La faïencerie de Quimper

02 mars 1967
06m 31s
Réf. 00889

Notice

Résumé :

Quimper a su conserver un savoir-faire artisanal : la faïencerie. Un retour sur les pièces de céramiques issues de la collection du musée de l'entreprise Henriot est l'occasion d'un bref historique de cette technique. Cela permet aussi de découvrir l'origine et le succès du style "breton". Nous assistons ensuite à la méthode de fabrication de cette faïencerie de Quimper. Les installations se sont modernisées mais de nombreuses étapes restent manuelles.

Type de média :
Date de diffusion :
02 mars 1967

Éclairage

La faïence a une longue histoire dans la région de Quimper puisqu'en 1690, une faïencerie s'installe à Locmaria-Quimper. Fabriquant dans un premier temps des statuettes de saints, elle va évoluer au gré de l'industrialisation du travail de la terre cuite. Elle s'oriente dès le début du XIXe siècle vers la production utilitaire et définit un style marqué d'abord par le décor floral posé à la touche, puis, à partir des années 1880, par les scènes paysannes dont la fameuse figure du « petit Breton » qui ornera tant de bols « à oreilles ».

Au début du XXe siècle, Quimper compte trois grandes manufactures dont celle d'Henriot qui marque ses œuvres de l'anagramme HR.

C'est dans l'entre deux-guerres que le style s'affirme quand les deux fabriques rescapées de la guerre, HB (Hubaudière-Bousquet) et Henriot, font appel à des artistes régionaux : Creston, Malivel, François Caujan, Quillivic et plus particulièrement Mathurin Méheut pour Henriot, qui réalise en 1952 le décor de la façade de la faïencerie.

A la fin des années 60, pour faire face à la concurrence, les deux entreprises fusionneront sous le nom de « Faïenceries de Quimper ». Accalmie et appellation temporaire puisqu'en 1983, la société en difficulté sera rachetée par des investisseurs et reprendra le nom de H-B Henriot. La reprise sera difficile mais finalement, malgré de nombreux déboires et changements de direction, la société demeure, en 2011, l'unique faïencerie de Quimper. Le musée de La Faïence témoigne de ce passé : il présente aux visiteurs plus de 2000 modèles et une belle bibliothèque.

Le film atteste de la persistance du travail manuel, à la fin des années 60, dans le façonnage et la décoration alors que la concurrence des « bols à oreilles » industriels menace l'entreprise.

Martine Cocaud – CERHIO – UHB Rennes 2

Bibliographie

Le stum Ph, Théallet P, Verlingue E , Encyclopédies des céramiques de Quimper, 4 tomes, 2003-2007.

Lucas Antoine, La céramique artistique de Quimper, Editions Ouest-France, 2006.

