Découverte de la forêt de Compiègne

10 novembre 2007
06m 37s
Réf. 00531

Notice

Résumé :

Découverte de différents aspects de la forêt de Compiègne avec Marie Roussel. Les poteaux qui la jalonnent, ont été créés au XVIIe siècle pour que les cavaliers ne se perdent pas. Il y a 30 arbres remarquables dans cette forêt. Luc Bison, forestier, présente le chêne Saint Jean (et non Sainte Perrine), le plus vieux chêne forestier de France. La base du tronc est particulièrement abîmée. Les forestiers marquent les arbres destinés à être abattus. Tout l'art du forestier, c'est de reconnaître les indésirables et de les marquer. Puis, on mesure le diamètre de l'arbre, on estime sa hauteur et on entre les données dans un compas électronique. Le tout pour la vente à venir.

Date de diffusion :
10 novembre 2007
Source :

Éclairage

La forêt domaniale de Compiègne s'étend sur 14.484 ha, au sud de la confluence entre l'Aisne et l'Oise, à proximité de la forêt de Laigue. Peu boisé à l'époque antique, ce massif a été façonné depuis l'époque médiévale par les rois de France, principalement pour la chasse. Louis XIV y séjourne très régulièrement, notamment au début du printemps, à l'occasion de la revue des troupes stationnées aux frontières. Louis XV aime aussi y chasser, souvent durant l'été. Il y fait reconstruire le château, d'origine médiévale. Les dernières périodes de faste demeurent celles du Premier et du Second Empire, Compiègne devenant une résidence de prédilection pour Napoléon Ier comme Napoléon III.

Les paysages forestiers témoignent de cette passion des souverains. La pratique de la chasse à courre, principalement de la vénerie (chasse du cerf) et du vautrait (chasse du sanglier), conduisent à restructurer progressivement l'ensemble des voies de circulation à partir de la création du carrefour du Puits du Roi (vers 1521), premier carrefour en étoile connu en France. Louis XIV organise le percement de 54 nouvelles laies, et Louis XV améliore encore la desserte par le percement de plus de 230 voies. C'est de cette période que datent les noms des principaux chemins, ainsi que les premiers poteaux indicateurs. La pratique de la chasse au faisan amène aussi la création d'espaces spécifiques d'élevage et de chasse, notamment le parquet de la Faisanderie, à partir du milieu du XVIIIe siècle. Mais les impératifs cynégétiques se doublent aussi de considérations esthétiques. Alors que le contact avec la ville s'était longtemps limité à la route du Moulin, en prolongement de l'hôtel de ville, l'ouverture de la grande perspective des Beaux Monts, sous le Premier Empire, conduit enfin à renforcer le lien entre le château et la forêt.

Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, le massif était couvert de multiples clairières, notamment de zones de friches et de landes. Ces formations très dégradées étaient liées aux surdensités de gibier, mais aussi à des surprélèvements en bois et à des problèmes de régénération sur des sols fragiles, souvent acides. Depuis le XVIIIe siècle, plus de 6 500 ha de plantations, sur des terres agricoles et des landes, ont permis de combler les vides. Les premières plantations de conifères, notamment de pins sylvestres, datent du XIXe siècle.

La forêt domaniale de Compiègne est le fruit d'une gestion patiente et attentive des peuplements. Les forestiers procèdent encore à l'inventaire, puis à la sélection des arbres de toutes les parcelles, afin d'optimiser la croissance des arbres et de favoriser les régénérations naturelles. La pratique du martelage est très ancienne. Attestée dès la fin du Moyen Age, elle consiste à enlever une partie de l'écorce avec un marteau forestier, pour faire apparaître le bois de cœur, sur lequel on appose la marque du marteau. Lorsque les arbres sont martelés pour être mis en vente, on appose une marque à la racine et une autre à hauteur d'homme, le bûcheron devant couper l'arbre au dessus de la première marque.

