Collecte d'oeufs dans les Côtes du Nord

30 avril 1943
53s
Réf. 00480

Notice

Résumé :

A l'occasion de Pâques, une collecte d'œufs a été organisée par le Secours National, au profit des enfants de prisonniers et des sinistrés. Les écoliers des Côtes du Nord se sont mobilisés. Ils ont ainsi ramassé dans les fermes 500 000 œufs.

Type de média :
Date de diffusion :
30 avril 1943
Source :
(Collection: France Actualités )

Éclairage

De 1940 à 1944, la forte densité militaire allemande en Bretagne modifie le mode de vie des autochtones, à l'instar de l'ensemble des Français des autres régions occupées. L'armée allemande met en place des interdits et pille économiquement le pays et la région. Résultat des difficultés de l'économie française, nées de la défaite et de l'occupation, le rationnement est instauré durablement dès l'automne 1940. Les rations alimentaires ne cessent alors de diminuer sur le marché officiel. La ration en viande par exemple passe en moyenne de 360 g à 120 g en 1943. Nettement moins pesantes en zone rurale que dans les grands centres urbains, les restrictions et les pénuries alimentaires sont dans tous les cas mal supportées par les populations. En temps de paix, la Bretagne est en effet une région agricole exportatrice. Mais la guerre et l'occupation provoquent d'une part l'absence d'hommes prisonniers en Allemagne, d'autre part la mise en place d'imposition sur les produits agricoles. Ces réquisitions à destination des régions les moins agricoles de France, de l'Allemagne et des occupants sont menées par le service du Ravitaillement Général, créé pour l'occasion par le régime de Vichy. Ces impositions sont de fait rarement recouvertes par des agriculteurs en difficulté et/ou préférant vendre leurs marchandises à un meilleur prix sur le marché noir. L'enrichissement de certains paysans est un fait attesté.

L'Etat français, par l'intermédiaire de ses œuvres sociales, s'efforce alors de soulager les difficultés quotidiennes, notamment alimentaires, des populations confrontées à une flambée continue des prix. Le Secours national, organisme chargé d'apporter de l'aide aux populations victimes de la guerre, est ainsi placé en 1940 sous la haute autorité du maréchal Pétain. La propagande développée par l'Etat Français tente en vain de montrer l'efficacité des collectes de produits agricoles, notamment des œufs. Tout du moins, cette séquence de "France Actualités" datée d'avril 1943, montre la générosité et la solidarité des paysans bretons à l'égard des enfants de prisonniers et des sinistrés. Mêlant compassion et humour, le journaliste en accord avec le discours officiel de Vichy développe ainsi l'image d'un monde rural breton idyllique regorgeant de denrées au service de la population citadine française.

La réalité est toute autre : les collectes en produits agricoles sont très difficiles dans la région dès la fin de l'année 1940. L'administration française chargée du ravitaillement – soumise aux Allemands – est inefficace pour approvisionner convenablement le marché officiel et enrayer le marché noir. En 1943-1944, certaines communes du sud-ouest des Côtes-du-Nord boycottent même les réquisitions exigées par l'administration de Vichy. Un esprit de résistance se développe donc. Les occupants sont contraints de prendre en charge eux-mêmes la répression face aux producteurs défaillants, le but de l'occupant étant d'approvisionner ses troupes et l'Allemagne au détriment de la population civile française.

Pour survivre, les ménages s'adressent donc prioritairement au marché noir qui se généralise dans la région à partir de 1944. La pénurie n'est pas limitée à l'alimentation. Tous les domaines de la consommation et de la production sont concernés : les vêtements, le charbon pour se chauffer et le carburant pour se déplacer sont rares ; les coupures d'électricité sont quotidiennes pour les entreprises et les ménages raccordés au réseau... Pendant ces quatre années, consommateurs et producteurs subissent de multiples difficultés, du fait des impositions allemandes.

Bibliographie

Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans les Côtes-du-Nord 1939-1945, Editions Gisserot, 1995.

Christian Bougeard, Occupation, résistance et libération en Bretagne en 30 questions, La Crèche, Geste éditions, 2005.

Henry Rousso, Le Régime de Vichy, Paris, PUF, "Que sais-je ?", 2007.

Jacqueline Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, Ed. Ouest France, 1989.

Fabien Lostec

Transcription

Commentateur
Ressuscitant une autre vieille coutume pascale, le chinage des oeufs, les écoliers vont, de ferme en ferme, ramasser les oeufs destinés aux enfants des prisonniers et des sinistrés. Aider à nourrir ceux qui ont faim. Et tous les villages de Bretagne ont répondu à l'appel que leur a adressé le Secours National. Le département des côtes du Nord, déjà en tête de liste l'an dernier, a recueilli cette fois 500 000 oeufs. Non, non, il n'y aura pas d'omelette !
(Musique)
Commentateur
Les donateurs ont signé leurs présents. Et ainsi les cloches sont revenues. Et dans des milliers de foyers, les enfants ont eu tout de même leurs oeufs de pâques. Ce n'est pas en vain qu'on s'adresse au coeur des paysans de chez nous.
(Musique)