Les boxeurs Cyril et Jérôme Thomas

12 février 2009
02m 03s
Réf. 00101

Notice

Résumé :

Rencontre avec le boxeur saint-quentinois Cyril Thomas, champion d'Europe poids plume, à l'occasion de son entraînement pour le titre mondial IBF des poids plume. Avec son frère Jérôme, double médaillé olympique, il s'entraîne dans une zone industrielle de Saint-Ouen. Cyril se considère en effet comme un "ouvrier de la boxe", un "mineur de fond", "il faut souffrir, comme un galérien, avoir la haine le jour J", surenchérit son frère. Ainsi, logent-ils à la dure dans les tribunes d'un stade de football. L'entraînement se fait avec Gaëtan Micallef, une "légende" qui, à 80 ans, continue à former des professionnels.

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Date de diffusion :
12 février 2009
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Éclairage

Pour préparer son affrontement face au Mexicain Cristobal Cruz dans le cadre du championnat du monde IBF (International Boxing Federation), Cyril Thomas s'entraîne depuis deux mois en banlieue parisienne. Le boxeur de Saint-Quentin, qui combat dans la catégorie des poids plumes, possède à 32 ans un palmarès professionnel déjà bien étoffé avec plusieurs titres de champion de France et de champion d'Europe EBU (European Boxing Union).

Pour mener à bien son projet, il a fait appel à Gaëtan Micaleff, qui officie depuis près de cinquante ans au club de boxe de Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis (le Red Star Audonien). Il reçoit également le soutien de son frère, Jérôme, qui, avec plusieurs médailles obtenues lors des Jeux Olympiques, des championnats du monde et des championnats d'Europe dans la catégorie des poids mouches, est le boxeur amateur français le plus titré. Le boxeur axonais privilégie par ailleurs un cadre d'entraînement volontairement austère et dépouillé, quasi monacal, afin de se préparer "corps et âme" à la rudesse et à la violence du combat.

Cette valorisation récurrente des principes de souffrance et d'humilité incarne au plus haut point les "affinités électives" que la pratique pugilistique entretient avec la culture corporelle populaire; Cyril Thomas se désignant précisément comme un "ouvrier de la boxe" et un "mineur de fond". Après avoir été l'apanage au dix-neuvième siècle des classes aisées (les gentlemen pratiquant le "noble art" ), la boxe devient en effet très rapidement une activité recrutant dans les couches populaires, notamment parce qu'elle recouvre trois principes majeurs autour desquels s'organise leur sociabilité: la force, la virilité et le code de l'honneur. Dès lors, si les gestes techniques et l'art de l'esquive et du déplacement sont mis en exergue par certains techniciens de la boxe, les notions de puissance et de masculinité demeurent centrales et sont à la base de toute une série d'attitudes. L'intensité de la dépense physique, la résistance, la combativité ("avoir la haine"), le courage, le fait d'"être dur au mal" et de "refuser de s'écouter "sont ainsi fortement valorisés. L'évolution progressive de la plastique corporelle tout au long des mois d'entraînement rend compte des sacrifices du boxeur, qui ne peut ainsi « mentir » à son entraîneur sur la force de son investissement et de son engagement. Dans ce cadre, l'esprit de solidarité, symbolisé par l'engagement de Jérôme Thomas aux côtés de son frère, est une condition essentielle de réussite dans un sport qui met pourtant en exergue la réussite individuelle.

En cela, l'épreuve du ring n'est, pour Cyril Thomas, que l'aboutissement d'un long et difficile travail mené en amont pour transformer son corps et le rendre apte à endurer l'épreuve du combat. Ses efforts seront, au final, insuffisants puisqu'il s'inclinera aux points face à son adversaire mexicain. Sa nouvelle tentative, un an plus tard (le 16 avril 2010), pour conquérir le titre mondial face au Béninois Justin Savi se révèlera tout aussi infructueuse et scellera la fin de sa carrière.

Sébastien Stumpp

Transcription

Henri Sannier
Et un grand événement, ce week-end, en boxe, à Saint-Quentin, dans le département de l’Aisne. Cyril Thomas, l’enfant du pays, va tenter de décrocher le titre mondial IBF des poids plumes. Alors vous allez voir que pour battre le tenant du titre, un Mexicain, il s’est entraîné à l’ancienne. C’est un reportage d’Arnaud Romera et Michel Goldstein.
Romera§Arnaud
Paris, banlieue nord. Depuis deux mois, la zone industrielle de Saint-Ouen, c’est le quotidien des frères Thomas. Jérôme et Cyril s’entraînent au milieu des terrains en friche et des usines. Un décor qui correspond bien à leur histoire et à leur tempérament.
Thomas§Cyril
Bien sûr, on est des ouvriers de la boxe et on même du Nord, on est des mineurs. On est des mineurs de fond.
Thomas§Jérôme
C’est ça. Il faut souffrir pour avoir faim sur le ring. C’est vivre comme un galérien pour avoir la haine le jour J. S’embourgeoiser, ce n’est pas bon pour un boxeur, de toute façon.
Romera§Arnaud
Pas de luxe, pas de clinquant pour les ouvriers du ring. Depuis deux mois, les frères Thomas vivent dans les tribunes d’un stade de foot. Une cellule de 7m² sans douche ni toilettes située à proximité de la salle de boxe. Des conditions de spartiates. On ne change pas une méthode qui gagne. A Saint-Ouen, Cyril thomas se prépare avec son entraîneur de toujours, Gaëtan Micaleff, un personnage, un monument. Micaleff, c’est 50 ans d’histoire de la boxe. Il a formé une centaine de champions. A 80 ans, c’est encore lui qui donne la leçon tous les jours à des professionnels. Le championnat du monde de Cyril, c’est son dernier défi.
Micaleff§ Gaëtan
C’est le combat de ma vie parce qu’il a galéré pour arriver jusque là et quand on lui apporte le plat, c’est là qu’il faut qu’il mange ce qu’il y a.
Thomas§Cyril
Et si on veut une deuxième chance, il faut la ceinture. Parce que sinon, je ne pense pas qu’il y en aura une autre, quoi.
Romera§Arnaud
Cyril thomas est un taiseux aussi discret que son frère est sanguin. Plusieurs fois champion de France, 7 fois champion d’Europe, il revendique, à 32 ans, sa part de lumière sans le crier sur tous les toits. Sa force est intérieure.
Thomas§Jérôme
C’est ça qui est fou. Il attend d’être champion du monde pour parler. Ca, voilà, c’est l’humilité, on dit. La classe c'est le frangin, quoi.
Henri Sannier
La classe et l’humilité, deux mots très importants.