La sélection des arbres n'exclut pas le maintien des spécimens remarquables. Les arbres les plus exceptionnels ont été conservés de coupe en coupe par les forestiers. Pour renforcer leur protection, le premier classement officiel des arbres remarquables en forêt domaniale est imposé par une circulaire du 29 juin 1899. La liste officielle des arbres protégés a été dressée en 1911, et révisée en 1935 et 1996. Elle permet encore de conserver pour les générations à venir des monuments vivants du patrimoine naturel.

La patrimonialité du massif de Compiègne ne repose pas seulement sur son histoire récente mais sur des héritages pluriséculaires, souvent méconnus du grand public, où patrimoine archéologique et patrimoine naturel sont inextricablement liés. Ces héritages font incontestablement la richesse et l'originalité du massif et justifient l'attribution du label "Forêt d'exception".

Jérôme Buridant

Transcription

(Musique)
Marie Roussel
C’est une balade aux couleurs de l’automne que nous vous proposons ce soir avec cette futaie de hêtres et de chênes, la forêt de Compiègne est magnifique en ce moment. Nous sommes sur l’allée des Beaux-Monts. Elle a été ouverte sous Napoléon Ier pour plaire à sa jeune femme Marie-Louise d’Autriche. Nostalgique de son pays d’enfance, elle recrée la perspective du château de Schönbrunn. La légende raconte que cette allée a été ouverte en une seule nuit. Difficile à croire. Deux pistes cyclables traversent la forêt de Compiègne et vous ne risquez pas de vous perdre grâce aux poteaux indicateurs. Ils ont été placés là il y a bien longtemps pour guider les chasses royales. Pour en profiter, il faut se redresser, lever les yeux, tendre le cou. Autre solution, la plus efficace, être à cheval. Car les poteaux qui jalonnent la forêt de Compiègne ont été créés pour les cavaliers dès le XVIIe siècle.
Michel Leblanc
C’est Louis XIV, le premier, qui a demandé à ce qu’il y ait des poteaux indicateurs qui permettent aux personnes qui circulaient en forêt de ne pas se perdre. Ces personnes étant essentiellement des suiveurs de chasse à courre, puisque la forêt de Compiègne était une forêt royale dévolue essentiellement à la chasse à courre.
Marie Roussel
Les poteaux actuels datent de 1827. A chaque carrefour son pilonne. Cela donne 311 poteaux et 1785 pancartes. Autant de routes qu’il a fallu nommer. On s’est inspiré de la chasse, de la mythologie. On a même emprunté aux faits divers comme ici, au carrefour des Sept morts.
Michel Leblanc
La légende veut qu’ici, il y ait un promeneur, enfin une personne avec un chien qui a été attaquée par des brigands. Et ils se sont défendus et ils ont tué 7 brigands, d’où le nom du carrefour, carrefour des Sept morts.
Marie Roussel
On raconte aussi qu’au XIXe siècle, l’impératrice Eugénie s’est perdue en forêt. Son époux Napoléon III a alors fait ajouter sur chaque poteau un rectangle rouge indiquant la direction du château.
Michel Leblanc
Quand on se met dos au petit trait rouge, on regarde en face de nous et on a la direction du château de Compiègne. Ce qui fait que les personnes qui suivaient les chasses ne se perdaient plus.
Marie Roussel
En 2003, les poteaux ont été rénovés. Vaste entreprise financée par le département et initiée par des bénévoles.
Hugues Grandmaison (de)
Ceux qui ont été refaits sont dans le moule, je dirais presque, au millimètre près du dessin. Et les poteaux que vous avez là sont exactement ceux qui ont été vus par Eugénie quand elle se trouvait dans ces poteaux.
Marie Roussel
Aujourd'hui, pour les promeneurs, ces poteaux sont de véritables guides. Et s’il en est un que vous affectionnez particulièrement, vous pouvez le parrainer. 187 poteaux ont déjà trouvé preneur.
