Exploitation des tourbières

10 juin 1995
05m 32s
Réf. 00714

Notice

Résumé :

Le marais de Mazerolles est situé sur la rive gauche de l'Erdre, au nord de Nantes. Quelques agriculteurs et industriels l'exploitent, les uns pour entretenir l'espace, les autres pour en extraire de la tourbe. Ils contribuent ainsi, disent-ils, à la protection du site.

Type de média :
Date de diffusion :
10 juin 1995
Personnalité(s) :

Éclairage

Lieux humides et sauvages, d'abord perçus comme inhospitaliers et insalubres, les marais et tourbières sont aujourd'hui progressivement réhabilités et protégés pour leur rôle écologique. Et lorsque ces milieux humides sont également exploités pour leurs ressources naturelles, il faut bien trouver un compromis.

Affluent de la Loire, l'Erdre offre au nord-est de Nantes une zone humide exceptionnelle, le marais de Mazerolles. Marais tourbeux endigué, le site de 1250 ha est « une grande réserve » qui se répartit entre tourbière, marais fauché, plans d'eau, bois etc... Son classement en zone Natura 2000 manifeste la reconnaissance de la valeur de cet écosystème et de l'importance de sa sauvegarde. Les zones humides telles que les marais et les tourbières sont riches en ressources naturelles, constituant par leur fonctionnement des écosystèmes uniques. Elles abritent des espèces menacées, aussi bien au niveau de la faune que de la flore. La réappropriation du marais par une grande diversité d'oiseaux est un indice révélateur de la qualité du site. Les zones humides jouent également un rôle important dans le cycle de l'eau, leur fonctionnement permettant une gestion naturelle des stocks d'eau, de la régulation de ses débits à son épuration.

Les zones humides sont des écosystèmes vulnérables, résultant de plusieurs siècles de formation, qui se trouvent notamment menacés par les aménagements de l'homme. L'exploitation de ces milieux ne date pourtant pas d'aujourd'hui. L'extraction de la tourbe, traditionnellement utilisée comme combustible, était l'une des principales utilisations faites par l'homme de ce milieu sauvage, mais de nouvelles activités et de nouvelles formes d'exploitation des ressources pèsent actuellement sur le milieu et l'on voit parfois disparaître des zones entières de marais. À Mazerolles, la prise de conscience de l'exigence d'une bonne gestion des diverses activités pour le maintien de ce fragile écosystème découle des expériences passées. À partir des années 1960, l'exploitation agricole rendue possible dans le marais de Mazerolles par la construction de polders met involontairement en danger le marais. Consacrée à la production de maïs, l'exploitation agricole s'est révélée infructueuse et destructrice. Par un pompage excessif de l'eau, elle portait atteinte à l'équilibre écologique du site. Un peu plus tard, dans les années 70, l'exploitation de la ferme est abandonnée et celle de la tourbière est rendue possible pour 30 ans. Le site est constitué d'une tourbe jeune, formée sur 7000 ans par accumulation progressive de la matière organique en lente décomposition, constituant une ressource naturelle de grande qualité pour la production de terreau. Suite à l'abandon des pratiques agricoles traditionnelles, le marais et sa survie dépendent de l'entretien par l'homme, en particulier du fauchage des mauvaises herbes, pour assurer le maintien de la diversité qui fait toute la richesse de ce milieu. L'extraction de la tourbe doit être réfléchie pour ne pas porter atteinte au milieu et rendre possible la préservation de l'équilibre et de la richesse qui repose sur le maintien du niveau d'eau.

