La reconstruction de Noyon

02 septembre 1919
02m 40s
Réf. 00417

Notice

Résumé :

A partir du printemps 1918, la ville de Noyon est bombardée par les alliés. Elle connait 80% de destructions. Frédéric Panni conservateur du musée de Noyon évoque les parrainages de villes du midi de la France pour aider à la reconstruction. C'est Béziers qui va ainsi parrainer Noyon. La cathédrale a brûlé et elle sera reconstruite de même que la mairie, sous la direction des Monuments historiques. Il subsiste encore 80 ans après, des traces des destructions, ce qui fait dire que Noyon n'a toujours pas achevé sa reconstruction.

Date de diffusion :
17 novembre 1997
Date d'événement :
02 septembre 1919
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Éclairage

Après une première occupation de 1914 à 1917 au cours de laquelle la ville subit peu de dégâts, Noyon est de nouveau menacée par l'offensive allemande de mars 1918. La ville, qui a été évacuée dans la nuit du 24 au 25 mars, semble vouée à la destruction. Désireuse d'arrêter l'ennemi, l'armée française met le feu aux dépôts de vivres, à la gare nouvellement construite, à un grand parc de voitures puis ordonne de bombarder la ville le mardi 26, quand le commandement a la certitude que l'ennemi a pris possession de la ville. Un incendie se déclare alors place de l'Hôtel-de-Ville, puis gagne de proche en proche vers le Nord et vers le Sud. Le sinistre dure plusieurs jours. D'abord épargnée, la cathédrale subit à son tour l'incendie le lundi de Pâques 1er avril. En quelques minutes il gagne les combles de l'édifice et détruit les énormes poutres de châtaigner qui formaient la charpente. Cinq mois plus tard, en août, des obus allemands venant du Nord achèvent la destruction de la ville, reconquise le 29 août (1).

Les troupes qui rentrent dans la ville reprise constatent l'ampleur des destructions. Toutes les voies publiques sont obstruées par des décombres. La cathédrale est découronnée de ses toitures incendiées ; les voûtes sont crevées, les orgues fondues, les colonnettes pulvérisées, les vitraux volatilisés, la terrasse de la façade effondrée. De l'Hôtel de Ville, il ne subsiste que la façade. Sur 1800 maisons, 855 sont entièrement détruites et les autres plus ou moins gravement atteintes. Un des premiers journalistes autorisés à y pénétrer termine par ses mots : "Noyon est une ville morte". Le 8 septembre 1918, Clemenceau, alors président du Conseil, parcourt les rues de la ville envahies par les décombres, devant les objectifs des opérateurs photographiques et cinématographiques de la Section photographique de l'armée.

Il existe de nombreuses représentations de Noyon en ruines. Le reportage montre la première image, allemande, prise le 18 août 1918, quand un avion de reconnaissance réalise un cliché de l'ensemble de la ville vue du nord-ouest, et utilise les nombreuses cartes postales éditées à partir de 1919, souvent légendées en français et en anglais.

Après les premiers déblaiements et les premiers retours des réfugiés, début 1919, se pose la question de la reconstruction de la ville. Celle-ci est à l'ordre du jour de la première séance du Conseil municipal de l'après-guerre, le 7 juin 1919 : faut-il créer sur les ruines de Noyon une ville moderne ou doit-on au contraire "conserver le caractère de la vieille cité tout en faisant apparaître les défectuosités" ? Cette solution a les préférences du sénateur-maire, Ernest Noël, et c'est en sa faveur que tranche le Conseil le 19 août : "La ville a été détruite au centre, gravement endommagée ailleurs, mais de nombreuses parties peuvent encore être conservées et il importe de sauvegarder le caractère pittoresque qu'offrait la vieille cité avant sa destruction"(2).

C'est pourquoi le reportage souligne qu'à Noyon, au contraire d'autres villes, la reconstruction fut respectueuse des structures urbaines anciennes. Frédéric Panni, alors conservateur des musées de Noyon, que l'on voit dans le reportage de 1997, pouvait écrire en 2000 : "Ni régionaliste, ni pastiche d'un style historique, l'architecture de la reconstruction de Noyon préserve l'aspect historique de la ville tout en modifiant profondément son ambiance" (3).

La reconstruction commence à la fin de 1919. Représentée sur une des photographies du reportage, la cérémonie de pose de la première pierre de la première maison reconstruite, celle du 4 rue du Longpont, a lieu le 2 septembre 1919. La reconstruction des monuments est plus longue. Celle de la cathédrale, confiée à l'architecte André Collin, n'est achevée qu'en 1952.

