Le théâtre de poche de Hédé

30 décembre 1976
11m 39s
Réf. 00349

Notice

Résumé :

A l'initiative de deux comédiens, Michel Estier et Bernard Libault, un Théâtre de Poche voit le jour à Hédé, commune rurale d'Ille et Vilaine. Ce projet a reçu le soutien de la municipalité et rencontre un vif succès auprès de la population.

Type de média :
Date de diffusion :
30 décembre 1976
Source :
FR3 (Collection: Terroir 22 )

Éclairage

Si la télévision régionale consacre un reportage sur la décentralisation culturelle à Hédé, c'est que cette commune a connu à la fin des années 1970 une aventure culturelle singulière. C'est sur une demande de l'association de l'ADEC (Art Dramatique Expression Culture) que pour la première fois en 1973, Bernard Libault et Michel Estier prennent contact avec la Bretagne. Tous les deux sont comédiens danseurs à Paris. L'ADEC a pour mission de développer et d'aider la création du théâtre amateur dans tout le département d'Ille et Vilaine. L'association veut proposer aux troupes amateurs de ce département des formations de qualité, des outils de création artistique de valeur pour aider à renouveler le théâtre amateur en milieu rural. Bernard Libault et Michel Estier sont séduits par le dynamisme et les possibilités qu'offre le théâtre amateur. Après plusieurs contacts avec différentes municipalités, les deux artistes s'installent finalement à Hédé, où ils créent en 1974 la Compagnie Ballet Théâtre Libault-Estier. Le théâtre de Poche, au centre du village sert de lieu de répétition pour les créations de la compagnie. Le Ballet Théâtre Libault-Estier propose toute l'année un travail de formation, mais aussi un travail de sensibilisation au théâtre dans les écoles des alentours. La compagnie se produit aussi dans toute la région. Le point culminant de cette riche saison se situe en été. Chaque année un festival est organisé sur quelques jours. Des professionnels du théâtre, de la danse, de la musique, se retrouvent à Hédé pour présenter leur création. L'organisation du festival s'appuie sur une forte mobilisation et participation des habitants du village. Ce rendez-vous est une véritable fête où la communauté se retrouve autour d'une effervescence artistique. La municipalité et le syndicat d'initiative soutiennent fortement l'opération et voient dans le festival de Poche une source de développement économique et une image culturelle positive pour la commune. Ce rendez-vous annuel rencontre un vrai succès public. Malheureusement, chaque année il est remis en cause par le manque de financement. L'expérience s'arrête au début des années 1980, le festival ne peut plus être financé.

Cette brève expérience artistique amène à quelques réflexions sur le dispositif de la politique culturelle de la France à la fin des années 1970. Le reportage insiste sur la notion de décentralisation. C'est sans doute parce que les principaux acteurs de cette expérience, Bernard Libault et Michel Estier sont venus de Paris s'installer en province. C'est aussi parce que ce sont des professionnels du spectacle vivant et qu'ils amènent avec eux un certain nombre de pratiques artistiques auxquelles la commune de Hédé n'est pas habituée. Pourtant, il ne s'agit pas d'une véritable décentralisation, mais plutôt d'une initiative locale soutenue par la municipalité. Cette implantation n'émane pas d'une décision administrative de l'Etat ou des collectivités locales. La création du théâtre de Poche a lieu avant les années 1980 et les lois Defferre qui vont transférer des pouvoirs, notamment en matière culturelle, aux régions. Le terme de décentralisation acte donc une pratique plus qu'une décision administrative. Cela n'empêche pas le festival d'être montré comme un étendard, particulièrement par la télévision régionale qui chaque année fait un reportage sur le festival. Le succès public, le soutien de la municipalité et du syndicat d'initiative démontrent d'ailleurs qu'il est perçu par les autorités locales comme un moteur pour le développement économique et culturel. Pourtant, il n'y a pas de soutien financier à l'échelon supérieur des collectivités territoriales. Ce manque de moyen pour une telle initiative met en exergue un déficit institutionnel patent de l'époque. En région la décentralisation théâtrale est active depuis les années 1950, mais avant les années 1980, les initiatives locales, particulièrement en milieu rural, sont encore fragiles.

Bibliographie :

Annie Bertrand, L'animation théâtrale en milieu rural, Clermont-Ferrand, Annie Bertrand, 1984.

