Les dégâts dans les forêts suite à la tempête

03 janvier 2000
02m 03s
Réf. 00514

Notice

Résumé :

De nombreux arbres ont été brisés par la tempête du 26 décembre 1999 qui a causé d'importants dégâts dans les forêts domaniales Picardes. Le point sur les dégâts dans les départements de l'Oise et de l'Aisne. La forêt de Retz dans l'Aisne a beaucoup souffert, cependant, Anne-Benoîte Valiergue, chef division de l'Office national des Forêts (ONF) estime que cela permettra un renouvellement forestier.

Date de diffusion :
03 janvier 2000
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Éclairage

La forêt française a été fortement touchée par les deux tempêtes Lothar (26 décembre 1999) et Martin (27-28 décembre 1999). Lors du premier épisode, les vents les plus violents ont balayé le territoire sur un axe s'étendant du sud de la Normandie, l'Ile-de-France, la Champagne, la Lorraine, l'Alsace puis l'Allemagne. La seconde tempête a suivi le lendemain une ligne allant de la Vendée au sud de la Bourgogne. Pour l'ensemble du territoire, l'Inventaire forestier national (IFN) estime les volumes de chablis, c'est-à-dire de bois abattus par les intempéries, à 97 millions de m3, soit plus de trois années de récolte (1). En volume, la Lorraine, l'Aquitaine, le Limousin et la Champagne ont été le plus durement touchés.

La Picardie a été plus marginalement frappée, au sud des départements de l'Oise et de l'Aisne. Alors que les stations d'Orly et de Paris-Montsouris enregistraient des valeurs maximales de vents en rafale de 173 et 169 km.h-1, Météo-France mesurait des vents de 137 km.h-1 à Beauvais, 119 km.h-1 à Saint-Quentin, 115 km.h-1 à Creil et 101 km.h-1 à Abbeville. Cet épisode de grand vent n'est pas aussi exceptionnel qu'il y paraît. Comme toutes les régions littorales, la Picardie est soumise au passage régulier des tempêtes, dont certaines peuvent faire des dommages majeurs. Dans la région, la récurrence moyenne des vents de plus de 120 km.h, susceptibles de faire des dégâts significatifs en forêt, est de 5 ans et 4 mois, sur les cinq siècles derniers. Les tempêtes du 10 décembre 1872 et surtout du 12 mars 1876 ont produit des ravages tout aussi importants. Mais certaines périodes restent plus venteuses que d'autres. Comme la fin du XIXe siècle, la période actuelle est marquée par la recrudescence des grands vents, la dernière tempête importante ayant touché la région étant celle du 17 décembre 2004.

Dès le mois de janvier 2000, les forestiers estimaient à 210 000 m3 les volumes abattus en forêt publique, et 350 000 m3 en forêt privée, ce qui correspond seulement à environ 0,5 % des volumes nationaux. La modicité des pertes ne s'explique pas seulement par la position marginale de la région sur l'axe de la tempête. La moitié du territoire régional a pourtant connu des vents soufflant en rafale à plus de 120 km.h-1, seuil significatif pour entraîner des dégâts majeurs aux peuplements forestiers. Il ne faut pas oublier que neuf ans auparavant, la région avait déjà été très fortement affectée par les tempêtes Daria (25 janvier 1990), Herta (3 février 1990) et Vivian (26-28 février 1990), qui avaient aussi touché la Grande-Bretagne, la Belgique, le Luxembourg et l'Allemagne. Cet épisode avait donc déjà mis à terre les peuplements les plus sensibles au vent. Sur le terrain, les zones les plus affectées en 1999 étaient donc surtout celles qui présentaient une vulnérabilité plus forte : peuplements ayant fait l'objet récemment de coupes de régénération, lisières offrant un front continu trop dense, parcelles situées topographiquement en sommet de plateau, sols contraignants où l'enracinement des arbres était plus faible...

Marquant brutalement les paysages, la tempête de 1999 a pu être momentanément considérée comme catastrophique. D'un point de vue économique, la destruction partielle du capital sur pied, l'anticipation forcée des coupes, l'abandon des volumes invendus, ont conduit à un dérèglement majeur du marché du bois. Durant plusieurs années, la mise en vente d'importants volumes a conduit à la chute des cours européens des bois feuillus et résineux. Cette situation a été malheureusement relayée dans le temps par les tempêtes Klaus (24 janvier 2009) et Xynthia (27 février 2010). Peu touchés par les dégâts, les forestiers picards ont été fortement atteints par l'effondrement du marché.

Sur le plan écologique, la tempête de 1990 est par contre loin d'être considérée comme un désastre. Pour la forêt, les tempêtes sont des phénomènes récurrents tout à fait naturels, qui présentent l'avantage d'hétérogénéiser les peuplements. Lorsque les ravages n'ont pas couvert la totalité des surfaces, comme c'est le cas en Picardie, l'abondance des arbres morts, l'ouverture des couverts ont contribué à favoriser et diversifier la faune, notamment les communautés d'insectes, d'oiseaux et de grands herbivores. Dans ces ouvertures, la dynamique naturelle de la végétation a souvent été rapide, et la cicatrisation des paysages est aujourd'hui chose faite (2).

(1) Voir l'article de l'inventaire sur internet (consulté le 08.07.2013).

(2) L'ouvrage d'Yves Birot, Guy Landmann, Ingrid Bonhême, La forêt face aux tempêtes, Paris : Quae, 2009, dresse un bilan des recherches effectuées suite à la tempête de 1999.

Jérôme Buridant