Le reportage permet aussi de voir le monument aux morts (4), érigé près de la cathédrale. Financé par une souscription, ainsi que par l'apport des villes de Noyon et de Béziers, "marraine" de Noyon, ce monument est décoré d'une frise de quatre panneaux sculptés par le Noyonnais Emile Pinchon en l'honneur de la ville martyre. Ils représentent la prise d'otages civils le 29 septembre 1914, l'entrée des troupes françaises du 13e corps le 18 mars 1917, les ruines de Noyon le 25 août 1918 et la remise à la ville de la Légion d'honneur et de la croix de guerre le 11 juillet 1920 en présence du maréchal Joffre. Cette cérémonie fut également représentée par son frère, le dessinateur Joseph Porphyre Pinchon, l'auteur de Bécassine, dans une peinture de l'escalier d'honneur de l'Hôtel de Ville commandée en 1942, également présente dans le reportage. Elle montre dans quel état de ruine cet Hôtel de Ville était en 1920, avant sa reconstruction confiée à Eugène Chifflot, assisté du Noyonnais René Lefèvre.

(1) Augustin Baudoux, Robert Regnier, Une grande page de notre histoire locale, Noyon pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), Chauny, A. Baticle éditeur, 1962, p. 84-97.

(2) Cité par Jean-Yves Bonnard, « L'ancienne place de Béziers », Vivre Noyon, n°42, février 2012.

(3) Reconstructions en Picardie après 1918, Paris, Éditions de la RMN, 2000, p. 234. Ce catalogue d'expositions comprend de nombreux développements sur Noyon.

(4) Voir la description sur le site du CRDP (consultation 14 juillet 2013).

Philippe Nivet

Transcription

Emmanuel Faure
Dans cette dernière salle du musée du noyonnais, c’est tout ce qui concerne la guerre 14-18, évidemment la destruction et la reconstruction qui a suivi. C’est à cette période que se sont intéressés Corinne Langlois et Hubert Tilloy autour de Noyon.
Frédéric Panni
Jusqu'au printemps 1918, Noyon est une ville intacte bien qu’occupée par les Allemands. Mais à partir du printemps 1918, la ville va être bombardée par les alliés, pour chasser, précisément, l’envahisseur allemand. Et c’est là que les plus gros dégâts seront faits, aux grands édifices historiques et plus généralement à la ville elle-même, qui connait de 60 à 80 % de destructions. Il faut tout refaire. Il faut refaire les adductions d’eau, l’électricité, déblayer les voiries, réaménager la voirie, reloger les gens. Naturellement, les gens reçoivent de l’aide, de l’aide de l’Etat français mais aussi de l’aide de régions non dévastées. Vous savez qu’après la Première Guerre mondiale, des villes du Midi, par exemple, vont parrainer des villes des régions dévastées. Et pour Noyon, ça sera la ville de Béziers qui va parrainer la ville en l’aidant à la reconstruction.
(Bruit)
Frédéric Panni
La cathédrale va être ruinée, effectivement, par un incendie suite à des bombardements au printemps… à Pâques 1918. Et l’édifice est exhangue… Cet édifice qui était prestigieux a perdu toutes ses parties hautes. Elles ont été ruinées par l’incendie de la charpente. Et rapidement, la reconstruction va être menée sous la direction de l’architecte des monuments historiques qui s’appelle André Colin.
Corinne Langlois
Et lui, il… enfin, l’Hôtel de ville a été reconstruit également…
Frédéric Panni
Alors l’Hôtel de ville, également, brûle en 1918. Il n’en subsiste qu’une façade branlante. Et l’édifice va être reconstruit, effectivement, dans le même temps que la cathédrale parce qu’il est classé monument historique également par le service des monuments historiques. La reconstruction d’après 1918 est une reconstruction souvent très soignée, très intelligente. Et à Noyon, tout au moins très respectueuse des structures urbaines anciennes. Et on voit ici, sur cette place, le front de place qui a été reconstruit en face de l’Hôtel de ville a respecté le rythme des anciennes façades, la trame urbaine, le parcellaire au sol. Par contre, dans d’autres endroits de la ville, effectivement, subsistent toujours aujourd'hui des dents creuses c'est-à-dire ce qui fait dire de façon assez exacte que la reconstruction d’après 1918 n’est toujours pas achevée en 1997 et on continue à s’attacher à achever cette reconstruction aujourd'hui.