L'Amoco Cadiz

16 mars 1978
02m 18s
Réf. 00296

Notice

Résumé :

Une marée noire touche à nouveau les côtes bretonnes. Un pétrolier, l'Amoco Cadiz, s'est échoué hier au large de Portsall dans le Finistère. Malgré les importants moyens mis en oeuvre, la pollution est importante.

Date de diffusion :
17 mars 1978
Date d'événement :
16 mars 1978
Source :
TF1 (Collection: IT1 20H )

Éclairage

Affrété par la société Shell pour transporter 223 000 tonnes de pétrole léger et 4 000 tonnes de fuel lourd provenant d'Arabie Saoudite et d'Iran destinés au marché de Rotterdam, l'Amoco-Cadiz, est un pétrolier géant de 330 mètres de long, immatriculé au Libéria, mais appartenant à la Phillips, compagnie de Chicago dont le siège est aux Bermudes.

Le 16 mars 1978, alors que la mer est très formée, le supertanker connaît une panne de gouvernail non loin des côtes bretonnes, à l'entrée sud de la Manche. Le commandant stoppe les machines et demande de l'assistance. Contacté, l'armateur de Chicago refuse cependant l'offre d'assistance payante proposée par un remorqueur allemand, le Pacific. Les négociations se poursuivent alors que l'Amoco, poussé par un fort vent d'ouest, continue de dériver vers les côtes bretonnes. Quatre heures plus tard, le Pacific commence à tirer le pétrolier, en vain. Les vents dépassent 130 kilomètres à l'heure et les creux atteignent 7 à 8 mètres. Un peu plus de onze heures après sa panne de gouvernail, l'Amoco échoue sur les hauts fonds au large de Portsall ; il se brise de nuit à 21h55, alors que l'équipage est difficilement évacué. Les jours suivants, les cales du navire laissent s'échapper près de 230 000 tonnes de pétrole.

En quelques jours, ce sont près de 360 kilomètres de côtes, de Brest à la baie de Saint-Brieuc, qui sont pollués. Des centaines de millions de poissons et d'invertébrés meurent asphyxiés ou empoisonnés de même que des dizaines de milliers d'oiseaux. Pour faire barrage à cette marée noire, un dispositif impressionnant est mis en place : le plan Polmar ("Pollution maritime") est déclenché par le ministre de la Culture et de l'Environnement. Des produits "dispersants" mais toxiques pour la faune et la flore sont épandus, un barrage flottant de 11 kilomètres est installé ; le fuel est aspiré par les pompiers, auxquels se joignent des milliers de bénévoles pour nettoyer les côtes polluées. Deux ans d'effort sont nécessaires pour effacer une grande part des traces de la marée noire, et au total, moins de 10% du pétrole déversé par l'Amoco a été récupéré.

La bataille juridique ne faisait quant à elle que commencer. Les villes et les villages touchés, 90 collectivités au total, se sont regroupées dans un syndicat mixte de défense et de protection des communes bretonnes. Ce syndicat, l'État, et la Société pour l'étude et la protection de la nature en Bretagne (SEPNB), se sont associés pour assigner devant la justice américaine le propriétaire de l'Amoco et son constructeur. Le 18 avril 1984, le tribunal de Chicago attribue la responsabilité principale de l'accident à la société Amoco Corp et une responsabilité partielle aux chantiers navals qui ont construit le supertanker. Le 24 janvier 1992, la cour d'appel de Chicago condamne finalement la société Amoco Corp à verser 1 045 millions de francs à l'État français et 212 millions au syndicat mixte.

Le naufrage de l'Amoco Cadiz a révolutionné le droit maritime à l'échelle internationale. Pour la première fois au monde, une compagnie pétrolière a été reconnue responsable et coupable. Toutefois, les préjudices écologiques n'ont pas été pris en considération. Depuis, des mesures ont été prises au niveau de la navigation : le trafic a été repoussé au large par la mise en place du "rail d'Ouessant". Aussi, une meilleure coordination et centralisation des moyens de prévention et de protection a été mise en place, des centres de stockage et de barrages antipollution ont été créés et le FIPOL (Fonds international d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) a été fondé.

Bibliographie :

- Joël Cornette, Histoire de la Bretagne et des Bretons, tome 2, Paris, Seuil, 2005.

Sklaerenn Scuiller

Transcription

Roger Gicquel
Bonsoir. Ah ! Vraiment nous sommes trop gâtés et ça commence à suffire. Nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons des pétroliers au large et qui s'échouent sur nos côtes bretonnes, pour abîmer ce que nous avons de plus beau et ruiner la saison des pêcheurs. Nous ne sommes pas loin du record du monde de la pollution depuis ce matin, de la pollution marine en tout cas, avec ce pétrolier libérien dont l'armateur est américain et l'équipage italien, et qui s'est échoué sur les récifs, à 2 kilomètres au large de Portsall sur la côte du Finistère, la côte nord du Finistère. 15 kilomètres de côte seraient déjà pollués. Les fonds marins, les parcs à huîtres sans parler de sites touristiques sont touchés, ou gravement menacés par la marée noire qui s'écoule lentement, paraît-il, mais sûrement de deux des cuves du pétrolier. Ce pétrolier, c'est l'Amoco Cadiz. C'est le quatrième à endommager la Bretagne en onze ans. Avant lui, il y a eu le Torrey Canyon, l'Olympic Bravery, le Boehlen. Il circule en permanence 140 pétroliers de plus de 200 000 tonnes sur toutes les mers. Et la Bretagne en a assez d'être la côte de ces naufrages de ces gros bâtiments, le dépotoir de pétrole brut. L'Amoco Cadiz a eu une avarie de gouvernail hier matin. C'est imparable sur un tanker de cette taille. Un remorqueur est venu à son secours mais les filins ont cassé. La tempête a drossé le bâtiment sur les récifs. Depuis, c'est l'Etat major de crise contre la pollution. Les gens de la côte sont au désespoir : ils veulent qu'on mette le feu au pétrolier, mais ça ne détruirait que 20 à 30% du pétrole contenu dans ses flancs. On a mis en place des barrages flottants. On envisage tous les moyens de lutte contre la marée noire mais les récifs empêchent les bateaux d'intervenir comme on le voudrait. Le bateau est coupé en deux depuis ce matin. Il va falloir pomper sans doute. L'équipage a été évacué. Pas de victime. Le capitaine italien pleurait. Les Bretons aussi pleuraient, encore plus que lui. J'ai appris, cet après-midi, que si les pétroliers passaient si près des côtes, dans un passage réputé difficile depuis toujours, c'était pour des questions de rentabilité. Les armateurs se refusent à effectuer le détour qui s'imposerait. Il y a des moments où il faut choisir et se montrer ferme, n'est-ce pas ?. Bref, c'est insupportable, ça dépasse l'entendement. Les images que vous venez de voir ont été prises très tôt ce matin par Alains Darchy à bord d'un hélicoptère de la marine nationale. Ce sont les toutes premières.