Martine Cocaud

Transcription

(Musique)
Journaliste
Traversé par l’Odet, planté dans un paysage où les mouettes criardes se font une place de choix, Quimper vit au rythme des villes modernes. Pourtant, elle a su conserver et faire évoluer l’industrie d’art qui a fait sa renommée mondiale. Industrie de la faïencerie, dont l’origine remonterait à l’époque gallo-romaine. A l’époque des premières poteries à usage domestique. Conservatrice de cet art, la faïencerie Henriot existe depuis 1778. A ses débuts, elle a hérité, avec les autres faïenceries qui existaient alors, des secrets de fabrication de création de l’école de Rouen ou encore de l’école de Nevers ; secrets parvenus vers 1690 à Quimper au hasard d’alliances familiales. Les créateurs de la faïencerie d’art en Bretagne se nommaient alors Bousquet, Bellevaux, Caussy et Dumaine ou encore [Porquet], et le Franc-Comtois Henriot. Autre date importante, 1870, le Quimper, grâce à l’artiste Alfred Bour, gendre du romancier Emile Souvestre, abandonnait la pure imitation pour se risquer dans la fantaisie. Comme on le découvre dans le musée Henriot, les premiers personnages, les premières scènes de la vie paysanne apparaissaient alors. Peu après, le genre breton était né, il était concrétisé à l’exposition universelle de 1870 par un plat représentant les mendiants demandant la charité un soir de noël.
Intervenant 1
Je ne peux mieux vous définir le style Quimper qu’en vous présentant ce plat qui représente une scène d’aumône un soir de Noël. Ce plat est un des plus anciens que nous possédions. Et il a donné naissance à toute une sorte de reproductions d’autres plats qui sont les témoignages de la vie bretonne d’autrefois.
Journaliste
Œuvre due à la collaboration des maîtres décorateurs et statuaire pré-temps, Sévellec, Michaud, Renault, Floch, Le Noir, sans oublier Mathurin Méheu, ces représentations de la vie bretonne marquaient véritablement la rénovation du Quimper.
(Musique)
Journaliste
Dès lors, les modèles bretons allaient se multiplier, ce qui était d’autant plus facile que la Bretagne est peut-être le pays le plus riche en costumes. Sur des plats, sur des assiettes, des vases, c’était toute la vie régionale qui apparaissait, scène familiale, groupe dansant, conteur. Les légendes, elles aussi devaient servir de modèle d’inspiration aux faïenciers. Puis, le célèbre petit Breton, à son tour, était créé.
(Musique)
Intervenant 1
Petit à petit, ça s’est expurgé, on est arrivé simplement au personnage entouré d’une fleur, c’est ce que vous avez actuellement dans toute la fabrication.
(Musique)
Journaliste
Le petit Breton est universellement connu notamment par les Américains qui devaient littéralement s’enthousiasmer pour le genre petit Breton. A tel point que ne pouvant s’en passer durant la dernière guerre, ils n’hésitèrent pas à fabriquer du Quimper dans leurs usines. Actuellement encore, la faïencerie Henriot exporte une quantité importante de ses créations outre Atlantique. Créations multiples et qui ont valu de nombreuses et hautes récompenses à l’établissement dont les méthodes de fabrication n’ont guère changé au fil des années.
(Bruit)
Journaliste
Monsieur, est-ce qu’il y a longtemps que vous êtes tourneur à la faïencerie Henriot ?
Intervenant 2
Oui, ça fait 45 ans.
Journaliste
45 ans que vous faites ce métier ?
Intervenant 2
Oui !
Journaliste
Est-ce que vous l’avez vu évoluer au cours de ces 45 années ?
Intervenant 2
Ah oui, puisqu’au début, on tournait avec le pied.
Journaliste
Avec le pied ?
Intervenant 2
Il y avait une grande roue au dessous là.
Journaliste
C’est ça, oui !
Intervenant 2
Maintenant, ça marche électriquement.
(Musique)
Journaliste
L’électrification a évidemment permis la mise en service de certaines machines assurant une production plus rapide. Un exemple nous en est donné avec cet appareil à faire des bols. Toutefois, dans la plupart des cas, le travail est essentiellement manuel, qu’il s’agisse de la préparation de la pâte, argile plastique et argile calcaire ; ou encore, des opérations habituelles de la fabrication, c’est-à-dire le moulage, le tournage, le calibrage, le coulage des pièces. Ces opérations précèdent le séchage et la première cuisson pendant onze heures trente à 1025 degrés. Après quoi, les objets sont immergés dans un bain d’émail. Puis, peint à la main et enfin, remis au four pour une deuxième et dernière cuisson, celle-ci à 900 degrés. Chaque jour, des centaines d’objets aux formes les plus variées sont ainsi fabriqués.
(Musique)
Journaliste
Est-ce que les formes que vous créez vous sont imposées ou alors, est-ce que vous les créez d’après votre imagination ?
Intervenant 2
Ah non, c’est tous les modèles de la maison quoi.
Journaliste
Oui ?
Intervenant 2
Oui, à moins qu’on me donne quelque chose à faire sur papier, comme ça je le fais. Tous les modèles sont d’avance.
Intervenant 1
Et chaque fois que nous avons besoin d’un décor, d’une inspiration quelconque, il suffit de venir retrouver aux sources dans le musée, tout ce qui a pu être fait auparavant. Et vous trouvez nécessairement soit une bordure ou un motif quelconque duquel vous vous inspirez en définitive.
Intervenant 2
Je veux changer un petit peu, ben, le vin et de l’eau, c’est la même chose.
Journaliste
Oui.
Intervenant 2
Changer un peu….
Journaliste
Mais est-ce que vous n’êtes pas un peu pris par la routine après 45 ans, non ?
Intervenant 2
Ah si, quand même.
Journaliste
Si, quand même !
Intervenant 2
On fait ça machinalement quoi.
Intervenant 1
Personnellement, j’aime les belles choses. J’essaie surtout de soigner ce que nous faisons mais je ne pense pas être un véritable artiste, sûrement pas.
Intervenant 2
Artiste non, parce que tout le monde peut faire ça, quoi.
(Musique)
Journaliste
Très rapidement, nous avons découvert quelques aspects de la plus ancienne faïencerie de Quimper. Nous avons découvert un monde qui ne se veut pas être un monde d’artiste. Pourtant, cette production est essentiellement artisanale. Et il faut toute l’expérience, tout le bon goût, toute la finesse d’exécution de chacun des créateurs, du tourneur au peintre, pour donner sa valeur à cette faïence ; de Quimper qui porte dans le monde – par ses dessins et statuettes – les aspects les plus réels de la Bretagne et de son folklore.
(Musique)