Soline Levaux

Transcription

(Musique)
Comédien 1
Autrefois on avait des bouffons, maintenant, on a des knouks.
(Bruits)
Commentateur
A vingt minutes de la capitale bretonne, sur l'axe Rennes - Saint Malo, une commune : Hédé. 1500 habitants depuis sa fusion avec Bazouges et Saint-Symphorien, une vocation essentiellement rurale, un bourg sans histoire bâti autour des ruines de son château médiéval. Plus que le calme et la verdure à proximité de la concentration urbaine, il fallait un autre atout à Hédé pour en faire son renom. Le hasard a voulu qu'un jour de 1973, deux comédiens venus de Paris, Michel Estier, Bernard Libault, demandent asile dans cette localité, la réponse fut positive. Quelques mois plus tard...
Comédien 1
" La beauté, la grâce, la vérité de première classe je m'en savais incapable, aussi j'ai pris un knouk.
Comédien 2
Un knouk ?
Comédien 1
Et il y a bientôt soixante ans que ça dure, eh oui ! Bientôt soixante. On ne me les donnerait pas, n'est-ce pas ? A côté de lui j'ai l'air d'un jeune homme non ? Chapeau !"
(Bruits)
Commentateur
En quelques mois le théâtre de poche de Hédé s'impose, la presse s'en empare, le démarrage est néanmoins difficile, pour tenter une telle entreprise il fallait en vouloir.
Monsieur Barenton
Je leur ai fait confiance et je crois que j'ai bien fait de mettre ma confiance, j'ai été suivi par le Conseil municipal dans sa totalité.
Commentateur
C'était un risque à prendre ?
Monsieur Barenton
C'était un risque à prendre mais je crois que les conseillers municipaux des trois communes d'ailleurs ont senti, c'était valable et, c'était une tentative à faire.
Commentateur
Le démarrage a été lent mais pour vous est-ce que vous pensiez tout de même arriver si vite à ce succès ?
Michel Estier
Eh bien... oui, c'était assez lent. Arriver assez vite au succès, enfin comme on dit toujours pour une entreprise, que ce soit une entreprise commerciale ou autre, il faut toujours trois ans de toute façon pour arriver à des résultats et encore là, bon, il y a des résultats intéressants mais il y a un autre, maintenant, l'autre passage à faire, les trois années qui suivent.
Bernard Libault
Le démarrage n'a pas été lent au niveau du public.
Michel Daniel
Voilà trois ans on ne s'imaginait pas qu'ils étaient capables de faire autant qu'ils font maintenant.
Commentateur
Il y a eu un premier festival, un deuxième et le troisième, c'est là que ça a explosé.
Michel Daniel
C'est là que ça a explosé, c'est sûr. Il appelle un quatrième qui déjà, on le sait, sera sensationnel.
(Musique)
Jean Dasté
J'admire beaucoup que des jeunes gens, des danseurs professionnels qui ont prouvé leur talent s'éloignent comme ça de la grande ville et se consacrent à essayer d'éveiller un village, un grand village, je trouve ça très très courageux, et je crois que c'est une preuve aujourd'hui de la vitalité du théâtre, le théâtre vit c'est-à-dire qu'il avance.
Spectateur 1
Cette excellence, ça me semble très intéressante, mais la question qu'on pourrait se poser, est-ce que les pièces qui sont jouées à Hédé répondent vraiment aux besoins du milieu rural ? Est-ce que les gens qui se déplacent au théâtre de poche de Hédé sont de la région d'Hédé ou plutôt de la région de Rennes ?
Michel Estier
Nous avons 50% du public de Hédé et de la région qui vient au spectacle. Sur une ville de 800 habitants qui est Hédé, par exemple, nous avons 150 à 180 personnes de Hédé qui viennent une fois par mois au spectacle. Quelle est la ville, si ce n'est Paris, Marseille ou Lyon qui peut dire d'avoir un tel pourcentage ?
Commentateur
130 places, quelques rangées de gradin installées dans les anciennes halles de Hédé, c'est là le théâtre de poche dans lequel se côtoient les habitants de la localité, le public de Rennes et de la région.
Guy Tudy
Si, en effet, on faisait un petit peut le bilan, si on arrivait à analyser le public qui se trouve là, il n'y a pas que des gens de la ville, il y a des gens d'ici et c'est un petit peu ce que tout le monde souhaite, enfin sur le plan artistique, sur le plan culturel c'est-à-dire le phénomène de décentralisation s'est ainsi fait et je crois que ça s'adresse à... ce genre d'expérience s'adresse à tout les publics, et les gens, je crois, ont bien compris cela.
Agriculteur
Peut-être pour nous ça nous dépasse un petit peu pour comprendre tout l'art qu'ils ont, mais c'est intéressant quand même, d'une façon ça donne une activité.
Habitante
Je les trouve très bien, c'est la première fois que je viens, je les trouve très biens, c'est de bons acteurs, ils jouent très bien.
Commentateur
Ça vous plait ? Oui ça me plait.
Habitant