(Bruit)
Marie Roussel
Nous allons retrouver maintenant l’un des forestiers pour parler des arbres remarquables. Il y en a environ une trentaine dans cette forêt. Luc Bison, bonjour.
Luc Bison
Bonjour.
Marie Roussel
Alors je vais vous laisser présenter le vénérable spécimen au pied duquel on se trouve. C’est le plus vieux de la forêt ?
Luc Bison
Donc chêne de Sainte-Perrine. C’est le plus vieux chêne forestier d’Europe.
Marie Roussel
Quel âge ?
Luc Bison
A peu près 900 ans.
Marie Roussel
900 ans. On imagine qu’il a vu passer des choses ?
Luc Bison
Enormément de choses, sauf qu’il n’y en a pas de trace écrite. On n’a pratiquement aucune histoire, aucune anecdote.
Marie Roussel
Dans quel état se trouve-t-il au bout de 900 ans d’existence ?
Luc Bison
Eh bien cette partie est encore vivante, parfaitement vivante. Mais l’arbre est composé de 3 parties : une derrière. On va le voir. Une derrière qui est très abimée, très écorcée, avec des trous de sortie de gros gros insectes qui s’appellent le grand capricorne. Et puis une partie encore plus atteinte. Il y a 25 ans environ, les enfants du village ont enfoncé dans un petit trou un pétard du 14 juillet, puis le pétard a mis le feu à un nid de guêpe. Donc une grosse grosse blessure. Ce qui n’empêche qu’il est vivant.
Marie Roussel
Qui décide, et sur quel critère, qu’un arbre devient remarquable et donc protégé ?
Luc Bison
Donc il s’agit par obligation de la rencontre entre un homme et un arbre. L’homme fait une demande auprès d’une commission. Et puis l’arbre étant classé, il devient quasiment intouchable.
Marie Roussel
Sur quel critère on se base ?
Luc Bison
Soit c’est le plus grand, le plus beau, le plus gros, le plus laid. C’est une histoire d’amour.
Marie Roussel
Les arbres comme celui-ci, remarquables, sont bien sûr préservés. Tous les autres, potentiellement, peuvent être abattus sur décision des forestiers, puisque l’une de leurs missions est de veiller au développement harmonieux du massif.
(Bruit)
Marie Roussel
On appelle ça le martelage. Les forestiers marquent les arbres destinés à être abattu. Car dans une forêt, il y a les beaux, les robustes et il y a les autres, les faibles ou les rabougris, ceux qui prennent de la place et gênent la croissance des meilleurs. Tout l’art du forestier, c’est de reconnaître les indésirables et de les marquer.
Michel Jourdain
Donc je choisis ce chêne. Il a un gros défaut, une tare. Il y a une brogne pourrie qui se trouve à 4 mètres. Donc je l’ai enlevée pour favoriser ce chêne-là qui est plus beau. Il n’a pas de défaut. J’enlève celui-là.
(Bruit)
Michel Jourdain
On fait sauter l’écorce jusqu'au bois. Et on impose l’empreinte du marteau de l’Etat.
Marie Roussel
Les initiales AF pour Administration Forestière. Puis on mesure le diamètre de l’arbre, on estime sa hauteur et on entre les données dans un compas électronique. Si l’on est dépourvu de l’outil, on crie.
Michel Miens
Fayard 30-16. J’ai appelé pour que mon collègue puisse enregistrer les caractéristiques de l’arbre, et tout est comptabilisé pour savoir exactement ce qu’on va vendre.
Marie Roussel
Ce sera ensuite à l’acheteur d’abattre les arbres. Ce matin, les 6 forestiers ont martelé en quelques heures une parcelle de 11 hectares. Tout va très très vite. Les choix sont quasi instinctifs. C’est précis et sans bavure.
Stéphane Brault
Notre décision, elle est quand même pesée, elle est quand même mesurée pour façonner un peuplement forestier pour se diriger vers un peuplement d’élite, vers de très très beau bois.
Marie Roussel
Demain matin, les forestiers du massif de Compiègne seront à nouveau sur le terrain. Ils martèlent tout au long de l’automne puis de l’hiver façonnant ainsi la forêt de demain.