Pauline Jehannin - CERHIO – Université de Rennes 2

Pauline Jehannin

Transcription

(Musique)
Roger Gicquel
Là, je marche sur un de ces anciens chemins de culture abandonné aujourd'hui, finie l'immensité des maïs, mais quelques industriels continuent à vouloir exploiter le marais et en extraire de la tourbe et ils font ça avec des péniches. Nous allons voir le reportage d'Aline Mortamet qui a constaté l'exploitation de ces tourbières, tandis que chasseurs et pêcheurs eux, ils souhaitent conserver le marais dans son état naturel, parce que c'est une grande réserve. Mais un compromis, disons, a été facilement trouvé entre pêcheurs et exploitants.
(Bruits)
Olivier Perrin
Le marais de Mazerolles, dit Marais de Mazerolles, est endigué par une digue de 7,5 km, ce qui permet d'avoir un niveau inférieur au niveau de la mer, sinon là où on est, on aura 1 m d'eau actuellement. Il est impensable maintenant d'y faire du maïs, donc ça a été abandonné, il n'est plus exploité économiquement que sur une petite partie pour l'exploitation de la tourbe et pour le reste ça a été laissé à l'abandon. Donc c'est là que nous sommes intervenus, je dis nous parce que je ne suis pas tout seul quand même à m'en occuper, pour essayer d'éviter que la végétation arbustive, notamment, prenne le dessus et qu'on ait une banalisation du milieu qui n'aurait pas permis la même diversification florale et faunistique. Maintenant on obtient un équilibre, ce n'est pas mal en poisson, y'a vraiment toutes les espèces. Et en ce qui concerne les oiseaux d'eau principalement, alors là, on a vu débarquer depuis le début de notre activité il y a une dizaine d'années, des populations qui n'y étaient pas, notamment au niveau nidification.
Aline Mortamet
Des hérons, des foulques, des grèbes huppés, en l'espace de quelques années, le marais de Mazerolles s'est transformé en un véritable nichoir. Près de 250 espèces migratrices viennent chaque année, le temps d'une escale, s'y reposer et profiter d'un environnement redevenu hospitalier.
(Bruits)
Aline Mortamet
Car Olivier Perrin depuis qu'il est ici, a voulu que ces terres ne soient ni jachères ni déserts. En construisant des digues et des douves, en fauchant toutes les mauvaises herbes et les arbustes en surnombre, la plaine a redécouvert ses origines naturelles. L'eau regagne du terrain, les frayères se repeuplent, le marais est à nouveau source de vie.
(Bruits)
Olivier Perrin
Ici un exemple de marais non entretenu depuis environ une trentaine d'années, avec tout ce que ça implique, vous voyez ce fouillis, il y a beaucoup moins d'oiseaux que dans les zones plus ouvertes où on entretient notamment avec des moyens mécaniques. Par exemple, on imagine mal des canards pouvoir se poser là-dedans, des hérons y trouver leur nourriture, avec tout ce que ça peut impliquer comme manque de diversité. Bien sûr, des zones comme ça sont intéressantes, mais il faut savoir que si le marais n'avait pas été entretenu, tout le marais serait comme ça dans son ensemble.
Aline Mortamet
Mais Olivier Perrin n'est pas le seul à cultiver l'âme de ce marais. Sur une centaine d'hectares, péniches, grues et pelleteuses participent activement à la lutte contre l'anarchie végétale. Quelques industriels se sont en effet implantés dans le secteur pour y exploiter de la tourbe de plus en plus prisée chez les horticulteurs, une richesse cachée que la plaine de Mazerolles a fini par révéler.
(Bruits)
Intervenant
Cette tourbière est intéressante industriellement pour les substrats de culture, parce qu'il s'agit d'une tourbière jeune, quand on dit jeune, c'est une tourbière qui a quinze cent ans. On dit qu'elle est jeune par rapport à des tourbières comme la Brière ou d'autres qui ont plusieurs millénaires, qui sont des tourbes beaucoup plus minéralisées, beaucoup plus fines donc moins intéressantes pour les substrats de culture que nous fabriquons.
Aline Mortamet
Finalement, l'aventure de la tourbe s'est révélée fructueuse. Les ventes augmentent en moyen 15% par an et l'écologie d'une certaine façon, y a trouvé son compte puisque le passage des grues a laissé au marais en héritage de nouvelles zones de nidification.
Intervenant
Une tourbière qui n'est pas exploitée est une tourbière qui ne peut pas vivre, et à créer des plans d'eau comme nous le faisons, bien gérés, bien réfléchis avec les gens de l'environnement, nous contribuons absolument à la protection de ce site. Cette tourbière a été exploitée de 70 à 87, nous l'avons arrêtée donc en 88, lorsque nous avons ouvert notre nouveau chantier à 5 km d'ici et maintenant elle est redevenue sauvage, colonisée par les végétaux et par la faune et la flore.
(Bruits)
Aline Mortamet
Ne pas trop inonder le marais pour que l'économie poursuive son travail, ne pas trop pomper pour que l'écologie s'épanouisse librement, le compromis se niche quelque part entre digue et douve.
Olivier Perrin
Tout irait bien dans le meilleurs des mondes si on maintient le niveau d'eau tel qu'il est actuellement, qui est un niveau convenu. Le drame, c'est si un personnage décide effectivement de vider, de baisser un peu plus ce niveau en plein été, bien entendu les poissons vont souffrir énormément et bien entendu tous les endroits où on aura mis de l'eau du fait d'une baisse un peu intempestive de ce marais, l'eau va se filtrer beaucoup plus vite, l'eau ne restera pas et toute la faune va donc en souffrir.
(Bruits)