Au départ, ils ont vu principalement de la danse et depuis un moment, je crois qu'ils ont essayé d'attirer tout le monde et ils ont changé, ils ont plutôt fait de la comédie, j'ai été les voir jeudi soir c'était vraiment comique, marrant.
Commentateur
Ça vous plait ?
Habitant
Ah oui alors ça me plait, surtout que j'aime le théâtre d'avance.
(Musique)
Monsieur Barenton
Au point de vue notoriété maintenant, Hédé, que l'on disait autrefois un petit pays perdu, est connu sur le plan départemental, sur le plan régional, même sur le plan national. Sur le plan culturel, parlons-en quand même, je crois que c'est bénéfique autant pour les adultes que pour les adolescents.
Commentateur
Vous avez déjà emmené, par exemple pour les marionnettes vos élèves ?
Instituteur
On a eu une fois l'occasion l'année dernière, on a eu envie d'aller voir Perlette goutte d'eau avec les enfants. Très bien d'ailleurs.
Comédiens
" On s'ennuie ici, j'ai bien envie d'aller faire un petit tour sur la terre. Les autres gouttes d'eau s'écrièrent toutes ensembles : Oh ! Ne fais pas ça Perlette, c'est de la folie !".
Commentateur
Est-ce qu'à votre avis ça a changé quelque chose dans la vie de Hédé ?
Michel Daniel
Pour les commerçants, oui. Pour les commerçants ça a changé quelque chose, ça a apporté quelque chose.
Commentateur
Ça vous a apporté de la clientèle ?
Commerçante
Ah oui ! Beaucoup, il y a une clientèle vraiment formidable, très très sympathique, très facile à servir.
Habitant 2
Le théâtre de poche ça nous amène du monde, ça nous amène... ça fait le commerce, ça fait tout, c'est très bien.
Habitante 2
Ecoutez, le pays comme ça est un petit peu...
Commentateur
Partagé ?
Habitante 2
C'est ça !
Commentateur
Vous vous sentez concerné par le théâtre de poche ?
Habitant 2
Mais bien sûr ! Qui donc qui ne se sentirait pas concerné voyons ?
Commentateur
Bien il y en a quelques-uns, il y a quelques hédéens qui ne sont pas toujours satisfaits.
Habitant 2
Oh écoutez ! Si vous voulez faire plaisir à tout le monde alors, je ne sais pas, ce n'est pas possible. Alors mordieu, ceux qui ne sont pas contents, ben ! Laissons-les ! Et puis travaillons avec eux quand même, c'est tout !
Michel Daniel
On a déjà fait beaucoup de travail mais tout reste à faire. Tout reste à faire parce qu'en fait on sait très bien que ce n'est pas du jour au lendemain qu'on arrive à mettre sur pied une action culturelle comme celle-ci, et, en fait, bon ben ! Il y a l'action culturelle mais il y a aussi l'action touristique, par exemple on souhaite associer le tourisme à la culture et faire que le Hédé devienne un centre touristique en même temps que culturel.
Commentateur
Une action culturelle efficace, un site touristique avec des étangs, le canal d'Ille et Rance et ses 11 écluses, des promenades innombrables. A ces atouts il manque à Hédé une capacité d'accueil.
Michel Daniel
Et on essaie d'inciter les gens qui ont la possibilité de créer des gîtes ruraux à le faire. D'un autre côté, on a un problème d'hôtellerie, ça on en est conscient, il n'y a pas suffisamment de chambres d'hôtel à Hédé, et comme venir à Hédé bien sûr pendant la période du festival - c'est normal - mais pendant toute la période estivale, on nous demande sans arrêt des chambres et puis on en manque.
Commentateur
Un accueil certes, est indispensable mais il faut aussi pouvoir conserver la présence culturelle du théâtre de poche et le problème du financement n'est certes pas le moindre.
Michel Estier
Après une période assez difficile, il semble que cette année, il y a un ballon d'oxygène assez important qui arrive par l'intermédiaire d'une opération du Fond d'intervention culturelle, mais il faut bien se dire que ça n'a lieu qu'une fois par an et qu'après il va bien falloir trouver d'autres solutions pour les financements.
Commentateur
Pour remplir pleinement sa mission, le théâtre de poche de Hédé ne doit pas rester sédentaire, son action doit éclater dans la région, c'est ce que Michel Estier et Bernard Libault tentent de faire.
Michel Estier
Il y a Hédé qui est la base du travail, la base de création avec différentes activités, bon ! Les stages au théâtre de poche, les spectacles au théâtre de poche et le festival, à partir de là évidemment tous ces spectacles rayonnent sur toute la région Ouest en travaillant, disons, par série de représentations dans des villes comme Lorient, Brest, Saint-Brieuc, Lannion, etc. Bien entendu, on a un travail énorme encore à faire à ce niveau-là, pour aller dans des villes moins importantes que les grosses villes de Bretagne et là, c'est, disons, que ça fait partie de notre prochaine action.
(Musique)