L'agriculture bretonne et l'Europe

06 juin 1989
02m 56s
Réf. 00271

Notice

Résumé :

La Bretagne est la première région agricole d'Europe. Son agriculture excédentaire a bénéficié du marché européen. Cependant, la PAC (Politique Agricole Commune) peut engendrer des difficultés pour les agriculteurs bretons.

Date de diffusion :
06 juin 1989
Source :
FR3 (Collection: Rennes soir )

Éclairage

En 1962, devant la nécessité de nourrir la population éprouvée par la guerre, la Communauté européenne a décidé la mise en place d'un premier paquet de mesures agricoles communes pour les six pays européens fondateurs. Ces mesures aboutiront le 1er juillet 1967 au marché unique des céréales, du porc, des oeufs, de la volaille, des graines oléagineuses, suivi en 1968 de celui du lait, de la viande bovine et des produits transformés à base de fruits et légumes.

De 1962 à 1984, la PAC met en place une politique de prix garantis pour un certain nombre de produits, ce qui devait assurer aux exploitants un prix d'achat minimum de leur production, indépendamment de l'évolution des cours mondiaux, et idéalement permettre aux exploitants de percevoir un revenu minimum stable.

Le coût du système et l'augmentation des productions qui a entraîné une surproduction du lait et du porc a abouti à une réforme de la PAC en 1984. Elle s'oriente vers la stabilisation des produits. Ceci induit leur limitation, d'où par exemple la mise en place des quotas laitiers. Pendant ces années, la production laitière française est réduite de plus de 12% et les campagnes connaissent une baisse des effectifs d'actifs de 60% (200 000 producteurs quittent la filière).

La volonté de réduire les productions garanties est, par ailleurs, confirmée par la création, au cours du Conseil européen de Bruxelles du 12 février 1988, des "stabilisateurs budgétaires" : chaque grande production se voit soumise à une limite quantitative, tout dépassement entraînant ipso facto une réduction du prix d'intervention.

Le monde paysan gronde et manifeste (mouvements de 1984 suite à la mise en place de montants compensatoires protégeant des pays à monnaie forte). L'interview a été réalisé à la fin de cette période. L'intérêt de l'Europe verte y est défendu sans nuance, alors que de nombreux syndicats agricoles - les paysans-travailleurs, la confédération paysanne (crée en 1987), le MODEF (mouvement des exploitants familiaux crée en 1959) - remettent en cause la nouvelle orientation de l'Europe, qui leur parait céder aux intérêts du commerce international.

Martine Cocaud

Transcription

Jean-Marc Levaillant
Dans la grande mosaïque des régions d'Europe, l'agriculture bretonne est aujourd'hui plus proche de l'Europe du Nord que de la Beauce. Et ces 30 glorieuses, elle les doit à ses 320 millions de consommateurs et à la politique agricole commune.
Intervenant
La Bretagne, comme la France, pays excédentaire en agriculture, avait tout intérêt à se tourner vers ce marché de 320 millions d'habitants pour exporter ses produits. Et d'ailleurs, l'organisation européenne a quand même permis de nous aider à trouver des débouchés, nous a aidé aussi à travers diverses aides, pour que nos agriculteurs puissent donc, et leurs industries agroalimentaires, trouver des débouchés extérieurs.
Jean-Marc Levaillant
Côté revers de la médaille à présent. 1984, les quotas laitiers mettent en difficulté les petits producteurs. La politique agricole commune génère aussi des distorsions de concurrence par la TVA et les montants compensatoires et un accroissement de la concurrence intracommunautaire. L'Europe verte, c'est par ailleurs une dure réalité, liée à une agriculture intensive, diversifiée, avec des excédents.
Intervenant
Il y a des agricultures, des agriculteurs avec des agricultures dans des régions différentes, et dans des économies différentes. C'est ça toute la complexité du problème. Mais ça n'est pas nécessairement incompatible.
Jean-Marc Levaillant
Il y aura toujours des excédents aussi ?
Intervenant
Vraisemblablement, comme il y aura parfois aussi des, il manquera parfois des productions. Parce que nous avons un métier qui est soumis aux aléas climatiques, nous sommes à la merci bien sûr d'excédent et de stocks. Ca a été le cas pendant longtemps, pendant un certain nombre d'années. Mais nous sommes aussi à la merci d'une sécheresse par exemple, ou de tout autre facteur climatique dans le monde, pas simplement en Europe, mais dans les autres pays du monde et dont nous en sub, nous en subissons les conséquences.
Jean-Marc Levaillant
Première région agricole avec 130 000 actifs, la Bretagne assure aujourd'hui 12% de la production nationale. Numéro un dans de nombreux secteurs, son premier marché naturel reste l'Europe. Et pour garder sa position de leader, plusieurs défis sont à relever dans le cadre d'une politique européenne de l'environnement, alors que la guerre des normes bat son plein dans les couloirs de Bruxelles, et en améliorant ses techniques et la qualité de ses produits. Enfin, l'agriculture bretonne aura plus que jamais besoin de l'Europe dans le cadre d'un marché mondial.
Intervenant
Il y a globalement beaucoup plus d'avantages, parce que nous sommes exportateurs en agriculture, parce que nous sommes excédentaires, et que c'est le marché, et que c'est l'avenir. Sur le plan mondial notamment, où des Etats comme la France ou l'Allemagne ou l'Angleterre ne peuvent pas faire le poids à l'égard de pays comme les Etats-Unis ou le groupe de Cairns, et que cette Europe a intérêt à se consolider pour être compétitive dans les discussions, notamment au GATT et ailleurs.
Jean-Marc Levaillant
Et face à la commission européenne qui assure l'exécutif sur la base de soucis budgétaires, agriculteurs bretons et européens revendiquent un contre-pouvoir qui prendrait mieux en compte leurs réalités, le Parlement européen aujourd'hui jugé par eux trop frileux.