L'exploitation de la terre

La révolution agricole en Bretagne à partir des années 50 s'est traduite par le développement et l'industrialisation du secteur agronomique. L'amélioration de la productivité conduit au fil des ans à l'émergence du modèle breton. L'autre versant de cette mutation, c'est l'abandon des techniques rurales traditionnelles telles que le fauchage et par là même, l'inévitable transformation des paysages.

Parmi les milieux menacés en Bretagne, les landes, qui progressivement ne sont plus exploitées par les agriculteurs dans le cadre de la polyculture-élevage, figurent en ligne de mire. Ainsi, 50% hectares de landes ont disparu au cours d'un siècle dans la région. Se partageant entre les communes du Cloître-Saint-Thégonnec, de Plougonven et de Scrignac, les landes de Cragou, affleurement rocheux des Monts d'Arrée, sont elles aussi vouées à disparaître à partir des années 60, en conséquence de l'évolution des pratiques d'élevage. Face à la menace qui pèse sur ce milieu naturel, divers acteurs réagissent alors.

La fondation du « Parc Naturel Régional d'Armorique » (PNRA) en 1969 illustre l'émergence d'une réflexion en termes de sauvegarde et de valorisation de ce territoire. Second parc naturel créé en France, il répond d'une part à l'objectif d'assurer la défense du patrimoine naturel des zones habitées en vue de sa préservation et de sa valorisation et d'autre part à favoriser le développement local. Le PNRA englobe alors sur son vaste territoire la diversité de paysages et de milieux, répartis du littoral finistérien jusqu'aux Monts d'Arrée.

Puis, c'est en 1985 qu'est créée sur le site des landes du Cragou une réserve biologique par la « Société pour l'Etude et la Protection de la Nature en Bretagne » (SEPNB). Fondée en 1953 par deux professeurs passionnés par la nature et également soucieux de sa préservation, Michel-Hervé Julien et Albert Lucas, la SEPNB est la plus ancienne association régionale de protection de la nature. Dans les Monts d'Arrée, en plus des landes du Cragou, elle prend en charge la gestion de deux autres réserves biologiques, les landes du Vergam et la Tourbière du Venec, qui sont des propriétés du Conseil Général. C'est sous la houlette de l'association que se développe alors une véritable réflexion en matière de préservation de la réserve biologique et du milieu spécifique qu'est la lande.

Environnement façonné par l'homme au cours des siècles, les landes dépendent de l'activité humaine, en particulier du déboisement et du défrichage réalisés dans le cadre du développement agricole. Afin de sauvegarder le milieu, la SEPNB fixe l'objectif de restituer l'usage traditionnel de ces landes, en opposition à un projet de plantation de résineux sur le Cragou. Des mesures de l'ordre de l'expérimentation, rendues possibles par la concertation entre les agriculteurs et les naturalistes vont alors progressivement voir le jour. Le pâturage des animaux et la fauche régulière assurent ensemble le maintien des landes. C'est pourquoi, en 1990, la SEPNB réintroduit d'une part les animaux domestiques en pâturage extensif sur la lande, garantissant l'ouverture du milieu à de nombreuses espèces animales typiques et d'autre part des espèces végétales qui poussent sur un sol pauvre et acide - traditionnels bruyères et ajoncs mais aussi très rares plantes carnivores (les sphaignes et les orchidées).. Parmi les animaux domestiques, les poneys Dartmoor et les vaches nantaises ont été élus pour participer à la restauration de l'entretien des landes. Autres mesures agro-environnementales, la fauche par les agriculteurs est incitée par des aides financières.

Le Conseil régional montre aussi son soutien dans l'action menée sur le site en lui décernant en 2009 le label d'"Espace remarquable de Bretagne". Les landes du Cragou forment le premier site du Finistère à se voir attribuer cette distinction. L'action collective menée depuis plus de 20 ans dans les landes du Cragou en termes de maintien de la biodiversité et de conservation du paysage bénéficie par cet intermédiaire d'une importante reconnaissance.

Pauline Jehannin - CERHIO – Université de Rennes 2