un peu, que ça ressorte aussi bien que ce qui a existé dans le pays bretonnant, quoi.
Musicien
Monsieur le curé de [incompris]. Ah ah !
(Musique)
Intervenant
Quand je suis allé à l'école primaire, je parlais mon langage maternel et affectif. On me disait : « Tu parles mal ». Dire à un enfant de 5 ans qu'il parle mal, ce langage qu'il parle avec sa mère, avec son père, lui dire que c'est mal... On trouve drôle, après, que les paysans soient complexés. Moi, ça ne m'étonne pas. Incruster des principes, comme ça, dans la tête d'un gosse, moi, j'en ai souffert. Moi, j'en ai souffert parce qu'on m'a dit. Or moi, je continue à parler patois gallo tous les jours avec mes voisins. Là, je parle... Disons, quand je suis avec des gens de la ville, je parle le langage des gens de la ville. Chez moi, avec mes parents, je ne parle que patois. Et j'estime que c'est une impolitesse de leur parler français.
Musicien
[gallo]
Intervenant
Quand je parle avec mon père du blé, du bois, de la terre, je ne peux pas lui en parler en français. On ne trouve pas les mots. On ne trouve pas les mots qui arrivent à dire ce qu'on sent, ce qu'on a dans les tripes. Moi, j'estime que c'est suffisant.
(Musique)
Musicien
Sacristain, confessez les filles, Sacristain, confessez-les bien.
(Musique)