Le remembrement à Plumelec

05 novembre 1965
04m 54s
Réf. 00257

Notice

Résumé :

Cinq ans après que sa commune ait engagé le remembrement, le maire de Plumelec fait le point. Le bilan est positif, le remembrement facilite l'exploitation et permet de meilleurs rendements. A Saint Allouestre, en revanche il a été refusé.

Type de média :
Date de diffusion :
05 novembre 1965
Source :

Éclairage

Remembrer, c'est aménager les structures d'exploitation afin de privilégier le regroupement des terres agricoles d'une même exploitation. L'opération était pratiquée depuis longtemps de façon individuelle mais après la Seconde guerre le remembrement prend une autre envergure car il devient une exigence collective face à la nécessaire modernisation des campagnes. Il concerne l'ensemble d'une commune et il est organisé dans le cadre de la loi.

Le bocage breton, composé de multiples parcelles encadrées par des haies sur talus, comme on l'aperçoit rapidement sur une vue de l'ancien cadastre, est particulièrement concerné par l'opération. Plumelec, commune pilote, commence son remembrement en 1953.

Nous avons retenu plusieurs documents concernant cet aménagement rural car cela a été - et cela reste en partie - un phénomène choc qui a fait naître des points de vue extrêmement divergents. L'intérêt de celui-ci, tourné en 1965, est la vision optimiste qui s'en dégage. Le remembrement est perçu par les témoins comme indispensable : grâce à lui, les productions évolueront (un agriculteur évoque son rôle sur la révolution fourragère et l'expansion de l'élevage), les conditions de vie s'amélioreront (les clôtures électriques remplaceront les bergères) et l'exode rural cessera...

Le dernier cultivateur interrogé témoigne toutefois des conflits nés de cette opération : des communes ont refusé d'être remembrées (la commune prenait collectivement une décision puis chaque propriétaire devait l'accepter). Ont-elles repoussé la modernisation ? Les dernières images, souvenir d'un temps révolu, semblent le supposer.

Sur le même thème, avec d'autres points de vue, Le remembrement à Plumelec.

Martine Cocaud

Transcription

Journaliste
Cinq Colonnes était déjà venu dans ce village du Morbihan, Plumelec. C'était il y a 5 ans, très exactement en janvier 1960, et à cette époque là Plumelec était la commune pilote du département pour le remembrement. Pierre Dumayet avait alors interrogé le maire, monsieur Brunel, qui lui avait dit en guise de conclusion quelles étaient à son avis les conditions du succès du remembrement.
Monsieur Brunel
Ce que nous voudrions, c'est que il reste tout de même à la campagne des jeunes gens et des jeunes filles, intelligents, parce que je, nous croyons, nous, sincèrement, qu'il est peut-être plus difficile aujourd'hui de faire un bon cultivateur que de faire un ouvrier d'usine par exemple ou un manoeuvre.
Journaliste
Le remembrement ne paraît pas avoir retenu à la terre tous ceux qui avaient décidé de partir. Mais ceux qui sont restés se félicitent aujourd'hui de cette opération. En fait, à quoi a abouti le remembrement à Plumelec ? A concentrer les 27 000 parcelles de 20 ares en moyenne, qui existaient autrefois, en 3 200 parcelle d'1 ha 20 en moyenne.
Monsieur Brunel
Le remembrement, c'est un problème assez complexe, enfin il a, il apporte des avantages à tout le monde, même les plus défavorisés vont être gagnants. Il y a surtout 2 grands avantages. Il y a la facilité d'exploitation, qui dans bien des cas est améliorée de 100%. Et il y a quand même un rendement accru parce que les talus, nous avons arasé environ 600 km de talus dans la commune. En superficie absolue, les propriétaires sont peut-être légèrement perdants, mais en superficie cultivable, ils sont tous gagnants. La superficie des talus arasés représente environ dans la commune 400 ha.
Journaliste
Est-ce qu'on peut dire que le remembrement a donné une nouvelle vocation à votre région ?
Monsieur Brunel
Oui, autrefois - encore à l'heure actuelle dans certains villages -, on faisait surtout de la polyculture. Mais je crois que la tendance à l'heure actuelle est plutôt à l'élevage, c'est d'ailleurs la vocation naturelle du département. A part peut-être la région de Pontivy qui est quand même le grenier du département. Mais ici, incontestablement, on a avantage à faire de l'herbe, de la viande et des produits laitiers.
Journaliste
Et alors expliquez moi pourquoi vous pouvez faire de l'herbe et de l'élevage maintenant, alors qu'avant vous ne pouviez pas ?
Monsieur Brunel
Autrefois euh les parcelles étaient tellement petites, tellement émiettées qu'il était presque impossible d'avoir un cheptel en permanence sur ces parcelles. A moins de consacrer la vie du, d'une femme ou d'une fille à garder les bêtes toute la journée. A l'heure actuelle, la superficie moyenne des parcelles est suffisamment grande. Nous pratiquons ce qu'on appelle le pâturage tournant ; c'est-à-dire la rotation des pâturages. On recule le berger électrique, tous les jours, pour donner aux bêtes de l'herbe fraîche. C'est un avantage, parce que évidemment les bêtes, elles cherchent toujours à avoir la pointe de l'herbe.
Journaliste
En quittant Plumelec et son maire, nous nous sommes rendus dans une commune voisine, la commune de Saint Allouestre. Nous avons voulu savoir pourquoi, parmi les quelques 260 communes du Morbihan, certaines ont refusé d'être remembrées, comme c'est le cas pour Saint Allouestre.
Ancien maire
Nous avons déjà été sur le point d'être remembrés en 1960 et, tout était prêt au départ, alors, alors nous allions commencer et il y a eu quelques intérêts personnels qui se sont manifestés, un peu d'égoïsme, je pense, qui ont ameuté une partie de la population, et puis il y a eu une petite révolte et puis ça s'est, tout est retombé. Le premier pré, le plus près que j'ai de chez moi est à 150 m.
Journaliste
Et le plus éloigné ?
Ancien maire
De chez moi ? Dans les 2 km.
Journaliste
Savez-vous que parmi toutes les communes du département, il n'y en a que 5% qui refusent d'être remembrées.
Ancien maire
Ben non, je ne croyais, je ne savais pas qu'on était tout de même arrivés à un tel point de retard, malgré que nous avons encore essayé, vous voyez, une deuxième fois de remembrer en 1960, alors que j'étais encore maire, si vous voulez que je le dise. Ça a été la même chose que la première fois. Il a été fait une propagande qui a duré pas mal de jours.
Journaliste
Est-ce la raison pour laquelle vous n'êtes plus maire ?
Ancien maire
Oui, j'ai été écoeuré de voir tout ça et j'ai quitté.
(Bruits)